Pisa : Les stéréotypes de genre marquent encore les résultats 

Où en est on de la fracture sexuée en France dans pisa 2015 ? Jean-Louis Auduc , ancien directeur d'IUFM, suit ces questions depuis des années. S'il fait le point sur l'impact du genre dans Pisa 2015 c'est que les choses ont nettement évolué depuis Pisa 2012. Mais les stéréotypes de genre organisent encore les compétences scolaires en France.

 

L’analyse de l’enquête internationale PISA 2009 publiée en décembre 2010 avait montré l’existence pour la France « d’une triple fracture  sociale, ethnique et sexuée ». Voyons ce qu’il en est au niveau de PISA 2015 concernant la fracture sexuée, puisque la fracture sociale et ethnique est, hélas, fortement confirmée par les résultats qui viennent d’être présentés.  Quelles en sont les composantes ? Quelles évolutions ? Quelles leçons en tirer

 

Une fracture sexuée concernant la compréhension de l’écrit qui reste importante même si elle a diminué

 

 « En France, dans PISA 2009, les filles possèdent 40 points d’avance sur les garçons, contre 29 en 2000. Les résultats des garçons en lecture passent de 490 points en 2000 à 475 points en 2009, quand les résultats des filles s’est maintenu de 519 points en 2000 à 515 points en 2009. (1)

 

Les résultats de PISA 2015 montrent que cet écart de réussite entre filles et garçons a diminué ce qui est positif. « L’écart de performance en compréhension de l’écrit entre les garçons et les filles a diminué entre 2009 et 2015, mais reste très important en France avec une différence de score de 29 points  en faveur des filles » (2)

 

L’écart filles/garçons dans le domaine de la compréhension de l’écrit reste pourtant très  supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE. Le rapport PISA 2015 souligne que des pays comme le Japon, l’Irlande, l’Autriche, l’Espagne, Israël ont, dans ce domaine, des résultats similaires pour  les garçons et les filles.

 

Il est  donc urgent pour l’OCDE que les pays concernés par des écarts importants filles-garçons - et la France l’est au premier chef – construisent des stratégies spécifiques « pour s’employer à trouver des moyens plus efficaces pour amener les garçons à s’intéresser à la lecture dans le cadre scolaire et familial. »        

 

Un resserrement en France des écarts globaux garçons/filles  en mathématiques et en sciences

 

Il n’y a quasiment plus d’écart dans les résultats de  PISA 2015 entre garçons et filles dans les matières scientifiques. « En Sciences et en Mathématiques, l’écart de performance entre les garçons et les filles s’est réduit et n’est plus significatif » (2)

 

Quelles évolutions expliquent ce resserrement ? Comme l’indique le rapport PISA 2015 pour la France : « Cette réduction est due en grande partie à une légère baisse de niveau des  garçons ». Les tableaux font apparaître une stabilisation des résultats des filles en Sciences, et une baisse des résultats des garçons ce qui amène la quasi-réduction des différences. Il en est de même en Mathématiques.

 

Les garçons plus en difficulté que les filles

 

Ce qui est extrêmement significatif dans les tableaux publiés par PISA 2015 , c’est que dans toutes les compétences étudiées, les garçons apparaissent beaucoup plus en difficulté que les filles, ce que confirme en France les statistiques concernant le décrochage scolaire :

 

En Compréhension de l’écrit, 26,1% des garçons (en accroissement sur 2009 ) apparaissent en difficulté contre 16% des filles. L’écart concernant les garçons les plus en difficulté par rapport aux filles est de 43 points (quasiment une année de cours) alors que globalement l’écart n’est que de 29 points.

 

En Sciences, là aussi les élèves les plus en difficulté sont 23,3% de garçons (en hausse par rapport à 2006) contre 20,8% des filles (chiffre stable). L’écart en points est de 13 points en faveur des filles pour les élèves jugés en difficulté ( 361 points contre 349 pour les garçons).

 

En mathématiques, il y a 23,8% d’élèves français jugés en difficulté contre 23,1% des filles. Là encore, le score moyen des garçons les plus en difficulté est de 361 points contre 367 points pour les filles en difficulté. Comme le dit le rapport PISA 2015 pour la France : « En mathématiques, les résultats montrent que la proportion de garçons très performants a diminué plus fortement que celle des filles, et que celle des garçons en difficulté a augmenté plus rapidement que celle des filles » (4)

 

Tout cela montre la nécessité de réfléchir à l’existence de cette fracture entre les sexes qui vient fortement accentuée les fractures sociales et ethniques dans les résultats constatés par PISA 2015

 

 

Des rapports aux disciplines et aux apprentissages différenciés entre les garçons et les filles

 

L’enquête PISA 2012 avait déjà montré que face à un problème de mathématiques, plus de la moitié des filles (52 %) se sentent perdues, contre un tiers des garçons (33 %). Concernant les notes en mathématiques, ce sont 78 % des filles qui s'inquiètent, contre 66 % des garçons.

 

En effet, à performances égales avec les garçons, c’est en France, juste après la Suisse, que la proportion de filles à se déclarer anxieuses vis-à-vis des mathématiques est la plus élevée des pays et économies participant à l’enquête PISA .

 

Alors qu’en France, les garçons font preuve de moins de persévérance pour résoudre des problèmes de mathématiques qu'en moyenne dans les pays de l'OCDE, chez les filles, cette tendance est encore plus marquée. Face à un problème à résoudre, la proportion de filles à abandonner facilement est plus importante que celle des garçons, avec des proportions s’établissant respectivement à 60 % et à 44 %.

 

Selon le rapport sur PISA 2012 : « Par rapport aux garçons, une proportion plus importante de filles déclarent « Je remets les problèmes difficiles à plus tard », et une proportion moins importante de filles déclarent « Quand j’entame un exercice, il m’intéresse jusqu’au bout », « Je travaille sur mes exercices jusqu’à ce que tout soit parfait » et « Quand j’ai un problème difficile à résoudre, j’en fais plus que ce que l’on attend de moi ». Cette différence entre les sexes représente respectivement 6, 9, 3 et 7 points de pourcentage. »

 

Le rapport PISA  2015 a conforté cette approche en montrant qu’en France, les garçons affichent une bien plus grande confiance en eux que les filles. En France, sept des huit tâches utilisées pour composer  l’enquête PISA , le pourcentage de garçons affirmant pouvoir réaliser ces tâches est plus élevé que celui des filles.

 

L’écart n’est favorable aux filles que pour la tâche : « Décrire le rôle des antibiotiques dans le traitement des maladies ».  Il s’agit d’ailleurs de la seule question en rapport avec le domaine médical, domaine largement prisé par les filles dans leurs perspectives de carrières scientifiques.

 

Ces différences indique selon l’OCDE « l’existence en France d’un fossé important entre les garçons et les filles en matière d’efficacité perçue. »

 

Autre caractéristique de la France selon PISA 2015 : « Alors que les garçons prennent plaisir à apprendre les sciences, il en va autrement pour les filles. La France se situe ainsi parmi les pays où l’indice de plaisir dans  l’apprentissage des sciences est le moins élevé pour les filles »

 

Il faut aussi noter que les garçons trouvent avec 10 points de différence en leur faveur que « que les cours de sciences  leur sont utiles », mais pour la France, le chiffre est moindre que la moyenne des élèves des pays de l’OCDE et la différence filles/garçons est plus marquée en France que dans les autres pays de l’OCDE.

 

Combattre les stéréotypes et les images de la notion de sciences : les enjeux de l’orientation

 

La notion de « carrières scientifiques » n’apparaît pas, à travers l’enquête PISA 2015 , revêtir en France le même sens pour les garçons que pour les filles.

 

Lorsqu’on demande qui va travailler dans un « domaine scientifique », dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE on a « une proportion égale de filles et de garçons qui envisagent de travailler dans un domaine scientifique ». En France, c’est un garçon sur quatre qui pense travailler dans le domaine scientifique, contre moins d’une fille sur cinq.

 

Les filles semblent donc, en France, repousser les carrières scientifiques, mais l’enquête PISA 2015 a voulu aussi voir l’image qu’on se faisait des sciences. La France se caractérise par le fait que des professions comme dentistes, médecins, vétérinaires n’apparaissent pas pour les élèves à prime abord comme des « carrières scientifiques » à l’inverse des autres pays de l’OCDE. En France,  ce qui est ressenti comme carrières scientifiques, ce sont les ingénieurs, électroniciens, informaticiens……

 

Il y a là une particularité bien française qui a du mal officiellement à définir ce qui est scientifique, d’où la difficulté de nos élèves et en corollaire, l’accentuation des stéréotypes concernant les professions.  .

 

Les deux images des carrières scientifiques apparaissent, en effet,  très sexuées :

-          12% des garçons de 15 ans en France disent vouloir être ingénieurs ou informaticiens contre moins de 5% des filles

 

-          A l’inverse, 15% des filles disent vouloir être médecins, chirurgiens, vétérinaires contre 5% des garçons…..

 

Il y a donc dans le domaine de l’éducation à l’orientation une double urgence : maintenir toutes les actions pour favoriser l’orientation des filles vers des carrières d’ingénieurs ou d’informaticiens. Et mener des campagnes en direction des garçons pour les inciter à choisir comme carrières scientifiques, la biologie, la médecine, la chirurgie, être vétérinaire, etc.

 

Jean-Louis Auduc

 

Ecole une fracture sexuée ?

L'égalité filles garçons c'est bon pour les garçons

Auduc : Filles et garçons dans Pisa 2012

PISA : le DOSSIER

 

Notes :

1  Dépêche AEF n°141776 du 7 décembre 2010

2  Rapport PISA 2015. France. OCDE Décembre 2015

3  Rapport PISA 2015. France. OCDE Décembre 2015

 

 

Par fjarraud , le jeudi 08 décembre 2016.

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