Le film de la semaine : « Joyeuse fête des mères » de Garry Marshall 

Vous n’êtes pas nécessairement des partisans de l’hommage rendu aux mamans un dimanche par an ? Il vous sera cependant difficile de résister à la séduction acide de cette réjouissante comédie américaine, à la fois fidèle à la tradition hollywoodienne et totalement déjantée. Aux commandes, un grand réalisateur, Garry Marshall, qui n’en est pas à son coup d’essai : il est notamment l’auteur de « Pretty Woman » et de« Valentine’s day ». Tout en respectant les conventions inhérentes au sujet (la célébration des joies de la maternité dans toutes ses dimensions), le cinéaste construit un film choral où se croisent les destins de plusieurs femmes de générations et de statuts différents, toutes confrontées aux nouvelles formes de parentalité. Et la comédie romantique, habituellement associée à un idéal du bonheur, se transforme progressivement en satire féroce de l’éclatement de la famille dans une société américaine qui met en crise le mode de vie des couches moyennes. En bref, « Joyeuse fête des mères » déclenche des rires en cascades, tout en jetant une lumière crue sur le devenir, précaire et vulnérable, de la famille d’aujourd’hui. Ne boudons pas notre plaisir. 

 

Femmes au bord de la crise de nerfs, imbroglios affectifs

 

Nous entrons dans le vif du sujet sur les chapeaux de roue. Une grande maison claire et spacieuse, une femme fébrile au petit matin, un homme (le père ? son compagnon ?) vient chercher les deux garçons pour les conduire à l’école. Visiblement, il n’a pas dormi là et, avant de partir en coup de vent, il souligne qu’il a quelque chose d’important à dire à la grande blonde dynamique, mère des enfants. Nous venons de faire la connaissance de Sandy (Jennifer Aniston, épatante) qui apprend bientôt de la bouche de son ex-mari qu’il vient d’épouser secrètement Tina, une brune pulpeuse beaucoup plus jeune ! Mise devant le fait accompli, elle n’a pas d’autre choix que de ravaler son chagrin et de trouver avec le nouveau ‘marié’ et son épouse les modalités d’éducation alternée des deux fils, et de rêver à un nouvel amour. Justement, au supermarché, elle rencontre un veuf qui élève seul ses deux filles adolescentes depuis la mort récente de sa femme. Nous découvrons Bradley (Jason Sudeikis, savoureux), plutôt gauche et maladroit, qui a bien du mal à cacher totalement son trouble. Il n’est pas le seul. Jessica (Kate Hudson, pétillante), pour sa part, est fâchée avec sa mère depuis des lustres. Lorsque cette dernière décidée à renouer débarque chez elle à l’improviste, la situation affective de Jessica est si peu orthodoxe qu’elle déclenche dans un premier temps stupeur et tremblements chez ses parents (qui commencent par prendre la fuite dans leur camping-car opportunément immobilisé par une panne). Enfin, il faudra patience et longueur de temps à la jeune Kristin, mère d’un petit bébé et compagne d’un serveur et ‘show man’ comique à ses heures, pour faire tomber les masques et renouer avec sa vraie mère qui l’a abandonnée dès son plus jeune âge. La mère en question n’est autre qu’une vedette de télé-achat et auteure à succès d’ouvrages sur la maternité, prénommée Miranda (Julia Roberts, méconnaissable en tenue stricte et coupe au carré).

 

Intrigues cocasses, questions à foison

 

Même si les itinéraires de ces femmes aux parcours chaotiques se croisent, il est quasiment impossible de dénouer l’enchevêtrement de fils qui les relient grâce à un scenario ne ménageant pas ses effets. La réussite comique vient davantage de l’accumulation des situations cocasses, de leur succession rapide, de leur précipitation même, au point que nous ne sommes plus en mesure de percevoir le moment exact où les crises se dénouent, les conflits s’apaisent. Par des moyens dévoyés et des chemins rocambolesques, le réalisateur aboutit en apparence à l’évidence du dénouement de la comédie hollywoodienne classique, le happy-end. En fait, tous les clichés (le mari volage et traitre, l’épouse abandonnée incapable de faire le deuil de la séparation, la femme de tête au cœur de pierre, cachant l’abandon de son enfant…) se retournent ironiquement sous nos yeux en un tour de main.

Et ce tour de passe-passe gagne en profondeur tant s’y révèlent les incohérences des comportements de citoyens américains chamboulés dans leur intimité par les transformations du couple et de la famille. Si les protagonistes ne paraissent pas souffrir des conditions matérielles d’une existence plutôt cossue, ces (excessifs) représentants des couches moyennes américaines semblent parfois dépassés par les nouvelles formes de parentalité et de conjugalité qui s’ouvrent à eux. Sous le règne de l’enfant-roi qui dicte sa loi et tend à faire ’tourner en bourriques’ les adultes qui lui tiennent lieu de parents, tous sont pris avec délice dans un tourbillon affectif, ou (re)tombent dans un nouveau vertige amoureux, avec une innocence et un bonheur qui contrastent avec l’ampleur des mutations sociétales en cours.

 

Ne nous fions pas aux apparences, « Joyeuse fête des mères » cache bien son jeu.

 

Samra Bonvoisin

« Joyeuse fête des mères », film de Garry Marshall-sortie en salle le 25 mai 2016

 

 

Par fjarraud , le mercredi 25 mai 2016.

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