L'Ecole française moins professionnelle car plus hiérarchique 

C'est en France que les enseignants ont le moins le sentiment d'être efficace, souligne une nouvelle publication de l'OCDE consacrée au professionnalisme enseignant. L'organisation fait le lien entre le développement de l'autonomie des enseignants, leur participation à la direction des établissements, leur mise en réseau de pairs et leur efficacité professionnelle.  Une leçon qui prend à contre pied la culture de l'Education nationale. Elle interroge directement le fonctionnement des établissements en éducation prioritaire.

 

C'est quoi le professionnalisme enseignant ? Dans un nouveau rapport, largement basé sur les résultats de l'enquête TALIS, l'OCDE le définit à partir de trois composantes : le niveau de connaissances professionnelles, acquises en formation initiale ou continue, l'autonomie dans le travail, c'est à dire la participation aux décisions courantes concernant l'école ou les élèves, et la mise en réseau, permettant des échanges avec les autres enseignants sur le travail, voir le tutorat.

 

Pour l'OCDE il y a en général une forte corrélation entre les composantes connaissances et réseaux et le degré de satisfaction des enseignants, leur sentiment d'efficacité. Autre découverte de l'OCDE, les pratiques favorisant le professionnalisme enseignant sont moins répandues dans les établissements défavorisés que dans les favorisés.  

 

Un faible niveau de professionnalisme

 

 

 

Qu'en est il pour la France ?  D'une façon générale, les enseignants français ont un faible niveau de professionnalisme selon l'OCDE. Pas parce que leur niveau de connaissances serait insuffisant. Il est au contraire bon. Mais parce qu'ils manquent d'autonomie et de mise en réseau.

 

C'est clairement le mode de gestion des enseignants qui est dénoncé par l'OCDE, leur manque de controle sur les décisions affectant les élèves ou les programmes, leur très faible participation aux décisions sur la gestion de leur établissement. C'est aussi le formidable isolement des enseignants français pour qui la mise en réseau, l'échange avec d'autres enseignants relève de l'initiative individuelle et par suite a du mal à se glisser dans l'emploi du temps professionnel.

 

Crise de confiance dans l'institution

 

 

 

L'enquête TALIS a montré par exemple que les enseignants français sont ceux qui pensent le moins que les gratifications officielles sont justes ou que la profession est valorisée dan sla société.

 

Résultat, ils ont un très bas niveau du sentiment d'efficacité personnelle et une perception très négative de leur environnement. Le premier point renvoie aux réponses concernant la capacité à maintenir la discipline en classe ou à aider efficacement les élèves. Le second point est évalué selon que l'enseignant recommande son école ou pas, a du plaisir à y travailler.

 

 

 

C'est particulièrement aggravé dans les établissements défavorisés où le sentiment d'autonomie et la mise en réseau avec les pairs sont perçus en 2013 comme étant encore plus bas que dans les autres établissements. L'étude montre que plus le pourcentage d'élèves défavorisés augmente moins les enseignants se sentent soutenus professionnellement.

 

Qu'a fait l'Education nationale ?

 

Qu'en tire l'OCDE ? L'organisation recommande de maintenir une formation initiale et continue. Mais elle invite aussi à soutenir la mise en réseau des enseignants en encourageant les visites d'enseignants et généralement les rencontres professionnelles.  Pour l'OCDE c'est particulièrement important dans les établissements défavorisés. Améliorer le sentiment d'efficacité ou l'autonomie de enseignants c'est un moyen important de réduire le turn over dans ces établissements et au final cela réduit les inégalités scolaires.

 

Qu'a fait la France depuis 2013 ? Le ministère n'a pas été totalement inactif. Le plan éducation prioritaire a ouvert un temps de travaux d'équipe dans les établissements REP et la formation a été aussi améliorée dans ces établissements.

 

Mais ailleurs les règles traditionnelles de fonctionnement ont été renforcées et le degré d'autonomie des enseignants est réduit. Dans le premier degré, les capacités de formation à la carte avec M@gistère, comme V Peillon l'avait prévu, ont été supprimées au profit d'un contrôle étroit d ela formation par la hiérarchie. Dans le second degré la formation collège a pris soin de dissocier la formation des cadres de celle des enseignants de façon à bien marquer l'autorité hiérarchique aux dépens de l'esprit d'équipe. On en voit les résultats en ce moment...

 

La mise en réseau des enseignants se fait de façon marginale et sans lien avec l'institution ou le fonctionnement des établissements. La formation entre pairs fait son chemin de la même façon. L'éducation nationale n'en finit pas d'entretenir un curieux combat entre le professionnalisme et la culture de l'institution.

 

François Jarraud

 

Professionnalisme des enseignants

Supporting Teacher Professionnalism

L'urgence de valoriser les enseignants français

 

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 17 février 2016.

Commentaires

  • MARTIN_73277, le 17/02/2016 à 09:41
    Vous dites ...

    Dans le premier degré, les capacités de formation à la carte avec M@gistère, comme V Peillon l'avait prévu, ont été supprimées au profit d'un contrôle étroit d ela formation par la hiérarchie. Dans le second degré la formation collège a pris soin de dissocier la formation des cadres de celle des enseignants de façon à bien marquer l'autorité hiérarchique aux dépens de l'esprit d'équipe. On en voit les résultats en ce moment...
    Tout est dit

     

    Pour avoir enseigné dans 3 pays (Angleterre, Allemagne, France) à 3 niveaux (Lycée, Collège, et même, furtivement seulement, au niveau primaire) je peux attester des différences, et je sens l'école française plus que jamais mal partie, depuis trop longtemps. Dommage, je persiste à penser que le plus beau métier au monde est celui de maître d'école, celui d'un maître dans le métier d'apprendre, mais les conditions ne sont en effet pas réunies. Quand on pose à un professeur des écoles, la question suivante: "qui est ton manager?" la réponse est toujours édifiante, ... un vrai manager a le souci du développement des compétences de ces "collaborateurs", et l'unité pertinente pour développer les compétences/connaissances, c'est l'équipe (le team learning de Peter Senge). On est, je crois, bien loin de l'organisation apprenante, alors que l'Education Nationale pourrait devenir en un rien de temps la plus grande organisation apprenante - en Europe, en partant de la base, en donnant aux établissements (à leur patron et aux équipes) toute l'autonomie nécessaire à la réalisation de leur mission (accueillir des enfants et en faire des adultes instruits et éduqués, maîtrisant les savoirs fondamentaux et aptes à vivre en société). Bon courage à ceux qui restent. Pour ma part je suis parti, depuis longtemps de l'école, et de France, plus récemment.
    • Guillaume35, le 17/02/2016 à 10:18
      Je rejoins l'analyse ci-dessus, ayant moi-même enseigné à l'étranger mais suis revenu en France.
      Le système EN est trop hiérarchique et ne responsabilise pas assez les acteurs.

      Il y a  un manque criant de professionnalisme :
      - Il faut du temps, hors enseignement, pour penser l'enseignement (les contenus, les progressions, les outils et pratiques) et l'apprentissage (suivi des acquisitions des élèves)
      - Il faut des responsabilités au sein des équipes pour coordonner les enseignements et le suivi des élèves
      - Il faut des chefs d'établissement qui ont le souci de développer les compétences professionnelles de s es enseignants. Il faut qu'ils aient leur mot à dire dans le recrutement (entouré d'un conseil d'administration pour éviter tout "caporalisme") pour construire des équipes enseignantes stables et cohérentes.

      Les derniers rapports de la Cour des Comptes ne font que répéter les mêmes recommandations.
      Jamais suivies d'effet, car la résistance syndicale est malheureusement trop forte :

      Rapport 2015 – « Le suivi individualisé desélèves »

      http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Le-suivi-individualise-des-eleves-une-ambition-a-concilier-avec-l-organisation-du-systeme-educatif

      La Cour formule 11 recommandations denature à donner leur pleine efficacité à ces dispositifs, à moyens constants etdans un cadre d’organisation plus efficient. Elles visent principalement à :

      - généraliser l’individualisation aucollège et pour les élèves en CAP ;

      - mettre en place des outils d’évaluationdes dispositifs de suivi individualisé des élèves ;

      - chiffrer annuellement pour le Parlementle coût des dispositifs de suivi individualisé des élèves ;

      - revoir la définition du temps de servicedes enseignants du second degré ;

      - annualiser au moins pour partie le tempsde service des enseignants du secondaire ;

      - systématiser la formation des enseignantsà la démarche d’individualisation ;

      - évaluer les enseignants sur leur pratiquede suivi individualisé des élèves.

      Rapport 2013 – « Gérer les enseignantsautrement »

      https://www.ccomptes.fr/Actualites/Archives/Gerer-les-enseignants-autrement

      Dans ce contexte, la Cour formule une sériede recommandations, qui forment un tout indissociable et s’articulent autour dequatre axes :

      1.  Redéfinir le métier enseignant en adaptant en particulierles obligations réglementaires de service ;
      2.  Mieux valoriser les ressources humaines, au niveau individuel etdes équipes ;
      3.  Affecter les enseignants en fonction de la réalité des postes etdes projets d’établissement ;
      4.  Assurer une gestion de proximité.

      Rapport 2010 – « L’éducationnationale face à la réussite de tous les élèves »

      http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/L-education-nationale-face-a-l-objectif-de-la-reussite

      Transformer la gestion du systèmeéducatif

      1. Pour répondre aux besoins des élèves, prendre prioritairement encompte dans le pilotage du système scolaire la diversité des situationsscolaires, en privilégiant une allocation fortement différenciée des moyensd’enseignement.

      2. Evaluer régulièrement toutes les politiques et actions éducativesmises en œuvre (projets personnalisés de réussite éducative, stages de remise àniveau, aide personnalisée, carte scolaire,…), afin de déterminer quelsdispositifs doivent être maintenus, modifiés ou supprimés.

      3. Accroître la part des financements allouée à l’école primaire, enprivilégiant le traitement de la difficulté scolaire.

      4. Pour effectuer les arbitrages nécessaires, refondre les systèmesd’information du ministère de l’éducation nationale, afin de connaître lescoûts détaillés des politiques éducatives et le montant précis des financementsalloués aux établissements d’enseignement.

      Adapter l’organisation scolaire auxbesoins des élèves

      5. Evaluer dans les délais les plus brefs, après avoir diffusé lesoutils méthodologiques nécessaires, les besoins d’accompagnement personnalisédes élèves. Se fonder sur cette évaluation pour définir le contenu desaccompagnements qui doivent être assurés dans le cadre du temps scolaire parles enseignants, et pour déterminer, à partir de critères explicites, lesmoyens qui doivent être affectés dans chaque établissement d’enseignement àl’accompagnement personnalisé.

      6. Redéfinir l’organisation du temps scolaire dans le premier degrédans un sens conforme à l’intérêt des élèves. Moduler les emplois du temps dansle second degré en fonction des besoins des élèves, notamment en prévoyant lamise en place sur l’année scolaire de plages horaires variables de soutien etd’accompagnement.

      7. Généraliser la détermination par établissement d’enseignement, enfonction des situations locales, d’objectifs de baisse des taux deredoublement, en affectant les moyens ainsi économisés au financement d’actionsd’accompagnement personnalisé. Accorder le service des enseignants du seconddegré à la diversité de leurs missions.

      8. Définir pour le service des enseignants du second degré un cadrerèglementaire conforme à la diversité de leurs missions prévues par la loi, quicomprennent l’enseignement disciplinaire, la coordination des équipespédagogiques, et l’accompagnement personnalisé (suivi des élèves, aideméthodologique, dispositifs spécifiques, accompagnement éducatif, conseil enorientation, etc.). Définir les modalités pratiques de répartition de cesdifférentes missions dans le cadre d’un accord annuel arrêté entre lesenseignants et les responsables des établissements d’enseignement.

      9. Systématiser la formation des enseignants à l’accompagnementpersonnalisé des élèves, tant dans le cadre de la formation initiale que de laformation continue.

      Accroître la responsabilité desétablissements d’enseignement

      10. Faire déterminer par les équipes pédagogiques - composées par lesresponsables d’établissements d’enseignement et les enseignants - les modalitésde répartition des moyens d’enseignement et d’accompagnement personnalisé.

      11. Mettre en place un système d’évaluation des établissements et deséquipes pédagogiques à partir des bonnes pratiques relevées en France et àl’étranger.


      • MARTIN_73277, le 17/02/2016 à 18:34
        Merci Guillaume.
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