La chronique de Véronique Soulé: Mohamed Koné et le droit à l'école pour les jeunes étrangers  

Marine Le Pen veut faire payer l'école aux enfants de parents étrangers sans papiers. Qu'adviendrait-il, si elle parvenait au pouvoir, de jeunes comme Mohamed Koné qui, arrivé en France comme mineur isolé étranger, a pu suivre des études comme les autres ? Même si sa situation est aujourd'hui incertaine, il a été scolarisé sans rien avoir à débourser. Voici son histoire.

 

Bon élève, Mohamed Koné est aussi doué en foot. Originaire de Côte-d'Ivoire, il fait partie de ces enfants qui avaient rêvé de devenir footballeurs dans des clubs européens et qui ont été pris dans les mailles des filets de trafiquants.

 

" On était quinze jeunes comme moi, raconte-t-il, C'est un Sierra Leonais qui nous avait promis de nous trouver un club. Mes parents ont payé 5 000 euros. Nous sommes arrivés jusqu'en Turquie. Et là, à Antalya (grande ville touristique sur la côte méditerranéenne), il n'y avait personne. On s'est retrouvés abandonnés, seuls, sans papier. "

 

Co voiturage

 

Mohamed Koné n'a pas un sou en poche. Essayer de regagner la Côte-d'Ivoire ? Difficile lorsque tant d'espoirs ont été placés en vous, souvent au prix d'efforts importants de la famille. Ce serait un terrible aveu d'échec. 

 

Heureusement, un autre jeune qui, lui, avait un peu d'argent, lui propose de faire la  route avec lui. Il a de la famille en Italie. " Nous avons traversé l'Europe ensemble, essentiellement en co voiturage :  Grèce, Serbie, Hongrie...."

 

Mohamed décide de poursuivre jusqu'en France où il arrive le 8 juin 2015. Il a 16 ans et demi. Avec le statut de mineur isolé étranger, il se retrouve pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance. Il est alors placé à la MECS (Maison d'enfants à caractère social) de Creil, dans l'Oise, un établissement géré par l'association Les Apprentis d'Auteuil.

 

Série S

 

" On m'a fait passer des tests scolaires, explique Mohamed, on a trouvé que j'avais un bon niveau et on m'a classé en Compétences Plus. Puis très vite, on m'a proposé d'aller en seconde générale au lycée de Creil."

 

Mohamed suit bien. Aimant les matières scientifiques, il est admis à la rentrée en première S au lycée Marie Curie de Nogent-sur-Oise. Un motif de fierté. Le voilà sur les rails, pense-t-il, et il songe déjà au jour où il aura le bac, puis lorsqu'il ira  à la fac...

 

A la MECS, cela se passe bien. " Un jeune d'un très bon niveau, qui a de l'aisance ", confirme Chafik, l'un des éducateurs. Ils sont 34 jeunes au total. Et Mohamed s'est fait des amis. " Tu as parlé de ton chien Al Capone ? ", lui glisse en rigolant Laura, une camarade de la MECS, pendant l'interview.

 

Couperet

 

Mais les choses se compliquent. Le 17 août 2016, Mohamed a 18 ans. Comme tous les jeunes, étrangers ou non, qui sont placés à l'Aide sociale à l'enfance, le couperet tombe : devenu majeur, il cesse d'être pris en charge.

 

Mohamed doit faire alors une demande de prolongation de sa prise en charge et obtenir un Contrat jeune majeur. Pendant longtemps, cela s'est fait quasi automatiquement jusqu'à l'âge de 21 ans.

 

" Mais avec les contraintes budgétaires, on propose souvent des contrats de trois mois renouvelables ", indique Chafik. La ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes Laurence Rossignol a bien promis que les jeunes placés pourraient continuer à être pris en charge le temps de leurs études. Mais entre les annonces et la réalité, il y a parfois un gouffre.

 

Attente

 

Mohamed est aujourd'hui dans les affres de l'attente. Après avoir obtenu un premier Contrat jeune majeur provisoire, il attend la réponse pour une prolongation lui permettant de rester à la MECS jusqu'à la fin de son année scolaire. 

 

" Je suis angoissé, je dors mal, j'ai du mal à me concentrer en classe, confie-t-il, les professeurs l'ont remarqué et m'ont demandé pourquoi. Ils m'ont dit qu'ils me soutenaient, que si j'étais à la rue, je pourrais rester dans l'établissement, mais pas le week-end parce qu'il est fermé. "

 

Le 7 décembre dernier, Mohamed Koné était à la présentation du livre " Le Parti des jeunes " par les Apprentis d'Auteuil (1) : une vingtaine de propositions à destination des candidats à la présidentielle, élaborées par les jeunes eux-mêmes. Mohamed était venu défendre celle réclamant une solution pour le problème des jeunes majeurs brusquement lâchés par  l'Aide sociale à l'enfance.

 

Moindre mal

 

En attendant, il devra probablement suivre le circuit " classique " proposé à ces jeunes. Faire un apprentissage en alternance pour avoir vite un métier, ce qui lui permettra de gagner sa vie, de louer un logement et d'avoir son titre de séjour reconduit. Puis sa situation ainsi stabilisée, il pourra reprendre des études, en bénéficiant d'aides diverses.

 

Un détour coûteux, un gâchis indiscutable, mais un moindre mal par rapport à ce que Marine Le Pen réserve aux étrangers ... et à l'école (2).

 

Véronique Soulé

 

La déclaration de M Le Pen

(1) http://jeunesse2017.fr/

(2) Sur M Le Pen et l'Ecole

 

Lire les précédentes chroniques

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 12 décembre 2016.

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