Quels constats pour l'enseignement professionnel ? 

Alors que 36% des jeunes s'engagent dans l'enseignement professionnel en France, quelles expériences, quels constats peut-on tirer des expériences internationales ? La conférence de comparaisons internationales organisée par le Cnesco et le Ciep, avec l'aide du Céreq et du Lest, a deux jours, les 19 et 20 mai, pour faire le point. La première journée a déjà  avancé sur  les parcours de formation, la construction des compétences, les relations avec les entreprises.

                                   

L'enseignement professionnel dans le monde

 

Que sait-on des parcours de formation dans l'enseignement professionnel ? David Atchoarena, Unesco, a tracé quelques grandes caractéristiques de cet enseignement dans le monde. D'abord les forts écarts du pourcentage des élèves concernés : de 10% seulement au Japon à 50% en Allemagne. Grande variété aussi des systèmes éducatifs. Dans certains pays la voie professionnelle est séparée de la voie générale. C'est le cas en France mais aussi Allemagne par exemple. Dans d'autres, elle est intégrée et il y a une voie unique comme ne Autriche. Enfin on a des systèmes hybrides avec des voies différentes mais un socle commun très important , comme eau Danemark ou en Finlande.

 

Le niveau de compétences est donc variable mais généralement les compétences scolaires, par exemple en numératie, des élèves du professionnel sont inférieures à celles des élèves de la voie générale. Cela a une influence sur la poursuite d'études dans le supérieur même si la tendance est à la hausse. Cela entre aussi en conflit avec l'évolution du marché de travail. Partout l'emploi se polarise entre la croissance des emplois très qualifiés et très peu qualifiés. Les qualifications intermédiaires régressent or ce sont celles de l'enseignement professionnel. Il y a donc là un défi à relever.

 

Qui décide des compétences professionnelles ?

 

Mais comment se construisent les compétences demandées en enseignement professionnel ? Marius Busemeyer, université de Constance, montre les mécanismes subtils de leur définition où interviennent le marché de l'emploi mais aussi l'Etat et les organisations syndicales et patronales. L'engagement du patronat varie beaucoup d'un pays à l'autre : il peut être très fort (Allemagne) ou modéré comme ne France. D'une façon générale, l'enseignement professionnel ne se développe bien que si les syndicats et le patronat le souhaitent. Sinon la concurrence des autres formations l'emportent. Une remarque qui renvoie directement à la crise de l'apprentissage en France...

 

Peut-on sécuriser les parcours des jeunes ?

 

Alors quels parcours pour sécuriser la formation des jeunes ? Plusieurs expériences internationales ont été mises en avant. Pierre Doray, université du Québec à Montréal, a rappelé l'expérience québécoise de fusion de la voie professionnelle initiale et de formation continue face à la baisse des recrutements. La formation technique, celle des techniciens, est par contre en expansion et elle est confiée depuis les années 1960 aux Cegep, des structures qui assurent à la fois enseignement général et professionnelle. Dans l'Europe du Nord, Pia Cort, université d'Aarhus, montre que l'enseignement professionnel peut prendre des voies bien différentes. En Suède, le professionnel est intégré à l'enseignement secondaire général tandis qu'au Danemark il repose sur l'apprentissage. Les deux pays sont cependant confrontés aux mêmes problèmes de décrochage et d'estime de soi. Au Danemark le taux de décrochage chez les élèves immigrés est énorme : 70%. Cela pose la question de l'entrée en formation : l'enseignement professionnel doit il accueillir tous les élèves faibles ? La réponse du gouvernement a été de relever les niveaux d'entrée ce qui améliore le taux de décrochage mais pose d'autres problèmes.

 

Quelles relations avec les entreprises ?

 

Comment doivent s'organiser les relations avec les entreprises ? Paul Ryan, Cambridge, aborde la question sous un angle très concret : celui de la rémunération des apprentis. Quel est le bon niveau ? La tendance générale est à la baisse. Mais il constate des niveaux très variables en Europe. Ainsi en Suisse elle atteint 13% du salaire d'un employé qualifié, contre 79% en Italie, 24% en Allemagne ou 31% en France. Ces taux variés montrent que le lien avec le niveau de recrutement n'est pas automatique: par exemple en Suisse le recrutement des apprentis est élevé. Mais les exigences de formation envers les entreprises le sont également. D'autres éléments entrent en compte dans la fixation du "juste prix" comme le marché du travail, le poids de la négociation collective.

 

Comment les entreprises s'impliquent-elles dans l'enseignement professionnel ? C'est le modèle suisse que présente Alexandre Etienne, IHEFP Lausanne. Un modèle où l'enseignement professionnel implique beaucoup les entreprises, qui ont la haute main sur lui mais sous contrôle de l'Etat et des cantons.  Car l'Etat impose des conditions strictes aux entreprises pour pouvoir prétendre participer à l'enseignement professionnel. Le moteur du système est alors la rentabilité démontrée pour l'entreprise de cet effort de formation.  Pour autant, A Etienne  montre aussi les failles du système notamment la difficulté des formateurs en entreprises à s'adapter à un public de jeunes de plus en plus varié.

 

Quelle flexibilité dans les parcours ?

 

Diversifier les parcours de formation est -il efficace ? Pays de la flexibilité, les Pays Bas ont décidé en 1996 d'intégrer la formation professionnelle et les apprentissages dans un système scolaire général. Toutes les certifications professionnelles peuvent être obtenues en milieu scolaire ou en alternance dans des écoles régionales qui accueillent à des niveaux différents. Cette totale flexibilité a ses limites. Anneke Westerhuis, ECBO, montre un système plutôt en crise, avec un apprentissage qui ne se développe pas à tous les niveaux.

 

Le bilan de cette première journée n'apporte pas de certitudes. Mais plutôt des interrogations pour une voie professionnelle qui partout est interrogée par l'évolution du marché du travail, le défi de l'accès au supérieur et des équilibres organisationnels fragiles.

 

François Jarraud

 

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Par fjarraud , le vendredi 20 mai 2016.

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