Claude Lelièvre : Quid de la Refondation ? 

Dans un article tout à fait intéressant à bien des égards paru hier dans le « Café pédagogique » (« Bilan du quinquennat ; le piège de la Refondation », il est soutenu que « si les regards sont si divergents, cela tient à la formule même de la ''refondation'', un mot valise, où chaque électeur pouvait déposer ses rêves dans une formule ample qui a permis de faire de grandes choses, mais qui a empêché le gouvernement de réformer sur des priorités ». On permettra sans doute à un ''témoin historique'' des débuts de la ''refondation'' (et de son inscription dans la loi d'orientation votée en juillet 2013) de reproduire ici la transcription d'un moment clé du débat à ce sujet (le 12 mars 2013, à l'Assemblée nationale).

 

"M. Xavier Breton (UMP). Nous souhaitons changer le terme de ''refondation'', qui est usurpé puisqu’il n’y a pas de'' refondation'' dans ce texte, pour rappeler clairement, dans une volonté de rassemblement que ''l’école est la priorité de la nation''. Il n’est pas inutile de le rappeler, monsieur le rapporteur, sans avoir besoin d’inventer des mots comme celui de ''refondation'' qui enivrent mais qui n’ajoutent rien.

 

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

 

M. Yves Durand, rapporteur. ( PS) Défavorable. Pour que les choses soient définitivement claires, du moins je l’espère, quant au mot'' refondation'', je voudrais vous lire cette phrase de Claude Lelièvre, historien de l’éducation : « Le thème de la refondation de l’école républicaine doit en effet d’abord et avant tout être compris comme la priorité enfin donnée aux fondations, c’est-à-dire à l’école maternelle et à l’école élémentaire, puis au collège, et à ce qui est jugé fondamental, à savoir la qualité et la formation professionnelle des enseignants, la question de la culture qui doit être effectivement maîtrisée par chacun, l’attention privilégiée aux élèves fragiles. » Voilà ce qu’est la refondation, et c’est ce que propose cette loi.

 

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

 

M. Vincent Peillon, ministre. Même avis. »

 

C'est sans doute  à partir de cela qu'il convient avant tout d'apprécier le bilan de « la refondation » (et les chances qu'il puisse y avoir une -relative- continuité  à l'aune des projets présentés lors de cette élection présidentielle, sous tel ou tel aspect ou bien dans tel ou tel domaine...)

 

Dans l'article d'hier du « Café pédagogique »,  il est aussi indiqué que « lutter contre les inégalités, c'était la Refondation à mener et la réforme à faire […]. Le combat pour l'Ecole républicaine s'est dilué dans la Refondation. Ce concept flou a ruiné le projet d'égalité ».

Mais la notion d'égalité est-elle moins ''floue'' (cf les palinodies de certains des opposants à ce qui est communément appelé la ''réforme du collège'') ?

 

Comme le disait déjà Henri Wallon (l'un des auteurs du Plan « Langevin-Wallon de 1947) dans son célèbre discours de Besançon du 23 mars 1946 (mais cela n'a pas été clarifié depuis ) :« Il y a [au moins] deux façons de concevoir l’enseignement démocratique. Il y a d’abord une façon individualiste : c’est poser que tout enfant, quelle que soit son origine sociale, doit pouvoir, s’il en a les mérites, arriver aux plus hautes situations. C’est en fait une conception qui reste individualiste en ce sens que, si les situations les plus belles sont données aux plus méritants, il n’y a pas, à tout prendre, une élévation sensible du niveau culturel pour la masse du pays. Il y a, par conséquent, une sorte d’écrémage progressif, continu, des classes populaires, qui donnent leurs meilleurs sujets pour occuper les situations les plus élevées, les plus rémunératrices ou seulement les plus propres à rendre fiers ceux qui les occupent.  Et il y a une conception démocratique de l’enseignement qui envisage – elle - une élévation totale de la nation quelle que soit la situation occupée, ou plutôt quel que soit le travail et quelles que soient les fonctions qu’auront à accomplir tous les individus de la société ».

 

En définitive, selon le plan Langevin-Wallon, « l’enseignement doit offrir à tous d’égales possibilités de développement, ouvrir à tous l’accès à la culture, se démocratiser moins par une sélection qui éloigne du peuple les plus doués que par une élévation continue du niveau culturel de l’ensemble de la nation ». Rude tâche ! A venir ?

 

Claude Lelièvre

 

Bilan du quinquennat

 

 

Par fjarraud , le mercredi 19 avril 2017.

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