Plan numérique : Quelle offre pédagogique à la rentrée ? 

Avec le plan numérique, le paysage de l'édition scolaire est totalement bouleversé. Pour la première fois l'Etat contrôle l'offre privée. Le cadrage financier de l'appel d'offre ministériel pour l'offre de ressources pédagogiques au collège à la rentrée 2016 n'est  pas encore totalement défini. Mais déjà les éditeurs travaillent à des offres qui s'inscrivent dans les limites fixées par le ministère. A quoi ressembleront vos manuels  et les outils pédagogiques de la classe au collège ? Le Café pédagogique a rencontré les deux grands groupes de l'édition scolaire et dévoile leurs projets.  Nous avons rencontré aussi l'outsider, celui dont personne ne parle mais contre qui le nouveau modèle éditorial est en train de construire des barrages...

 

En lançant un appel d'offre pour la fourniture des manuels scolaires numériques du collège à la rentrée 2016, le ministère a enfin atteint un but ancien : contrôler les manuels scolaires. En effet, à la rentrée 2016, 40% des collèges devraient être entrés dans le plan et bénéficier d'une tablette par élève. Il s'agit donc de proposer des manuels numériques, à des conditions fixées par les clauses du cahier des charges décidé par la rue de Grenelle. Adieu la liberté totale dont jouissait l'édition scolaire. Avec le numérique , les techniciens du ministère pensent enfin tenir les auteurs et éditeurs bien en main. Pourtant l'offre scolaire qui se dessine propose des modèles pédagogiques bien différents. Et contrôle étatique pourrait bien exploser sous la pression de la société civile. Dans ce combat entre l'Etat et la liberté d'édition, tout se joue de façon feutrée avec les salles de classe comme cible...

 

L'offre classique

 

 Nous avons rencontré l'offre la plus classique sur le stand du Kiosque numérique de l'éducation (KNE), un portail de ressources pédagogiques né il y a une dizaine d'années par Hachette, Hatier, Didier, Foucher, Istra et Larousse. A la rentrée 2016, l'offre Kné ressemblera comme deux gouttes d'eau à celle des années antérieures.

 

Les enseignants pourront commander les nombreux manuels numériques des éditeurs du portail, avec des prix qui varieront selon les versions plus ou moins enrichies. Les éditeurs restent sur des manuels classiques. Le manuel numérique c'est le manuel papier porté à l'écran, parfois enrichi d'animations, de vidéos ou de quiz.

 

Le modèle pédagogique est traditionnel. Un enseignant qui utilise un manuel scolaire unique pour tous les élèves pour faire cours. Le manuel comprend du cours et des exercices. Il n'y a pas de différenciation. Le manuel est tourné vers l'activité professorale qu'il soutient.

 

Le groupe travaille à un projet nouveau baptisé "Ma classe" qui devrait être prêt à ma rentrée 2016. Mais rien n'était visible au Salon Educatec Educatice.

 

Via Scola, un nouveau concept pour la rentrée

 

 L'offre innovante nous l'avons rencontré chez Editis (Nathan, Bordas, Retz). Le groupe vient d'ailleurs de signer des accords stratégiques pour son développement numérique avec l'éditeur de jeux sérieux Daesign et le groupe Orange sur lesquels nous reviendrons.  

 

C'est un concept totalement nouveau qu'Editis pousse en avant pour la rentrée  avec Via Scola. Le portail existe déjà et l'offre est déjà proposée à 250 000 scolaires selon l'éditeur. Mais Via Scola devrait généraliser un nouveau concept de manuel et par suite faire évoluer le métier d'enseignant.

 

Via Scola n'est pas un manuel classique. Via Scola est un outil de gestion de la classe, piloté par l'enseignant pour des élèves différenciés. L'enseignant peut suivre l'avancée du travail des élèves et intervenir à tout moment individuellement ou sur un groupe grâce aux outils de gestion dont il dispose. Il a un retour immédiat sur les difficultés  rencontrées et les tâches pas comprises ou mal réalisées pour chaque élève.

 

Avec Via Scola, l'élève se voit affecté par l'enseignant des éléments de cours, des documents, des aides pédagogiques et une série d'exercices. Le professeur aura défini pour chaque élève un niveau de difficulté avec les tâches à accomplir entre guidé, compétent et expert. Ainsi un groupe peut travailler sur un point précis à un niveau expert, pendant qu'un autre travaille le même sujet mais à un niveau débutant et qu'un troisième groupe étudie une autre question.

 

 Depuis son pupitre le professeur suit l'évolution des tâches. Il est immédiatement informé des blocages rencontrés par les élèves et il voit les exercices erronés. L'outil s'arrête là. C'est au professeur de faire le diagnostic  des causes des échecs des élèves. Mais le professeur  a la vision en temps réel du travail de chacun. Il peut intervenir sur le poste de chaque élève , d'un groupe ou de tous les élèves, et déclencher l'écran magique qui interrompt de façon spectaculaire le travail : "Petite pause. Regardez votre professeur".

 

On trouve dans Via Scola deux idées fortes. La première c'est la différenciation, un argument qui revient sans cesse dans la promotion du plan numérique par le ministère. Dans Via Scola elle se limite à l'attribution d'un niveau de difficulté et par la visibilité des difficultés rencontrées par l'élève. Mais l'outil numérique ne va pas plus loin et c'est à l'enseignant de comprendre pourquoi ces difficultés apparaissent chez tel ou tel enfant.

 

 

L'autre idée c'est de ramener l'enseignant au coeur du métier.  "L'idée c'est de faciliter le  travail de l'enseignant pour libérer du temps pour faire son vrai métier : aider les élèves", nous  dit l'éditeur.

 

Mine de rien, c'est un changement de posture. Le manuel numérique n'est plus tourné vers l'activité professorale mais vers celle des élèves. Le métier d'enseignant ne consiste plus à professer mais à aider les élèves dans la construction des savoirs. Evidemment , dans de nombreuses classes du collège, c'est déjà la situation pédagogique qui s'est installée. Mais Via Scola propose une offre qui va du CP à la terminale...

 

Dans l'économie du temps enseignant, la plate forme propose des outil d'évaluation à correction automatique dans des conditions définies par l'enseignant (travail à faire en classe  ou à la maison).

 

L'outsider

 

 L'autre nouveauté du salon Educatice, c'est l'arrivée de l'outsider. Pour la première fois Google sort de l'ombre et propose une offre éducation qui est déjà bien installée mais qui était très discrète.

 

Google propose un environnement de gestion des élèves permettant de leur ouvrir des espaces de  travail partagés avec l'enseignant. Dans cet espace, l'élève a accès à des outils bureautique mais aussi à un nombre croissant d'applications dédiées à l'enseignement. L'espace de travail est sécurisé et défini par l'enseignant qui peut interdire les visites pirates vers des sites non autorisés. Il peut aussi suivre la construction d'un devoir à la maison et fixer la date de fin et d'expédition. Tous ces outils sont gratuits. Et Google offre aussi une aide pour se lancer dans son environnement et mettre au point un scénario pédagogique.

 

Google apparait nettement comme l'outsider. Le groupe a une dimension et une stratégie mondiale, une renommée bien installée, un vivier d'utilisateurs immense, des moyens importants. Il est déjà présent dans la poche de la majorité des élèves et des enseignants. Sa présence au salon est nouvelle mais très modeste. Mais, de fait, c'est lui le géant. Et la rue de Grenelle le nain.

 

Alors peut-être est ce contre lui que le ministère multiplie les digues. La ministre soutient ostensiblement une entreprise française qui propose un moteur de recherche tricolore. Elle annonce une "charte de confiance" avec des éditeurs pour encadrer l'accès aux données et écarter les clouds étrangers. Minitel tricolore contre l'Internet mondial, l'Etat défend l'école sanctuaire. Au moment où il a enfin réussi, croit-il, à contrôler ce qui rentre en classe, voilà que le monde veut y pénétrer...

 

François Jarraud

 

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 11 mars 2016.

Commentaires

  • maximeparmentier, le 23/05/2016 à 11:41
    Le numérique est devenu le meilleur outil pour rendre possible la différenciation entre élèves. Les manuels scolaires ne prennent pas en compte la diversité, au contraire, les enseignants ont le plus souvent recours à des supports annexes (hors manuels) qui dénaturent la continuité de l'enseignement. L'offre numérique facilite les interactions enseignants/élèves dans la durée et la qualité (supports couleurs, instantanément). 
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