L'efficacité des Rased mise en cause par une étude 

Les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) vont-ils faire à nouveau les frais de la probable alternance politique ? C'est ce que craignent les associations d'enseignants spécialisés après la publication par l'IREDU d'une étude qui met en doute leur efficacité. Réalisée par Claire Bonnard, Jean-François Giret et Céline Sauvageot, l'étude point une recrutement trop large des élèves, un effet d'étiquetage néfaste à leur carrière scolaire et des résultats  neutres ou négatifs. Les associations de maitres des Rased pointent des failles dans l'étude et craignent des suites politiques. Des enseignants du premier degré sont inquiets.

 

2007-2017, Rebelote

 

 Dix ans plus tard, rebelote ? Déjà menacés de disparition en 2007, les enseignants des Rased s'attendent à un nouveau coup dur en 2017. Alors que la ministre a très récemment demandé aux recteurs de favoriser leur reconstitution, les Rased sortent étrillés d'une étude de l'Iredu. Leur efficacité est nettement mise en doute.

 

L'étude utilise les données issues du panel primaire 1997 réalisé par la Depp (division des études du ministère). Ce panel suit un échantillon de 10 000 élèves entrés en CP en 1997 jusqu'en 5ème. Les élèves indiquent chaque année s'ils ont reçu une aide. Le panel donne les résultats aux évaluations nationales de français et maths en Cp et en Ce2.

 

L'étude de Claire Bonnard, Jean-François Giret et Céline Sauvageot pointe trois éléments négatifs pour les rased.

 

Un recrutement trop large

 

Le premier c'est le recrutement trop large et très orienté des Rased. Trop large car l'étude estime qu'un tiers des enfants bénéficiant du rased ne présente pas de difficultés scolaires. Très orienté aussi selon l'étude. " Les caractéristiques socio-démographiques des élèves semblent bien jouer significativement sur la sélection en Rased. Toutes choses égales par ailleurs, une fille aura moins de chances de bénéficier de l’aide du Rased qu’un garçon. De même, la PCS du chef de famille structure largement l’accès au Rased au bénéfice des enfants issus des milieux les moins favorisés".  Ainsi quand 5% des élèves sont de nationalité étrangère, c'est 14% des élèves suivis par les rased, quand 2% des chefs de famille dont chômeurs c'est 8% de ceux des élèves suivis par les rased.

 

Effet d'étiquetage

 

L'étude pointe aussi un effet d'étiquetage des élèves des rased. " Le fait d’avoir bénéficié du Rased en CP accroît significativement la probabilité de redoubler l’année de CP ou de partir en classe spécialisée en CE1". Pour les auteurs de l'étude cela montre que ces élèves restent marqués par leur passage en rased.

 

Plus grave, l'étude estime que l'effet sur le niveau scolaire est nul ou négatif. Pour l'estimer l'étude observe les résultats aux évaluations nationales des élèves inscrits en rased. " On constate globalement un effet négatif du Rased sur les résultats aux évaluations de début de CE2. Cet impact est plus marqué et surtout très significatif, en mathématiques", note l'étude. "En effet, les élèves ayant bénéficié du Rased en CP obtiennent en moyenne des scores en mathématiques inférieurs de 2 à 4 points par rapport aux autres élèves, à caractéristiques comparables. Cette différence, est nettement moins importante en français et apparaît même non significative dans deux des estimations... L’effet du passage en Rased diffère également selon le niveau initial de l’élève. Le fait d’avoir été en Rased a un impact d’autant plus négatif si l’élève présente initialement moins de difficultés scolaires et comportementales. En revanche, l’effet apparaît neutre pour les élèves jugés les plus en difficulté".

 

La condamnation d'un système d'aide

 

Pour les auteurs, " ces résultats présentent néanmoins l’intérêt de questionner d’une part, l’efficacité globale du dispositif et d’autre part, sa difficulté à cibler les élèves les plus faibles. Nous pouvons penser qu’un recentrage des moyens de ce dispositif sur ces derniers pourrait apparaître plus pertinent". Leur conclusion vise directement le maintien des rased. " Nos résultats montrent que les programmes d’aide visant à extraire ou cibler de manière spécifique, des jeunes en difficulté ne semblent pas être efficaces. D’autres programmes permettant un travail avec l’ensemble de la classe, mais adapté aux difficultés des élèves semblent à privilégier".

 

La réponse des enseignants

 

Interrogées par le Café pédagogique, les associations de maitres des Rased soulèvent des failles dans l'étude menée par l'iredu. Ainsi à propos de l'étiquetage des élèves observé par leur taux de redoublement "C'est une étude historique", relève Thérèse Auzou Caillemet, présidente de la FNAME, l'association des maitres E , ceux qui travaillent la remédiation pédagogique. "On n'est plus du tout dans le redoublement aujourd'hui". De fait l'étude juge les rased à partir d'un panel d'élèves qui ont été scolarisés entre 1997 et 2003. Depuis trois circulaires ont redéfini les rased (2002, 2009 et 2014) et le redoublement a quasiment disparu du primaire. Fanny Apfeldorfer, pour la Fnaren, estime au contraire que le rased permet de changer le regard sur l'enfant et de le positiver.

 

T Auzou Caillemet revient aussi sur le mode de sélection des élèves.. Elle rappelle que ce ne sont pas les rased qui sélectionnent les élèves mais l'enseignant de la classe, le directeur et les trois membres du rased. "Le choix est issu d'une co reflexion" et il tient compte du rapport que la famille entretient avec l'école.

 

Qu'est ce que la difficulté scolaire ?

 

 Une autre critique porte sur l'évaluation des élèves faite par l'étude. "Il y  aune méconnaissance de ce  qu'est la difficulté scolaire", estime T Auzou Caillemet."L'étude part sur trois niveaux de compétences des élèves et considère comme en grande difficulté l'élève ayant des difficultés sur trois critères. Mais un élève trop discret en difficulté sur une seule compétence où serait-il classé ? Qu'entendent les auteurs par difficulté scolaire ?" C'est aussi ce que nous a dit Fanny Apfeldorfer, pour la Fnaren, l'association des maitres rééducateurs. "Dans les enfants pour lesquels une aide est demandée, il y a des enfants qui ne sont pas en difficulté sur le plan strictement scolaire mais par rapport à leur confiance en soi ou qui ont des difficultés de comportement qui retentissent sur le climat de la classe voire de l'école".

 

La faiblesse des résultats en maths ne surprend pas T Auzou-Caillemet : "80% des demandes en CP portent sur le français, les maths sont peu abordées", nous a t-elle dit. Le niveau en français est jugé plutôt au bénéfice des rased.

 

"Les enfants suivis par les rased sont en difficultés", rappelle F Apfeldorfer. "Sans le rased ces enfants auraient été réorientés en classe spécialisées", estime-t-elle. Ils seraient ainsi sortis du panel Depp.

 

Les associations de maitres des rased préparent une réponse commune. Mais ils s'interrogent sur le contexte de publication de cette étude, qu'elles jugent à charge, à quelques mois des élections.

 

Quelle place pour les rased dans le système ?

 

"Le professeur dans sa classe doit créer une dynamique et faire évoluer ses pratiques pour que tous les enfants soient en situation d'apprentissage", nous a dit Rachelle Schneider, secrétaire départementale du Snuipp 93."Mais il y a des enfants, à un moment de leur parcours , qui ont besoin d'une aide spécifique apportée par un enseignant spécialisé".

 

L'effet du démantèlement des rased entre 2007 et 2012 a été vivement ressenti sur le terrain. "La décimation des maitres G (rééducateurs) par exemple fait que l'on a des tensions dans les écoles élémentaires avec des enfants qui vont mal et qui mettent à mal l'équilibre de classes entières. On est persuadé qu'n meilleur travail de prévention en maternelle aurait atténué ces situations".

 

Si l'étude de l'Iredu suscite autant de réactions dans l'enseignement primaire c'est bien qu'il cumule les difficultés. Les enseignants doivent accueillir des enfants ayant des handicaps divers, faire réussir tous les élèves dans les classes les plus chargées d'Europe de l'ouest , le tout sans formation. Dans cette situation les rased sont la seule aide dont disposent les maitres. Les attaquer est très mal vécu.

 

François Jarraud

 

L'étude

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 20 février 2017.

Commentaires

  • vttcascade, le 26/02/2017 à 11:03
    Le résultat de cette enquête est absurde : les garçons et les enfants dont les parents sont étrangers ou chômeurs sont surreprésentés chez les élèves pris en charge par les RASED....bien évidement ! C'est le problème inégalitaire de l'école française. Ou comment prendre les statistiques à l'envers.

    Cela n'enlève rien au fait que la prise en charge de la difficulté scolaire n'est toujours pas au point dans notre système.
  • veronica4, le 26/02/2017 à 08:17
    Une étude a-t-elle été faite sur l'intérêt de l'IREDU et ses maîtres de conférences en Sciences de l'Éducation grassement payés qui ne servent à rien et n'ont jamais vu d'élèves ?
  • Viviane Micaud, le 20/02/2017 à 09:14
    Je suis d'accord avec l'analyse.  L'étude a trop de biais pour que les résultats soient valables. Nous avons ici la même erreur d'analyse que les SEGPA et le redoublement. A notes égales, si on a proposé le redoublement, c'est que le comportement du jeune et la capacité montrée à l'oral étaient différents. Il y a deux types de SEGPA. Les SEGPA pensées comme pour donner une chance aux enfants qui veulent se mettre à travailler. Les SEGPA pour les enfants que l'on veut plus en classe normale. Les résultats sont très différents. Les enfants en RASED ont plus souvent des difficultés comportementales qui ne sont pas reliés avec leur niveau. 
    Par contre, je suis aussi d'accord que les meilleurs solutions sont dans le cadre de la classe sans redoublement avant la 3ème, mais avec des enseignants formés sur comment faire pour des enfants avec des difficultés d'apprentissage. Il faut aussi que la taille de la classe soit choisie pour que les enseignants aient ayant réellement le temps de s'occuper de chaque enfant. Il faut toutefois pouvoir avoir une partie des cours différents pour les enfants ayant de grandes lacunes, mais en gérant le risque de sentiment de mise à l'écart. (C'est juste une manière de présenter le dispositif au jeune et à ses camarades).
    • pld22, le 22/02/2017 à 16:44
      J'ignorais qu'il existait "deux types" de Segpa... ;)
      D'une manière générale, il faut bien reconnaître qu'en Segpa, les élèves ont malgré tout tendance à perdre en compétences depuis leur entrée en 6ème jusqu'à leur sortie, quatre ans plus tard. De nombreux PE le savent, même si on ne le dit pas trop fort. Un récent rapport de la DEEP dresse d'ailleurs un bilan plutôt sombre de l' accès au diplôme du CAP alors qu'il s'agit de l'objectif n°1 pour le post-3ème. L'effet d'entre-soi ségrégatif joue ici  à plein.
      Pour ce qui est des Rased, on peut tirer les mêmes observations : les élèves ne profitent guère de cette attention qu'on croit adaptée mais qui n'est en réalité qu'une revue à la baisse des attentes des enseignants à leur égard. Ces modèles ont certes eu leur pertinence à une époque où on ne concevait la gestion de  la difficulté scolaire qu'en termes différencialistes. Désormais, il  serait temps de passer à autre chose et de traiter ces questions au sein même de la classe, tant dans le premier degré qu' au collège. Le changement de regard qui s'est opéré sur les élèves handicapés depuis 2005 doit pouvoir se faire également sur leur camarades en difficultés d'apprentissages. 
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