Le plan numérique entre rêve et réalité  

« Notre rêve c’est que dans quelques années tous les jeunes de France puissent disposer d’un outil numérique. Que dans toutes les écoles et tous les collèges il puisse y avoir ces outils et la transformation de ce qu’on peut enseigner. Notre rêve c’était de réduire grâce à ces outils les inégalités et de donner une éducation citoyenne par rapport aux informations qui peuvent être reçues ». En clôturant le 16 décembre la « Rencontre autour des acteurs du numérique à l’Ecole », François Hollande laisse le grand plan numérique entre rêve et réalité. De cette rencontre on retient quand même deux annonces : celle d’Edu Spot, un grand événement sur le numérique éducatif à venir en mars, et une charte de confiance des services numériques dans l’éducation qui reste à écrire.

 

En mai 2015, en présentant un énième plan numérique, François Hollande l’avait paré de toutes les vertus. « Les témoignages recueillis montrent comment le numérique peut développer de nouvelles pratiques pédagogiques, lutter contre le décrochage, réduire les inégalités, apporter des réponses adaptées aux élèves handicapés, ouvrir l'école aux partenaires et aux parents ».  F Hollande ajoutait que le numérique « rendra l'Ecole plus attrayante même si ce n'est pas son objet. Il ne dispensera pas du courage qu'il faut pour apprendre ».

 

La part du rêve

 

Un an et demi plus tard la Rencontre organisée à l’Elysée n’échappe pas au rêve. Faute de maitriser le temps qui file, le 16 décembre, le ministère a voulu en vendre. Sous les dorures de la salle des fêtes de l’Elysée, dans un décor de cinéma, il y a des people et la rencontre s’ouvre sur des présentations qui ne s’embarrassent pas de complexités.

 

Commençons par les people. Marc Lavoine, Raymond Domenech et Abdel Aïssou signent avec le ministère une convention permettant le déploiement d’une trentaine de « cartables connectés » reliant des enfants malades avec leur classe.

 

Puis se succèdent une principale, deux enseignants, un responsable associatif, un chef d’entreprise, le président du CNEE, une IPR, un élu territorial lors de présentations qui ont été longuement préparées et répétées, coach à l’appui, comme nous l’ont confié des participants.

 

Là on bascule dans le conte de Noël. « Je vois des enseignants qui s’interrogent et ouvrent leur porte au conseil départemental et aux entreprises », s’émerveille la principale du collège Jean Vilar de Chalon. Une IPR de maths, responsable d‘un programme e-Fran, voit, en décembre 2031, l’Ocde publier des résultats de Pisa montrant une forte progression de la France grâce au numérique… Quant à Benjamin Viaud, pdg de Beneylu, il se réjouit de  « rendre l’école plus chouette » et invoque Skywalker…

 

Les interventions des enseignants se détachent. Cyril Michau, professeur de maths au collège international de Noisy le Grand, explique très bien comment avec le numérique il donne un statut constructif à l’erreur et pourquoi c’est important pour les collégiens en maths. Marie Soulié et Aurore Coustalat, professeures au collège Argote à Orthez, que la ministre a rencontrées au Forum des enseignants innovants, montrent comment le numérique les aide à travailler en équipe pour les EPI et comment il « brise la frontière entre l’école et la maison ».

 

La part de la réalité

 

C’est que le plan numérique est aussi bien réel. Notamment le fait que le ministère ait compris qu’un plan numérique doit associer les équipements avec des programmes, des ressources et de la formation, créant ainsi un écosystème éducatif où manque quand même la clef de voute des examens.

 

Fin 2016, l’effort d’équipement ne touche encore que 24% des collèges ou, pour être plus précis, 200 000 collégiens (sur plus de 3 millions). Le ministère promet le passage à 50% à la rentrée 2017 avant une éventuelle généralisation en 2018.

 

Un plan de formation des enseignants des collèges est aussi lancé. Après 3 journées qui ont eu plus ou moins lieu, selon les académies, l’année dernière, ce sont encore 3 journées qui sont inscrites cette année pour tous les professeurs des collèges. Pour la grande majorité des enseignants cela prendra la forme d’une formation à distance via M@gistère ou d’autres outils, comme le Mooc HG3 pour les professeurs d’histoire-géo.

 

La plus grande réussite c’est peut-être finalement la production en un temps très court de ressources numériques pour le collège. Sans révolutionner l’enseignement, elles aident les professeurs à organiser leurs cours et les élèves à les réviser.

 

Pix testé par des adultes

 

Pour Pierre Ferracci, président du conseil Education Economie (CNEE), la maitrise du numérique est aussi un impératif économique à condition qu’il ne crée pas de nouvelles inégalités. Un objectif qui sera aussi souligné par Soumia Malinbaum (Syntec). Il rappelle le développement de Pix, le nouvel outil d’évaluation des compétences numériques qui remplace le B2i. Pix devrait être testé par un service public et une grande banque, soit 250 000 salariés , en 2017.

 

Une « Charte de confiance »

 

Hervé Borrédon, président de l’Afinef, association des industriels du numérique éducatif, Sylvie Marcé, présidente du syndicat des éditeurs scolaires et Soumia Malinbaum, administratrice du Syntec, le syndicat des entreprises du numérique, signent avec N. Vallaud-Belkacem une « charte de confiance » des services numériques pour l’éducation.

 

« Aujourd’hui les contenus et les services sont de plus en plus liés aux enjeux de l’individualisation », explique S Marcé. « Pour cela il faut travailler avec des enfants sur des contenus qui laissent des traces utiles pour progresser mais qui demandent à être consignées dans des serveurs pour un usage strictement pédagogique ». La charte de confiance vise justement à protéger ces données d’un usage commercial et à rassurer les utilisateurs, notamment les parents. Son contenu précis reste à élaborer.

 

L’annonce d’Edu Spot

 

Tous ces acteurs devraient se retrouver dans un événement annoncé par la ministre : Edu Spot. Ces nouvelles « Rencontres du numérique pour l’éducation » auront lieu à Paris du 8 au 10 mars avec le soutien du ministère. Cette version française du Bett associera des formations, des réunions institutionnelles, des conférences et aussi un grand salon réunissant une centaine d’industriels et d’éditeurs de la e-éducation.

 

Hommage à la pédagogie

 

En concluant cette Rencontre, François Hollande a longuement remercié les enseignants. « On doit préparer les jeunes à occuper les emplois de demain et à être pleinement citoyens et dominer les outils numériques », explique le président de la République. L’Ecole a un rôle fondamental à jouer. Elle doit prendre conscience que son environnement change… Je veux saluer ce que les enseignants ont été capables de saisir comme une opportunité. Le numérique à l’école est une volonté de l’Etat mais aussi une possibilité offerte aux élèves grâce aux enseignants ».

 

« Je veux saluer les enseignants. Souvent on met en cause l’éducation nationale comme si c’était un système rigide, immobile… Rien n’est plus faux. On se moque aussi de la pédagogie… Je veux faire le constat que l‘Education nationale est capable de s’emparer de ce qui est une chance… L’outil numérique peut être un moyen de réduire les inégalités »,a-t-il conclu en affirmant que c’est « l’essentiel de l’engagement ». En fin d’après midi la pédagogie revenait enfin avec le numérique.

 

François Jarraud

 

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Par fjarraud , le lundi 19 décembre 2016.

Commentaires

  • pignolo, le 19/12/2016 à 08:14
    Par exemple, on enseigne en informatique aux élèves de lycée que les mots de passe ne doivent pas être stockés en clair sur un serveur. Visiblement il y a encore du boulot, en commençant dès le café ;-) .
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