Rythmes scolaires : On ne pourra pas revenir sur la réforme affirme le rapport de Françoise Cartron 

Chargée par le premier ministre d'une mission sur l'application des nouveaux rythmes scolaires dans les communes rurales, la sénatrice Françoise Cartron a remis le 20 mai son rapport à Manuel Valls. Il pointe de nombreux faits positifs mais laisse deviner en creux ou de façon explicite ce qui ne va pas : les enseignants boudent toujours le périscolaire, le niveau des animations doit s'améliorer. Mais pour F. Cartron, il est impossible de revenir en arrière...

 

Un rapport globalement positif

 

Elue de terrain, Françoise Cartron a pris sa valise et visité un millier de communes rurales dans 86 départements pour demander aux élus comment se passe la réforme des rythmes scolaires. Elle a aussi auditionné une centaine de personnes, dont C Leconte, F Testu et H Montagner. Enfin elle a mis en ligne un questionnaire destiné aux élus locaux. 120 communes y ont répondu dont 58% de grosses communes (+ de 5000 habitants).

 

"La réforme des rythmes scolaires, confrontée les premiers mois à des difficultés d'organisation, laisse peu à peu place au projet collectif nécessaire à la réussite de la réforme", écrit-elle. La prise en compte des facteurs humains permet de gommer, petit à petit, les imperfections et de transformer les contraintes en opportunités", écrit-elle.  Tout au plus reconnait-elle que des ajustements sont nécessaires.

 

Cette réussite elle la lit dans le taux de satisfaction des maires. Le nombre d'accueils périscolaires a été doublé depuis 2012 et celui des places triplé.  Le taux de fréquentation du périscolaire est excellent : dans 59% des communes il dépasse 75% des élèves en élémentaire et en maternelle c'est le cas de 42% des communes. Mais il est vrai que les transports scolaires y sont pour quelque chose, particulièrement en zone rurale. Les enfants n'ont souvent pas le choix s'ils veulent rentrer chez eux...

 

Des maires très investis

 

Comment ont fait les maires ruraux pour monter les projets éducatifs de territoire (PEDT) ? "La bonne échelle c'est l'intercommunalité" , explique F Cartron. Sans elle les maires n'auraient pas pu réaliser le PEDT là où les enseignants boudent la réforme. L'intercommunalité, mariée au décret Hamon, permet aussi le partage des animateurs.

 

Les maires se sont beaucoup investis dans la réforme, estime-t-elle, particulièrement en zone rurale. "C'était la seule façon de garder l'école au village", note-elle. "Il fallait une offre de qualité sinon les parents auraient mis leur enfant dans la ville où ils travaillent".

 

1% du budget communal seulement

 

Le coût souvent mis en avant est écarté par F Cartron. Selon elle, le surcoût généré par la réforme des rythmes représente 1% des budgets communaux, une évaluation qui rejoint celle de la Cour des comptes. "Les communes bénéficient des aides de l'Etat qui sont généreuses", estime-t-elle.  Le problème c'est l'aide supplémentaire de la CAF. La sénatrice demande une simplification du dossier de demande d'aide, trop complexe pour les petites communes. La grande majorité ne la demande pas.

 

Petits chevaux et balle aux prisonniers

 

Mais que font les enfants sur ce temps scolaire ? Le rapport présente de nombreux exemples de communes qui ont mis en place des activités à succès. A Créon, en Gironde, les enfants pratiquent la clarinette grace au périscolaire. A Morcenx (Landes) ils jouent des percussions et un Ludo bus partage les jeux éducatifs entre els communes. A Vinsobres, Drome , c'est la découverte des arts plastiques.

 

Françoise Cartron vante les parties de jeux de société "qui apprennent les règles et le vivre ensemble" et les parties de balle prisonnier, "des activités physiques que les jeunes ne font plus". Le problème c'est que le périscolaire dure 5 ans, ce qui fait un peu long pour une partie de petits chevaux. "On est inquiet de l'essoufflement . de l'offre", reconnait-elle. "Il faut faire un saut qualitatif".

 

Pour elle, l'offre existe. De organismes culturels comme Cap Sciences à Bordeaux, l'INRIA, le musée du Quai Branly proposent déjà des mallettes pédagogiques et forment les animateurs. Canopé propose à un prix ridiculement bas des fiches d'ateliers qui permettent de renouveler les animations.

 

"Cette offre profite en priorité aux plus défavorisés", nous a dit F Cartron. Ce sont eux qui bénéficient d'activités auxquelles ils n'avaient pas accès avant.

 

Un point noir : l'éducation nationale

 

Le point noir cela reste les relations avec l'éducation nationale. Certes elles sont jugées "bonnes" dans la grande majorité des cas. Mais les trois quarts des élus ignorent l'existence des Groupes d'Appui Départementaux qui sont censés les aider...

 

"De l'avis général, le fonctionnement des conseils d'école a été extrêmement mal vécu par les maires", note F Cartron. "Tous témoignent de moments difficiles... Ces tensions, si elles sont apaisées, ont laissé des traces". Dans l'Ariège, un animateur estime que "les enseignants et le sparents nous mettent à l'épreuve en permanence... Les tensions ne sont pas totalement effacées".

 

Pour F Cartron, les enseignants ignorent les animateurs. L'utilisation des salles de classe reste "un sujet bloquant" même s'il y a eu des compromis. Beaucoup d'élus n'y recourent pas.

 

Or, dans une enquête réalisée par le Snuipp en 2015 auprès de 16 764 enseignants, 74 % des répondants estimaient que le temps périscolaire impacte négativement le temps scolaire en termes d'organisation, de fonctionnement de l'école mais aussi d'attention et de fatigue des élèves. Seuls 9% décelaient des effets positifs sur les apprentissages, notamment grâce au passage à 5 matinées de classe notamment en cycle 3, et 8 % sur le climat de la classe. 73 % notaient une baisse de concentration et d'attention chez certains de leurs élèves sur le temps de classe. 79% demandaient une autre organisation horaire de l'école

 

La situation des maternelles est aussi préoccupante. Pour F Cartron la bonne solution c'est de mettre les activités périscolaires entre 12 et 14 heures. Mais cela a des conséquences sur le temps de travail des enseignantes qui doivent attendre 15h30 pour reprendre l'école...

 

Les APC sont aussi un point à améliorer. F Cartron relève que ce temps scolaire n'est absolument pas coordonné avec les animations ce qui désorganise celles ci.

 

Un bilan finalement pas si positif

 

"Partout j'ai demandé "voulez vous arrêter", explique F Cartron. "Partout on m'a répondu non", répond-elle. D'abord parce que les communes n'ont pas envie de remettre en cause ce qui a été difficilement construit. Un sentiment de lassitude largement partagé par les enseignants. Ensuite parce que la mise en place des nouveaux rythmes a permis de créer des emplois à temps complets qu'il serait délicat de faire disparaitre.

 

Pourtant, le bilan n'est pas si positif que cela. 6% des communes ne mettent toujours pas en place les activités périscolaires. La qualité des animations laisse à désirer. Et les enseignants  boudent le dispositif.

 

Où sont passées les autres évaluations ?

 

Un autre bilan devrait être présenté par le comité de suivi de la réforme. Le rapport d'étape de novembre 2015 montrait pourtant des dysfonctionnements. " Le passage à 5 matinées a totalement changé les emplois du temps hebdomadaires et souvent cela s'est traduit par un poids accru des fondamentaux au détriment de l'EPS, des sciences humaines ou des arts. ", disait-il en évoquant un risque de "déséquilibre entre les domaines d'apprentissage".

 

Surtout le Snuipp réclame la publication du rapport de l’Inspection générale sur « l’efficacité pédagogique de la réforme des rythmes scolaires ». Finalisé depuis près d’un an, selon le syndicat, il serait "retenu" par le cabinet. " De vraies questions professionnelles se posent pourtant à ce jour sur ce qu’ont produit dans les classes l’instauration d’une cinquième matinée d’école et le raccourcissement des après-midi scolaires : bénéfices ou pas pour les apprentissages ? Quels effets sur la vie des petits élèves de maternelle ? Quelles conséquences sur le temps d’enseignement des matières inscrites aux programmes ? Quels impacts sur le travail des enseignants ?", écrit le Snuipp.

 

Quatre autres études sont attendues en 2017. Une étude portera sur un panel de 15 000 élèves, en intégrant des évaluations cognitives en français et en mathématiques en fin de CM2 et un questionnaire adressé aux familles, aux maîtres, aux élèves portant sur les manières d’apprendre ou de faire classe. Une autre "portant sur un échantillon de 5 000 élèves répartis sur des modes d’organisation représentatifs permettra de comparer l’impact des différentes organisations des temps sur les apprentissages". Enfin une recherche sera menée dans une académie pour "identifier les organisations qui permettent le mieux de prendre en compte le temps global de l’enfant". Une dernière enquête étudiera l'effet de la réforme sur l'absentéisme.

 

François Jarraud

 

Le rapport Cartron

Le blog de F Cratron

Le précédent rapport d'étape

Snuipp sur le rapport

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 23 mai 2016.

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