EPS : La course au trésor pour redonner confiance  

Comment redonner confiance aux élèves en décrochage ? Voici le projet  de l’équipe pédagogique de la classe relais du collège Montesquieu à Beauchamp dans le val d’Oise. Teddy Mayeko, professeur d’EPS  présente ce projet inclusif qui réunit toute une équipe d'enseignants (Patricia Geay, en Lettres, Carine Gopaulen, SVT, David Herrero, technologie, José Ogenda, AED et Guillaume Pasquier, EPS) avec les élèves et leur famille.

 

Une Course au trésor ? C'est quoi ?

 

Le fil conducteur de notre projet s’articule autour de la préparation et de la réalisation d'une course au trésor, associant les élèves d’une classe relais, les parents/référents et les professeurs le temps d’une demi-journée (en fin de session). Chaque enseignant y participe et y contribue (à sa manière) en guidant les collégiens « pas à pas » au fil des séances.

 

Vous  intervenez en classe relais. En quoi ce dispositif consiste-il ?

 

La classe relais est un dispositif pédagogique particulier destiné à remobiliser des élèves en situation de décrochage scolaire. Notre équipe se compose de cinq enseignants et d’un assistant d’éducation. Nous sommes tous volontaires et désireux de venir en aide à des élèves vivant des histoires scolaires, sociales et familiales souvent douloureuses. Nous accueillons, en petit effectif (12 au plus), des élèves provenant de différents établissements sur une période de 6 à 7 semaines. Dans nos pratiques professionnelles, nous cherchons à exploiter des méthodes pédagogiques à la fois novatrices et porteuses de sens. Les savoirs scolaires sont ainsi recontextualisés au sein de tâches concrètes, mises en relations les unes avec les autres et rendues accessibles aux élèves.

 

Quels objectifs poursuivez-vous ?

 

Notre projet s’organise autour de plusieurs objectifs fédérateurs visant principalement à aider des élèves en situation de réelle souffrance personnelle. Pour cela, nous sommes déterminés à remotiver des élèves qui ne croient plus en leur chance de succès et à renforcer leur estime d’eux-mêmes en leur prouvant qu’ils sont capables d’apprendre. Nous souhaitons également créer un climat de confiance, favorable à l’engagement des uns et des autres. Dans cette optique, nous travaillons en concertation étroite avec les référents pédagogiques des élèves qui ont pour mission de les accompagner tout au long de l’année sur leurs établissements respectifs. En parallèle, nous tissons des liens constructifs et durables avec les familles qui doivent transformer le regard qu’elles portent sur les compétences de leurs enfants.

 

Concrètement, comment cette dernière journée s’est-elle déroulée ?

 

La chasse au trésor (ou course d’orientation) s’est déroulée en trois étapes. Tout d’abord, chaque binôme (un élève et son référent) devait se servir de la carte pour trouver un poste précisément localisé. À ce titre, les élèves ont pu faire la démonstration de leurs compétences d’orienteur construites tout au long de la session. En effet, pour réussir à conduire un déplacement efficace et adapté à la recherche du poste, les élèves devaient nécessairement connaître les principaux éléments de la légende et avoir préalablement construit une relation symbolique entre la carte et la réalité du terrain.

 

Une fois sur le poste, les binômes avaient pour consigne de relever et de mémoriser deux informations : un chiffre indiquant le nombre de pas à effectuer pour trouver la balise associée au poste et une couleur indiquant le point cardinal à suivre. De retour à la table d’orientation, l’équipe enseignante accueillait les élèves en s’assurant que la couleur et le chiffre correspondent effectivement au poste recherché. Suite à quoi, nous leur indiquions la direction à suivre (en repartant du poste) pour trouver la balise.

 

En bout de course, nous donnions aux binômes une énigme à résoudre par balise trouvée. Toutes les énigmes portaient sur des connaissances précises ou des notions abordées lors des différents cours auxquels les élèves ont participé. À titre d’exemple, le travail réalisé en SVT sur le rôle et le fonctionnement des organes a été réinvesti à travers ces deux questions : quel organe entraine la circulation du sang en se contractant (réponse : le cœur) et quel organe permet de réagir de façon adaptée en percevant les informations issues de notre environnement (réponse : le cerveau) ?

 

Pourquoi avoir choisi d’inviter les référents pédagogiques et les familles lors de cette chasse au trésor ?

 

Ce choix tient principalement à deux principes pédagogiques qui cimentent notre entreprise et incarnent les valeurs éducatives que nous défendons. Premièrement, nous pensons qu’il est indispensable que des élèves en voie de décrochage puissent faire la démonstration de leurs compétences scolaires. En effet, nous voulons croire que des collégiens en mal de repères, qui entretiennent une relation conflictuelle avec les apprentissages, ont un besoin urgent de retrouver confiance en eux. Ainsi, pour lutter contre la récurrence d’un phénomène de lassitude et de résignation, qui inviterait nos élèves à se décourager et à se démotiver, il semble nécessaire de leur prouver qu’ils sont capables de progresser et de faire quelque-chose par eux-mêmes. Dans cette perspective, les référents pédagogiques et les familles sont à la fois les témoins et les garants de cette évolution. En partageant une expérience nouvelle et ludique ils mesurent le travail accompli et tendent à amplifier le sentiment de fierté et de satisfaction lié à la maitrise et à la démonstration d’un ensemble de savoirs scolaires.

 

Deuxièmement, nous pensons que la réintégration de l’élève sur son établissement d’origine doit s’envisager à travers une concertation resserrée, permettant aux équipes (de la classe relais et du collège de l’élève) de tisser des liens solides. En effet, il faut à tout prix éviter que les « pas en avant » réalisés par les élèves ne s’évaporent brutalement à la fin de la session. Ce moment est extrêmement délicat car nos jeunes réintègrent un espace scolaire qui porte toujours les séquelles de leurs agissements passés. Dans ce contexte, ils auront besoin de s’appuyer sur un référent, qui sera d’autant plus légitime à leurs yeux qu’il aura vécu et partagé une expérience forte avec eux. Réaliser ensemble la chasse au trésor, permet à l’élève et à son référent de partager une tranche de vie mémorable au cours de laquelle chacun donne le meilleur de soi-même. Une tranche de vie scolaire, riche en émotions, qui apporte la preuve à nos élèves que les adultes sont prêts à faire des efforts pour eux

 

Pensez-vous que cet événement soit suffisant pour aboutir à de réels changements en terme d’attitude et de comportement ?

 

Beaucoup de nos tentatives n’aboutiront sans doute pas, néanmoins, nous pensons que « notre métier est piloté par le fait que ce n’est pas grave d’échouer, l’important c’est de ne pas abandonner » (Le Meur, Enseigner l’EPS à des classes difficiles, 2012). Cela signifie qu’il faut se donner les moyens de faire bouger progressivement les choses.  Dans la vie scolaire d’un élève, certains « petits événements » sont annonciateurs de changements. Plus ou moins importants, ils comptent parmi ces petits riens dont on ne se soucie pas mais qui changent tout. Dans cette logique, nous pensons que la chasse au trésor est une occasion privilégiée pour rassembler, voire même parfois pour réconcilier, les élèves, les familles et les référents. En invitant ces derniers à venir voir ce dont les jeunes sont capables nous contribuons à raviver la flamme de l’espoir, au sein d’un espace scolaire qui peut enfin devenir un lieu de plaisir et de sécurité.

 

Quelles pistes pourraient-être réutilisables dans un établissement ne bénéficiant pas de classe relais pour que les élèves raccrochent ou persévèrent ?

 

Cette question est relativement complexe car il est vrai qu’au sein de la classe relais nous bénéficions de conditions de travail qui nous autorisent à proposer d’autres modalités de pratique et d’apprentissage. Les contraintes structurelles habituelles (une classe de 25-30 élèves avec un enseignant) sont totalement revisitées. Nous avons la possibilité de co-intervenir en groupe restreint pour individualiser les temps d’enseignement et accorder de véritables moments d’écoute et d’échange à des élèves qui manquent cruellement d’attention. Néanmoins, nous pensons que certaines pistes pédagogiques, que nous explorons avec nos élèves en classe relais, peuvent être réinvesties en contexte de classe ordinaire. Si elles ne sont pas magiques, ces propositions peuvent tout de même contribuer à enrichir ou à renforcer les pratiques professionnelles des collègues au quotidien. Dans un cadre collectif, il semble intéressant de poser des règles collectivement partagées par l’équipe pédagogique afin de construire un cadre clair et structurant pour les élèves. Dans un cadre pédagogique : fixer des seuils de tolérance explicites permet d’aider les élèves à percevoir les lignes éducatives à ne pas franchir. De plus, dans un cadre didactique, le fait de trouver des portes d’entrée plus ludiques qui interpellent la curiosité des élèves et de finaliser certaines séquences d’enseignement par des projets concrets et authentiques qui motivent nos jeunes donnent davantage de sens à leurs apprentissages (à l’image de la chasse au trésor). Enfin, dans un cadre socio-éducatif, il semble judicieux d’impliquer davantage les familles, y compris lorsque les élèves progressent et se comportent bien, afin que les parents puissent aussi avoir un retour positif sur leurs enfants.

 

Antoine Maurice et Benoît Montégut

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 23 décembre 2016.

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