"A l'éducation nationale, comme dans d'autres organisations, il y a de la souffrance au travail". Nouveau médiateur de l'éducation nationale, Claude Bisson-Vaivre a présenté le 13 mai un rapport qui invite à changer les règles du jeu du mouvement et à travailler sur les risques psycho sociaux. Des propositions audacieuses qui se recommandent de la bienveillance, une vertu rarement appliquée au personnel de l'éducation nationale...
11 562 saisines
Inspecteur général, Claude Bisson-Vaivre a remplacé Monique Sassier en juillet 2015 comme médiateur de l'éducation nationale. Une fonction déjà bien connue des usagers de l'école avec 11 562 saisines, un nombre inchangé depuis 2014. 74% des saisines proviennent des usagers de l'école et 26% des personnels de l'éducation nationale. Pour les personnels de l'éducation nationale, 25% concernent les mutations et affectations, 21% des questions financières, 16% la carrière et 12% les harcèlements et les relations professionnelles.
Un mouvement souvent inhumain
"Le mouvement fonctionne bien mais on observe des situations individuelles à la marge du barème qui traduisent des situations très difficiles et pénibles", note C Bisson-Vaivre. Il observe que cela concerne souvent des enseignants qui ont connu un autre métier et qui sont donc installés avec une famille dans une région ce qui rend les mutations plus difficiles.
A vrai dire, le rapport du médiateur donne des exemples saisissants. C'est le cas par exemple d'un professeur contractuel reçu au concours de PLP électrotechnique. Il habite l'Ardèche, est nommé en région parisienne et ne peut pas payer son logement et son déménagement. Il ne prend pas son poste et, étant reçu au concours, ne peut plus être contractuel. Résultat son succès au concours le prive de toute ressource.
Autre exemple : une professeure des écoles obtient son droit de sortir de son département (exeat) début juillet et un ineat dans un département convoité pour rapprochement familial le 4 septembre. Or l'exeat n'est valable que jusqu'au 31 août, les deux Dasen ne s'harmonisant pas... Le rapport donne d'autres exemples frappants où la garde alternée précisée dans un jugement de divorce est rendue impossible par une mutation trop lointaine.
Humaniser les règles...
Le médiateur fait des propositions qui vont de l'humanisation de la machine bureaucratique jusqu'à une refonte partielle des règles de mutation.
L'harmonisation c'est par exemple une meilleure information des candidats aux concours sur les mutations, y compris une carte du mouvement par discipline. C'est mettre en place un calendrier des mutations qui permettent d'harmoniser les mouvements : mutations simultanées dans le 2d degré et harmonisation des ineat / exat dans le 1er degré. C'est aussi pouvoir permettre aux stagiaires affectés dans une académie peu attractive d'y rester comme néo titulaire si on le souhaite.
Ou les changer ?
Le médiateur va plus loin en proposant de nouvelles règles. "On ne peut pas se satisfaire d'un taux de mutation de 21% dans le premier degré", nous a-t-il dit. Il propose d'étendre les concours spéciaux du 1er degré, comme celui de Créteil, à tous les départements peu attractifs pour faciliter le mouvement.
C Bisson Vaivre propose de mettre fin aux séparations de conjoints de plus de 3 ans. Pour la technologie, discipline où le mouvement est le plus difficile, il invite à utiliser les possibilités offerte spar l'enseignement intégré des sciences au collège (EIST) pour redonner de l'air au mouvement. Il demande aussi que la garde alternée entre dans l'algorithme du mouvement.
Changer l'algorithme du mouvement
Enfin, le médiateur s'inspire des travaux d'Olivier Tercieux, Camille Terrier et Julien Combe sur le mouvement des enseignants pour "faire évoluer "l'algorithme de mobilité des enseignants du second degré."Ce que proposent les chercheurs mérite d'être approfondi", nous a dit C. Bisson-Vaivre. ""Il n'y a pas dans le 2d degré d'échange poste à poste. On pourrait peut-être progresser en rompant pour ces échanges avec le barème". Le travail des chercheurs a montré que ce procédé permet d'augmenter significativement le taux de mutation.
Ou changer les cadres ?
Restent encore les cas de relations difficiles entre membres du personnel de l'éducation nationale, ce qu'on pourrait appeler les cas de harcèlement. POur le médiateur cela représente 348 saisines soit 12% des demandes émanant du personnel éducation nationale. On est très en dessous de ce que Eric Debarbieux avait pu constater en 2012 en Seine Saint-Denis : 18% des personnels victimes de harcèlement par d'autres membres du personnel.
C Bisson-Vaivre propose de former les cadres de l'éducation nationale "à la dynamique de groupes et à la résolution de conflits" et de créer des structures d'écoute comprenant aussi du personnel hors éducation nationale.
François Jarraud
Le rapport du médiateur
Travaux d'O Tercieux etc. sur le mouvement
Enquête Debarbieux sur le harcèlement