Cnesco : Il faut revoir l'éducation civique 

A la veille du Conseil interministériel égalité et citoyenneté, le Cnesco publie un important dossier sur l'éducation à la citoyenneté. Avec de bonnes questions. A quoi ça sert l'éducation civique ? Quelle est son efficacité ? Comment l'enseigner ? Un dossier qui conforte l'EMC mais qui interroge les pratiques courantes. Pour le Cnesco, on ne peut pas se payer le luxe de rater l'éducation civique...

 

 " À l’institution Éducation nationale d’être à la hauteur de ces attentes et de s’engager aussi de façon très volontariste, notamment par la formation continue des enseignants, des conseillers principaux d’éducation et des chefs d’établissement pour que les pratiques pédagogiques puissent, elles aussi, se renouveler non plus exclusivement sur le papier mais dans les classes…" En ouvrant le dossier que le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) consacre à l'éducation à la citoyenneté, Nathalie Mons, sa présidente, pointe l'intérêt de ne pas rater cette éducation. " L’école peut donc réduire les inégalités de connaissances et d’engagement civiques et politiques des jeunes. Mais gare aux retours de bâton d’une école de la propagande qui n’explique pas aux jeunes les réalités sociales et politiques qu’ils vivent au quotidien." Appuyé sur un sondage d'opinion et une enquête internationale, tout le dossier invite à renouveler les pratiques pédagogiques dans une discipline historique.

 

A quoi sert l'éducation civique ?

 

Mais à quoi ça sert l'éducation civique ? " Les recherches montrent que l’existence de cours d’éducation civique est associée à un développement des connaissances civiques et au développement d’un sentiment d’appartenance à la nation, mais pas automatiquement à des attitudes et des engagements civiques plus développés", indique le rapport rédigé par Géraldine Bozec.

 

Ainsi l'investissement particulièrement important que la France consent à l'éducation civique  - on est le seul pays européen à offrir cet enseignement sur les 12 années de la scolarité - n'est pas particulièrement productif.

 

Et cela même dans des formes qui semblent très engageantes. " La participation électorale des élèves dans les instances de gouvernance des établissements comme les Conseils de vie lycéenne en France est surtout associée à la participation électorale escomptée mais jouerait peu sur d’autres formes de participation politique (implication dans un parti politique…). Ce sont davantage l’engagement des élèves dans des projets citoyens qui sont en lien avec des engagements futurs dans la vie citoyenne", dit le rapport.

 

La question pédagogique

 

Autrement dit, le rapport remet au centre de l'éducation civique la question pédagogique. Car " il existe des effets pervers de certains dispositifs d’éducation à la citoyenneté. Des recherches américaines ont montré que des cours traditionnels d’éducation civique ne présentant qu’une vision idéalisée des institutions politiques et non la réalité des systèmes politiques et sociaux (inégalités sociales, discrimination de genre, …) pouvaient au contraire éloigner les élèves des affaires de la cité (dépolitisation, moindre valorisation de la participation citoyenne).

 

Mais que sait-on de l'éducation à la citoyenneté en France ? Le rapport de Géraldine Bozec montre un enseignement qui a peu évolué et qui évite les questions sensibles.

 

Au primaire

 

Selon le rapport de G Bozec, "les pratiques d’enseignement sont en décalage avec les directives officielles". A l'école primaire, note-elle, " l’éducation civique est rarement enseignée en tant que telle à l’école primaire, comme un champ de savoir spécifique . Les enseignants tendent souvent à négliger l’histoire, la géographie et plus encore l’éducation civique à ce niveau d'enseignement... L’éducation civique est avant tout reliée, aux yeux des enseignants, aux événements de la vie de la classe, et se fait donc « au jour le jour ». Ces événements sont l’occasion d’apprendre aux élèves le respect du bien commun que représente notamment le matériel de l’école. Ils permettent aussi, notamment lors des conflits entre enfants, d’éveiller au « respect de l’autre »". On est dans le cours de morale plus que dans le débat. C'est le cours d'histoire qui est chargé d'enseignement civique avec une obsession : la construction nationale.

 

Au collège et au lycée

 

Au collège, l'enseignement civique se caractérise par des pratiques pédagogiques particulières  : c'est le moment où le professeur encourage les échanges oraux entre élèves. Mais cet enseignement reste basé sur l'étude des grands textes fondateurs, loin devant le débat. Un gris quart des enseignants n'instaurent jamais de débat, la moitié le font jamais ou rarement. Les deux tiers ne sortent jamais pour cet enseignement et la moitié n'utilisent jamais la presse.

 

Au lycée,, où l'éducation civique est apparue tardivement, " le statut de l’éducation civique dans les lycées (toutes filières confondues) apparait mal assuré. Il intéresse les élèves selon une majorité d’enseignants (54 %), qui estiment pour beaucoup qu’il « a permis de travailler sur l’argumentation » (79 %) et de faire en sorte que les élèves soient « plus réceptifs à certains enjeux de société » (75 %). Mais les professeurs interrogés sont nombreux à déclarer que leur préparation est insuffisante dans ce domaine, tant parce que les enseignants manquent à leurs yeux de formation juridique pour traiter de certains thèmes (67 %) que parce qu’ils ne maîtrisent pas nécessairement la pratique du débat argumenté (52 %)".

 

La vie lycéenne un moyen de faire régner l'ordre scolaire ?

 

Le rapport pointe "de fortes réticences à la participation des élèves à la vie de l'école". Dans el primaire elle ne concerne que des écoles militantes, comme des écoles Freinet. Au secondaire, " l’assentiment des élèves est ainsi souvent recherché par les adultes de l’école sans pour autant être assorti de possibilités réelles de discussion et de participation des élèves, à travers, par exemple, la signature par les élèves de règlements intérieurs dont ils ne peuvent discuter du contenu, ou encore les contrats signés entre l’établissement, l’élève et sa famille, dont les termes ne sont pas débattus". La vie lycéenne apparait là surtout comme un élément du maintien de l'ordre de l'établissement. " Malgré les nouveaux droits qui leur ont été accordés, en particulier dans le secondaire, l’établissement scolaire n’est toujours pas perçu par les élèves comme un espace de droits et de participation active".

 

Ce que relève finalement G Bozec, c'est " un décalage entre les prescriptions et les textes officiels, d’une part, la réalité des pratiques, d’autre part... L’examen des pratiques effectives montre une mise en oeuvre très inégale, et globalement limitée, de la formation du citoyen en classe et de la citoyenneté scolaire".

 

S'engager davantage ?

 

A la veille du Conseil interministériel égalité et citoyenneté, le Cnesco attire l'attention sur le fossé entre le prescrit et l'enseignement réel. N Mons connait trop bien l'éducation pour ignorer que ce fossé est inévitable et que les pratiques évoluent lentement. C'est donc un effort de formation des enseignants et un engagement institutionnel fort en faveur de la vie lycéenne et collégienne dans les établissements que demande le Cnesco. Un sondage d'opinion auprès des français montre que l'opinion semble acquise à un enseignement plus actif de l'éducation à la citoyenneté. Un message pour les politiques ?

 

François Jarraud

 

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Par fjarraud , le mardi 12 avril 2016.

Commentaires

  • chabrun, le 13/04/2016 à 06:39
    En lisant le rapport de G.Bozec, j'ai vraiment l'impression qu'il a ignoré les classes coopératives (dont les classes Freinet) qui pratiquent l'exercice de la citoyenneté au quotidien et non celui de la "morale" comme il l'exprime.
    En effet quand on lit l'EMC (qui elle a dû s'inspirer justement de ces classes coopératives), on retrouve des pratiques et des principes pédagogiques des classes coopératives : 
    http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/44865

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