Discrimination : Comment aller vers la lucidité ? 

Passer du déni à la lucidité, tel était l'objectif de la conférence de consensus sur les discriminations organisée par l'Ifé , Canopé, l'Upec et l'académie de Créteil le 3 février à Créteil. Un objectif difficile même dans une académie marquée par de fortes inégalités. Entre chercheurs, entre la salle et la tribune, les désaccords ont pu s'exprimer , répondant ainsi au voeu de l'organisatrice, Monique Sassier, de travailler ensemble sur les inégalités.

 

"C'est un sujet qui me tient à coeur", a déclaré B. Gille, rectrice de Créteil, en ouvrant la conférence. "L'apport de la recherche est indispensable", ajoute-elle. Dans une académie très marquée par les inégalités, il faut du courage et du doigté pour poser aussi frontalement a question des discriminations et se fixer comme objectif la lucidité. La preuve : la conférence a été traversée de débats et d'oppositions entre chercheurs et entre la salle et les chercheurs.

 

La culture n'est pas un article que l'on suspend...

 

La matinée s'est ouverte par un débat sur "l'institution scolaire au regard du droit", qui a largement dépassé la question judiciaire pour s'intéresser aux interprétations des discriminations. Politiste, Réjane Sénac montre la vanité de l'idée d'une école qui veut rendre tous les élèves frères. Pour lutter contre les discriminations il faut que la société s'arme sur le plan juridique ! l'"école ne peut pas tout.

 

Juriste, Gwénael Calves a recherché dans le code de l'éducation les articles qui traitent de la discrimination. Elle en a trouvé 9 dont seulement 5 s'adressent aux établissements scolaires du primaire et du secondaire. Les enseignants sont plus protégés contre elle que les élèves.

 

L'anthropologue Geneviève Zoïa observe les discriminations avec un regard particulier. Pour elle le modèle républicain qui veut que l'on refoule son origine culturelle à l'école est juste impossible. "La culture n'est pas un article que l'on suspend au porte manteau à la porte de la classe", dit-elle. Elle propose des débats sur ces questions dans les établissements. "Le clash des civilisations plane au dessus des classes sans jamais atterrir", explique-t-elle.

 

Un phénomène systémique

 

Il revient à B Fouquet Chaprade de théoriser la situation de discrimination. Elle montre que la ségrégation est systémique dans le système éducatif. De 2003 à 2012 les écarts de réussite entre élèves issus de l'immigration et jeunes majoritaires se creusent alors que leur situation sociale s'améliore. Il y a donc bien un effet systémique dans l'école.

 

Mais l'idée a du mal à passer. De la salle on demande des preuves de l'échec du modèle républicain français. Pour G Zoia il suffit de lire les données de Pisa et de nombreuses autres études. Mais Gwénaele Calves ne veut pas jeter le bébé avec l'eau du pain. Elle défend un modèle républicain. "L'école est un idéal émancipateur", dit elle. Ce qui est contesté par F Dhume qui insiste sur la variété des situations.

 

Systémisme ou écart culturel ?

 

Les joutes verbales vont continuer avec le second sujet consacré aux discriminations dans l'orientation. Françoise Lorcerie revient sur l'ethnicisation des questions scolaires c'est à dire comment le racisme institutionnel se met en place. Devant l'échec les enseignants finissent pat se dire qu'ils n'y peuvent rien et que les difficultés viennent des élèves, de leurs qualités ethniques supposées. Jean Luc Primon et Yael Brinbaum présentent l'enquête Trajectoires qui montre un fort sentiment d'injustice chez les jeunes issus de l'immigration. Pour eux l'écart de résultats scolaire s'explique par des facteurs culturels propres à chaque ethnie.

 

Débat ouvert

 

Entre le systémisme défendu par B Fouquet Chauprade et les explications culturalistes de F Lorcerie, le débat reste ouvert.

 

La conférence de consensus de Créteil 'est pas la première. On pense bien sur à l'importante manifestation organisée par le Cnesco sur le même sujet. Ou encore à la Journée de la fraternité à l'école organisée par le Café pédagogique. Modeste, elle a plusieurs caractères qui retiennent l'intention. D'abord la présence rectorale, B Gille ayant passé une partie de la journée à suivre la conférence. D'autre part la capacité de la conférence au dialogue entre les chercheurs et entre chercheurs et enseignants.

 

C'est justement l'idée du débat que souhaite développer Monique Sassier, responsable de la conférence. "Il y a des difficultés dans l'académie et des tensions fortes", nous a -t-elle dit. Elle défend l'idée d'un travail de découverte en commun. "Je ne sais pas si on peut réconcilier tout le monde sur un objectif commun. Mais on peut se réconcilier sur le fait d'observer ce qui se passe et de sortir des jugements moraux". Le jury de la conférence de Créteil rendra ses préconisations le 10 février.

 

François Jarraud

 

Mixité sociale conférence du Cnesco

Journée de la fraternité à l'école

 

 

 

Par fjarraud , le jeudi 04 février 2016.

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