L'Ecole préfère les filles (et vice - versa) 

Normalement le 8 mars on soulignes les inégalités imposées aux filles. Elles existent bien à preuve le fait que le devenir professionnel des filles et garçons, à diplôme égal, sont inégaux, au détriment des filles aussi bien en terme de salaire que d'accès à l'emploi. Mais l'Ecole ne fonctionne pas comme cela. Si certaines filières sont bien ségrégatives, l'Ecole est un univers où les filles dominent. Mieux c'est un endroit où on surnote les filles. Mieux, un lieu où les filles font monter les résultats des garçons. Alors à l'Ecole, le problème c'est les garçons, pas les filles ?

 

Ce n'est pas seulement que les filles réussissent mieux...

 

Que les filles réussissent mieux à l'Ecole que les garçons, toutes les statistiques de l'Education nationale le montrent, à commencer par l'annuel "Filles et garçons sur le chemin de l'égalité". Ainsi à 14 ans, 75% des filles sont en 3ème quand ce n'est le cas que pour 68% des garçons. Trois ans plus tard, 44% des filles sont en terminale générale et technologique pour 32% des garçons. 57% des bacheliers généraux sont des filles et 53% des bacheliers technologiques. Par contre 59% des bacheliers professionnels sont des garçons. Au final 78% des filles décrochent un bac pour 70% des garçons. Dans tous les bacs, le taux de réussite des filles est supérieur à celui des garçons. On ne sera pas surpris de savoir qu'à la sortie du système éducatif, les femmes sont plus diplômées : 31% des filles sortent avec une licence ou un master (ou plus) pour 24% des garçons. Un garçon sur trois sort avec un diplôme inférieur au bac (ou rien) quand ce n'est que moins d'une fille sur quatre.

 

C'est que l'Ecole préfère vraiment les filles

 

C'est moins connu, mais le système préfère les filles. Camille Terrier, une doctorante à la Paris School of Economy, a étudié les résultats de près de 5 000 élèves de 6ème de l'académie de Créteil en maths. On sait que les filles quittent l'école primaire avec un niveau plus faible que les garçons dans cette discipline. Elle a pu montrer que les enseignants discriminent positivement les filles (d'environ 6%). L'écart disparait quand les copies sont anonymisées. A noter que la plupart des professeurs de maths sont des hommes.

 

Plus fort, à l'Ecole l'avenir des garçons c'est les filles. C'est ce qu'a établi une autre chercheuse, Mieke Van Houtte. Elle a montré que les résultats des filles ont une influence sur le niveau des garçons. Plus une classe comprend un pourcentage important de filles plus le niveau des garçons monte.

 

Malgré la mixité officielle, la fracture sexuée

 

Ce sont ces résultats qui ont amené Jean-Louis Auduc à parler de "fracture sexuée " dans l'école française. "Résorber la fracture sexuée à l'école est un enjeu fondamental pour la société française", explique-t-il dans un livre publié en 2016. Il établit que l'écart de résultat dans Pisa entre filles et garçons est passé en 10 ans de 29 à 44 points, faisant de cette caractéristique un facteur d'inégalité massif.

 

A l'origine de cette situation, selon lui, des habitudes familiales. "L'absence de partage des tâches à la maison entre garçons et filles n'amène pas à une réflexion sur l'entrée dans le métier d'élève". Et à l'école, ou dans sa vie quotidienne, le garçon a du mal à trouver des adultes à qui s'identifier puisque la majorité des emplois de service sont féminins. Aussi il recommande, à l'instar  des pays du Nord de l'Europe, de travailler le rapport à l'école, l'orientation et les difficultés scolaires, en mettant à part les garçons une ou deux heures par semaine.

 

Cela remettrait en cause la mixité ? Mais force est de reconnaitre qu'elle est formelle dès lors qu'on quitte le tronc commun. Dès leurs premiers choix, avec les enseignements d'exploration en seconde, filles et garçons se séparent. Ainsi 13% des garçons choisissent sciences de l'ingénieur contre 2% des filles, 6% des filles prennent santé et social contre 1% des garçons, 21% des filles littérature et société contre 10% des garçons, etc. On ne s'étonnera pas ensuite d'avoir des séries fortement sexuées : 79% des filles en L, 90% en st2s, 72% en std2a, apparemment 46% de filles en S mais les choix de spécialité, et donc de classe, sont fortement sexués.

 

L'éducation nationale un employeur comme les autres

 

Alors l'Ecole préfère toujours les filles ? Oui pour les élèves. C'est moins sur pour les personnels car là c'est la règle commune du marché du travail qui s'applique. Ainsi, 82% des professeurs des écoles sont des femmes, ce qui n'empêche pas de l'orthographier au masculin... C'est seulement 62% des certifiés et 33% des professeurs de CPGE. Si on monte encore plus haut , on voit que , en 2013-2014, dernières statistiques de l'Education nationale, 60% des IPR, 69% des inspecteurs généraux et 74% des recteurs sont des hommes.

 

La ministre a annoncé le 7 mars de nouvelles mesures en faveur de l'égalité réelle entre filles et garçons à l'Ecole. Un concours d'affiches destiné aux 4èmes et 3èmes sera lancé pour lutter contre les stéréotypes. Les conseils académiques de la vie lycéenne et le conseil national devra respecter la parité. "Un point d'étape annuel sera assuré désormais en mars avec l'ensemble des recteurs" à propos de l'égalité professionnelle dans l'éducation nationale. Après les audaces de l'ABCD de l'égalité, il semble que le ministère prenne maintenant la question des stéréotypes plus prudemment...

 

François Jarraud

 

Filles et garçons sur le chemin de l'égalité

Coup de pouce pour les filles

L'Ecole et la fracture sexuée

Le Bilan social du ministère

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 08 mars 2016.

Commentaires

  • Mellen, le 10/03/2016 à 15:15
    "Que les filles réussissent mieux à l'Ecole que les garçons, toutes les statistiques de l'Education nationale le montrent (...) 44% des filles sont en terminale générale et technologique pour 32% des garçons."
    Cela signifie les filières technologiques sont destinées aux mauvais ? un raccourci fort dommage... 
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