Alain Serres : A 20 ans, "Rue du Monde" garde l'esprit d'enfance... 

Quel enseignant du primaire ignore les éditions Rue du Monde ? Cette année, Rue du Monde   fête ses vingt ans à l'Université d'Automne du SNUipp. Sur la grande terrasse de l'accueil, les poissons d'Aurélia Fronty, les zèbres de Zaü, la poule qui picore de Julia Chausson, le perroquet de Laurent Corvaisier, le dresseur de serpents de Vanessa Hié ont rendez-vous avec les enseignants. Pour le plus grand bonheur de tous, les illustrations des albums de l'édition se sont invitées à Leucate et donnent à cette Université 2016 une part de poésie inattendue. Alain Serres, dirige les éditions Rue du Monde qu'il a créées en 1996. Il répond aux questions du Café pédagogique.

 

Les enseignants réunis à Leucate viennent pour penser ensemble leur métier avec ses difficultés, ses bonheurs et ses questionnements. Quels sont les difficultés, les bonheurs et les questionnements d'Alain Serres, éditeur ?

 

Les difficultés, c'est de faire les livres de nos rêves avec les moyens offerts par le public qui nous a accordé sa confiance sur les titres précédents… Le contexte économique est lourd. Chaque année, on se demande « Va-t-on y arriver ? ». Nous faisons des livres audacieux, où la relation texte/image est originale, les problématiques parfois dérangeantes. Mais 20 ans après, nous sommes encore bien vivants !

 

Difficulté aussi de voir la chaîne du livre en souffrance. Des relieurs, des imprimeurs ferment. Trop de livres sont fabriqués en Asie, à bas prix, constituant une concurrence déloyale ; c’est rude …

 

Les bonheurs ? Ils sont à mon avis de deux ordres. Il y a celui vécu à l'instant même de la création, lors de ce ping-pong jubilatoire avec des auteurs et illustrateurs. On élabore, on discute, on propose des pistes  pour qu’en peu de mots, le livre fasse mouche, étonne, émeuve. Je me régale lors de ces moments où le livre prend vie mais où tout est encore possible. C'est excitant.

 

L'autre temps du bonheur, c’est bien sûr le retour des lecteurs, des parents, des enseignants, qui racontent ce qu'ils ont fait de nos ouvrages. Ils nous disent leur étonnement d’avoir découvert l’impact d’un poème, leur plaisir d’avoir monté un projet de théâtre en prolongement à l’une de nos histoires…

 

Quand on fait des livres avec créativité et authenticité, on génère quelque chose du même ordre. Beaucoup d’enseignants savent alors rebondir sur ce tremplin que devient le livre.

 

Et les questionnements ?

 

Quand va-t-on enfin arriver à une véritable formation autour de la littérature de jeunesse et de l’éducation à l’image ? À l'école, ne devrait-on pas beaucoup plus oser le livre jeunesse au cœur de la vie de la classe ? Il accueille en effet le monde avec ses contradictions, ses combats, ses coups de colère et ses splendeurs. Il offre des dimensions nouvelles à la vie de l’enfant. Il faut s’en saisir.

 

La place du livre de jeunesse dans les médias pose aussi question. Elle est réduite à néant ! Les grands créateurs du livre ne sont pas reconnus parce qu’ils agissent sur le terrain de l’enfance. Il faudra qu’un jour, la société toute entière comprenne que ce qui se noue autour de l'enfance mérite un regard attentif qui ne soit ni complaisant, ni condescendant.

 

Vous avez une ligne éditoriale engagée. D'où vient ce choix ? Comment faites-vous pour le tenir ?

 

Ce choix vient de mes colères adolescentes, que j'ai gardées. Je ne parviens pas à me décourager de vouloir refaire le monde ! Au centre de cette manière de penser l’enfant, qui est considéré comme une personne et comme un être social à part entière. Toutes les vibrations de la société, ses échecs ou ses progrès parviennent à ses oreilles, l’affectent parfois ou l’interrogent. Il n'est pas seulement le fils de ses parents ou l'élève de son école. Il est aussi citoyen d’un monde qui chaque minute évolue. De ce statut d’être social, découlent ses droits culturels. Et notamment le droit à une littérature qui le prend au sérieux.

 

Mais méfions nous, engagement ne veut pas toujours dire qualité de la production écrite ou artistique ! Parfois, la main est trop lourde, caricaturale. J’aime quand l’enfant est appelé à chercher plus qu’à répéter. Alors parmi les 2000 projets annuels que nous recevons, on choisit…

 

Pensez-vous que l'utilisation des albums de Rue du Monde à l'école génère dans les classes une pratique de l'écrit particulière ?

 

Beaucoup de classes agissent avec nos livres. On invite les enseignants à se saisir des questions qu'ils portent pour en faire des tremplins de production de textes avec leurs élèves.  Je sais que nos livres de poésie donnent ainsi souvent naissance à d’autres poèmes. Deux poèmes sont rapprochés et on leur fait faire un troisième poème tout neuf, leur bébé ! Beaucoup d’enseignant de maternelle rebondissent sur nos albums pour en inventer d’autres. Notre « Lettres ouvertes aux terriens », écrit par des enfants est souvent utilisé comme déclencheur d’écriture. Nos livres tendent des perchent, que chacun saisit à sa manière.

 

Quel est votre prochain ouvrage ?

 

« Bonnes nouvelles du monde ». Un minuscule colibri-journaliste repère sur la planète, ce qui peut nous donne envie d'espérer. Nathalie Novi a peint sur des pages de journaux du monde entier. C'est une belle métaphore qui raconte ce qu'est notre édition. Pour le prochain Printemps des Poètes 2017, nous préparons quelques nouveautés porteuses de « l'esprit d'enfance ».

 

Vous le définissez comment cet esprit d'enfance ?

 

C’est un Cocktail complexe  d'innocence, de fraîcheur, de lucidité, de capacité à être utopique, qui nous fait oser l’impossible, garder l'esprit libre, se moquer, des autres, de soi… Espérer beaucoup en l'amour et la générosité. Penser à priori que l'autre nous ouvre les bras.

 

Propos recueillis par Michèle Vannini

 

Retrouvez les éditions Rue du Monde

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Par fjarraud , le mercredi 02 novembre 2016.

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