L’évaluation par indicateurs de compétence : l’exemple du badminton en EPS 

David Rossi, professeur d’éducation physique et sportive au lycée Raynouard de Brignoles, nous présente le groupe « épic » (évaluation par indicateurs de compétence), nouveau groupe ressource de l’AE-EPS, à travers l’exemple du badminton. « Nos élèves apprennent en EPS, mais encore faut-il que nos outils d’analyse de leur performance soient assez puissants pour rendre compte des apprentissages effectifs des élèves ».

 

Quelle a été la genèse de votre groupe ?

 

La question de l’évaluation a toujours été pour moi un élément central dans ma construction professionnelle. Dès mes premières années de formation à l’UEREPS de Besançon cette question a rapidement infléchi mes conceptions de la discipline. L’inéquité des ressources face aux contraintes de force / vitesse des activités athlétiques est rapidement devenu une problématique prégnante dans ma réflexion.  Lors de ma préparation CAPEPS, j’ai été très influencé par les travaux d’Alain Erard et Claude Pineau. Leur volonté d’évaluer ce qui a été enseigné en essayant de prendre en compte les ressources de l’élève, le concept de zone de performance sont devenus pour moi des enjeux essentiels conditionnant la cohérence d’un enseignement en EPS.

 

L’article de Jean-Luc Guillaumé sur l’évaluation des compétences dans la revue EPS 250 a contribué à donner un cadre à ma réflexion : comment définir des seuils d’exigences légitimes en EPS eu égard à l’hétérogénéité des élèves et aux conditions particulières d’apprentissages en EPS.

 

Enfin la lecture de l’ouvrage de Jean-Pierre Famose  et Florence Guerrin sur le concept de soi en EPS m’a conforté dans l’idée que l’évaluation est la clef de voûte d’un projet de formation de l’élève cohérent en EPS.

 

C’est à l’occasion de mon mémoire PCL2, sur l’analyse des apprentissages de l’élèves lors d’un cycle en badminton, dirigé par Dominique Mauffrey que la première formalisation du score tactique a été structurée. Puis la rencontre avec l’Aeeps m’a permis de publier ces expérimentations dans la revue. Les interventions en FPC avec Agnès Raybaud m’ont permis de rencontrer des équipes d’établissement dont celle du collège Pablo Picasso de Vallauris. Deux collègues ont fortement adhéré à l’idée du score tactique et ont commencé à l’exploiter dans leur établissement. Les échanges que nous avons eu avec Régis Fayaubost et Marc Bérenguier m’ont donné envie de généraliser la démarche de partage de cette approche de l’évaluation.  En 2014, j’ai eu envie de partager et faire évoluer ce travail avec d’autres collègues à travers un groupe ressource de l’AEEPS. L’idée était de s’appuyer sur des indicateurs quantitatifs pour rendre compte de la compétence de l’élève en EPS. J’ai communiqué cette idée au bureau national qui a soutenu et encouragé ma démarche. Très rapidement j’ai été mis en contact par Mireille Avisse avec Jérémie Gibon et Wilhem Röösli qui de leur côté partageaient déjà la même sensibilité que moi sur la question. De là est né le noyau des premiers membres du groupe EPIC. Très rapidement nous avons été ensuite rejoins par d’autres collègues suite à la diffusion de nos travaux par le biais du site de l’AEEPS. Aujourd’hui, à moins d’un an de sa constitution officielle nous sommes une vingtaine d’adhérents de l’Aeeps engagés dans cette dynamique de travail.

 

Quelle est la singularité de ce groupe ?

 

 La thématique du groupe s’organise autour de la question de l’évaluation en EPS. Notre volonté commune est de dépasser une transposition didactique « passive » des indicateurs de performance dans les CP en EPS, sous couvert de référence culturelle, et de promouvoir des indicateurs de performances cohérents et pertinents au regard du contexte particulier de notre enseignement, afin de rendre compte de la construction progressive de compétences dans les activités supports à l’EPS. Nous sommes convaincus que l’image de l’éternel débutant en EPS tient au caractère inadapté du « filtre utilisé » lors de l’évaluation pour rendre compte des apprentissages effectifs des élèves en EPS. Nos élèves apprennent en EPS, mais encore faut-il que nos outils d’analyse de leur performance soient assez « puissants » pour rendre compte des transformations possibles sur des temps d’apprentissages aussi courts et dans des contextes de grande hétérogénéité !

 

A ce titre nous nous inscrivons en continuité avec les travaux du CEDREPS qui entre dans la réflexion professionnelle sur le pôle des problématiques de la transposition didactique en EPS. Mais alors que ce groupe travaille principalement sur la transposition de l’objet d’enseignement, nous sommes davantage finalisés par la dimension formative de l’évaluation des « apprentissages de l’élève » au cours du cycle d’enseignement, et bien sûr par l’évaluation sommative. Ce sont certes, des questions anciennes dans la profession, mais qu’il nous intéresse de revisiter avec l’option d’un score quantitatif dans différentes CP pour identifier, suivre, orienter et  mesurer les apprentissages des élèves en 10h effectives d’enseignement. Notre option est de placer l’évaluation au service des apprentissages, afin de la rendre positive pour l’élève. Le repérage et le suivi des progrès au regard des projets d’apprentissages, sont au centre de cette approche.

 

La prise en compte des dimensions méthodologiques et sociales est également un aspect essentiel de notre approche de la question ainsi que le développement des parcours d’apprentissages en fonction du score quantitatif de l’élève. C’est par le biais de la question de la démocratisation des possibilités de réussite en EPS, c’est à dire la prise en compte des contraintes spécifiques au milieu scolaire (problématique culturelle, temps contraint pour les apprentissages et forte hétérogénéité des élèves) que nous développons nos réflexions autour des différentes CP : que peut-on légitimement exiger à minima de tous les élèves en 10h effective d’enseignement, dans les conditions scolaire de pratique ?

 

Lors de la biennale de l’AE-EPS, vous êtes intervenus sur l’activité badminton en proposant une forme de pratique scolaire, le 1/10/100. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

L’idée de recourir à ce système de quantification tient d’abord au fait que j’ai toujours eu une sensibilité particulière à l’égard de la démarche dite de description des niveaux d’habiletés. Mon parcours en gym m’a beaucoup interpellé à cet égard. Alors que majoritairement dans les activités « topo-cinétiques » on cherche en EPS à décrire l’organisation des stratégies techniques et/ou stratégiques des élèves pour situer la performance d’un élève (coupant parfois cette dernière de son efficacité réelle dans l’environnement) les démarches des entraîneurs en gym se caractérisent principalement par un travail de construction d’aménagement du milieu pour finaliser la maîtrise des différentes étapes de construction de l’habileté… Ainsi, alors que l’on est sur des habiletés de type morpho-cinétiques, l’apprentissage s’appuie sur des étapes topo-cinétiques…  Les choses me paraissent ainsi plus concrètes sur le plan du but à atteindre, des effets à produire dans l’environnement et de son évaluation, pour l’enseignant et l’élève me semble-t-il.

 

C’est sur cette dimension de l’identification de « la tâche que l’élève doit être capable de réaliser » s’il maitrise les savoirs enseignés, que je trouve une limite à l’analyse des compétences de l’élève par la description des niveaux d’habileté. Autant ils sont incontournables pour l’élaboration des hypothèses de transformation, autant j’ai du mal à y venir sur le plan des procédures de régulation des apprentissages et de l’évaluation sommative. C’est en cela que je trouve que les travaux que JP Famose a rapporté dans ces ouvrages sont une aide précieuse pour traduire concrètement les apprentissages des élèves… réguler par la tâche apporte beaucoup de clarté au contrat didactique.

 

De son côté le score « 1/10/100 » s’inscrit dans la même préoccupation mais apporte un enrichissement supplémentaire au cadre d’analyse de la performance en milieu scolaire. Il offre un outil qui donne encore plus de puissance au regard de l’enseignant sur l’activité adaptative de l’élève. Ainsi l’idée est non seulement d’inscrire le but dans l’environnement mais également de permettre à l’élève de garder une trace de son activité technique au sens large et pas seulement de son résultat… Par le biais du score tactique l’élève sait comment il a marqué ses points, sous quelles contraintes de trajectoires il a perdu les siens…  le système « 1/10/100 » guide l'élève dans la compétence grâce à un "focus", plus ou moins important, lié au score. Il les aide donc à comprendre ce qui est attendu, et à l'intérieur de cela, ce qui y est plus ou moins important. Il rend donc la compétence explicite au niveau des apprentissages, et cela est fondamental, surtout en REP.

 

En quoi ces scores tactiques sont-ils très révélateurs de l’activité adaptative de l’élève ?

 

Les compétences attendues des élèves en badminton portent sur l’idée d’une marque intentionnelle du point. Cela renvoie pour moi au développement d’une gestion stratégique et tactique du rapport de force. Il s’agit ainsi de chercher à mettre en difficulté le système défensif de l’adversaire. Ainsi il devient intéressant de différencier les « modalités de la marque ». Le type de trajectoire permettant le gain d’un point devient une information pertinente pour l’analyse du jeu et donc des compétences des élèves. Au fil des années d’observation des élèves, j’ai choisi de retenir 3 catégories de trajectoires, et de systématiser la présence d’un aménagement du milieu pour faciliter l’identification de ces « stratégies de mise en difficulté de l’adversaire ». Les trajectoires de type 1, sont des trajectoires en cloche qui passent au-dessus d’un élastique tendu à 50cm au-dessus du filet et amenant à jouer le volant devant une ligne matérialisée par des plots latéraux, situés à 2m du fond du terrain. Elles sont de nature facile à jouer et ne reflète pas de construction tactique du point. Les trajectoires de type 10 caractérisent les volants qui passent au-dessus de l’élastique et qui contraignent le joueur adverse à mettre au moins un appui dans la zone du terrain située derrière les plots. Elles imposent sur le système défensif une forte contrainte spatiale… et biomécanique (reculer). Enfin les trajectoires de type 100 finalisent les points marqués après que le volant soit passé sous l’élastique. Elles schématisent une contrainte temporelle puisqu’elles réduisent le temps dont le joueur dispose pour organiser sa réponse.

 

La mise en œuvre de ce système m’est venue à une période où je m’étais rendu compte que l’un des obstacles à l’efficacité, pour les élèves, de l’approche quantitative,  tenait au fait de devoir ajouter un temps de comptage et d’analyse des observations. Ce travail n’était pas toujours mené comme il aurait dû et n’avait parfois pas lieu en raison des contraintes de temps de fin de séance …

 

Il fallait alors trouver quelque chose de plus « direct », une connaissance du résultat immédiate qui renseigne l’élève régulièrement et de façon explicite au regard du thème abordé. Mon fils était alors au CP et apprenait à compter en travaillant sur la méthode « pique-bille » … d’où l’idée du système décimal pour rendre compte de divers registres de production chez l’élève. J’avais présenté ce cadre dans la revue Hyper n°235 & 236 dans le cadre d’une réflexion sur le badminton et les activités athlétiques. Bellart de son côté, inspiré du système de comptage en judo, explicitait la démarche dans un article de la revue EPS.

 

Le système 1/10/100 est donc un outil qui vient affiner le travail de régulation par la tâche, puisqu’il permet de discriminer au sein d’un même contexte, des stratégies et des procédures différentes. Il s’avère relativement facile et souple d’utilisation puisque l’enseignant peut placer les critères qu’il veut pour définir chacune de ses catégories. Dans l’utilisation que j’en fais il y a une hiérarchie entre le 1 et le reste mais pas forcément entre le 10 et 100. Cela permet de dégager des profils individuels de réussite (je pense aux filles en badminton qui marquent notamment plus de points 100 que de points 10), laissant une ouverture à la prise en compte du « style » d’engagement technico-tactique dans une activité…

 

Vous ne faites pas de hiérarchie entre le jeu dans l’espace arrière et le jeu avec trajectoires rasantes. Pourtant, 100 c’est mieux que 10 non ?

 

L’idée de cet outil est d’offrir un système d’analyse le plus cohérent possible avec la logique tactique qui anime un joueur en situation réelle de match. Si j’identifie que mon adversaire est en difficulté sur les trajectoires en profondeur (donc 10 dans le système) l’intelligence est d’en tirer profit en l’exploitant dans mes stratégies. Par conséquent les points 10 devraient être dominants dans le score final… Y-a-t-il lieu de dévaloriser sa prestation en raison de l’absence de points 100 ? Non c’est pourquoi dans le format de score tactique que j’utilise en badminton, la différenciation 10/100 est au service d’une meilleure « lecture du jeu » sans hiérarchisation entre des modalités de marque des points… Ni l’une ni l’autre ne relèvent d’une simple maladresse de l’adversaire.

 

De façon très concrète, que répondre à ce cas précis : 412 à 258 ? L’élève gagne-t-il le match lorsqu’il a plus de points que l’adversaire ?

 

L’élève gagne le match quand il marque au total plus de points que l’adversaire. Dans l’exemple cité ci-dessus : 4+1+2=7 tandis que 2+5+8=15 donc résultat du match 15 à 7, néanmoins le « perdant » atteste de la maîtrise de la compétence dans la mesure où il marque : 4+1 = 5 points tactiques sur les 7 marqués. Son adversaire en marque 7 sur les 15. On a donc dans les deux cas une « marque intentionnelle des points relativement significative pour les deux joueurs… reste aux barèmes à traduire ces analyses en notes… en fonction de la conception des enseignants…

 

Comment fonctionnez-vous pour l’évaluation ?

 

Le protocole d’évaluation est étroitement associé au contrat didactique dans l’activité. Dès le début du cycle, les élèves sont informés des attentes de fin de cycle : marquer plus de points tactiques (10+100) que de points 1 et attester d’une capacité à fixer l’adversaire dans une zone arrière (élèves de seconde), et/ou avant  (terminale). J’ai construit un outil informatique basé sur un système de barème afin de traduire ces degrés de maîtrise de la compétence en note. Je me suis beaucoup éclairé des réflexions de JL Guillaumé sur la prise en compte de la notion de compétence lors de l’évaluation en EPS.

 

A quel moment l’enseignant peut-il savoir que l’élève a vraiment franchi une étape (pourcentage de 10 ? de 100 ? par rapport aux points 1) ?

 

A l’heure actuelle ma réponse est qu’il faut chercher à avoir plus de points tactiques que de points 1 dans son score. Mais cette question pose le problème de la fixation d’un seuil de compétence. C’est un des aspects sur lequel j’espère, le groupe EPIC pourra apporter sa contribution. Le travail d’expérimentation et de quantification à l’échelle d’un grand nombre de classes me semble une étape nécessaire pour que l’on puisse positionner des exigences légitimes au regard des conditions réelles de pratique du badminton en milieu scolaire. La première étape est déjà de se mettre d’accord au sein d’une équipe d’établissement, cela sous-entend un réel partage des conceptions et des outils professionnels qui dépassent le caractère parfois formel d’un projet d’EPS affiché… et peu appliqué collectivement.

 

L’intérêt du recours au « score tactique » est d’offrir des entrées multiples au niveau de la compétence de l’élève dans l’activité. En effet par son caractère réversible il permet d’avoir accès aussi bien à un reflet du jeu offensif que du jeu défensif. Ainsi on peut définir pour une même classe, des priorités différentes dans les apprentissages moteurs. Chez les élèves débutants, la faiblesse du système défensif au regard de certains types de trajectoires est souvent un élément clef du rapport de force. En collège, réduire le nombre de points perdus sur trajectoires en cloche (type 1) pourrait constituer un axe de formation essentiel pour un premier cycle : « moins commettre de faute sur des trajectoires à priori faciles dans la mesure où elles donnent du temps et limitent les contraintes de déplacement ».

 

Dans un second temps (ou pour un groupe qui serait plus avancé) rechercher la marque du point en créant des contraintes de déplacement vers l’arrière, donc sur des trajectoires de type 10, pourraient finaliser ce deuxième palier de la compétence qui basculerait davantage sur le pôle offensif : « construire les conditions de l’accès au jeu en profondeur… ». Si l’idée du score tactique est avant tout de refléter par les modalités de la marque la mise en jeu effective des stratégies annoncées, il n’en demeure pas moins que certains apprentissages nécessitent un regard complémentaire. Le stade de maîtrise ultérieur pourrait quant à lui être lié à l’identification puis l’utilisation d’une zone prioritaire de fixation. L’indicateur, volume de jeu « dans la dite zone » permettrait alors de déceler des stratégies de jeu construites sur le « changement soudain de trajectoire » et venir affiner les informations liées au score tactique.  L’orientation générale de la compétence reste centrée sur l’idée d’acquérir les moyens techniques pour mettre en difficulté le système défensif adverse afin de remporter plus de points, et de développer en « écho » les moyens permettant l’optimisation de son propre système défensif dans le but de marquer intentionnellement plus de points tactiques que de points 1, à plusieurs reprises au cours d’un tournois.

 

Un dernier élément de validation de la compétence reste pour nous lié au fait de devoir réitérer à plusieurs reprises un niveau de prestation pour pouvoir commencer à penser que l’élève dispose de structure génératrices de l’action non contextualisées aux seuls aléas d’un rapport de force…

 

Est-ce à dire que l’acquisition d’un niveau de compétence par les élèves est difficilement évaluable en une seule leçon, traditionnellement la dernière ?

 

Non, je ne le pense pas, mais pour cela il faut que le protocole de l’épreuve d’évaluation, amène l’élève à devoir réaliser plusieurs prestations pour que l’on puisse réellement statuer sur sa compétence. C’est ce qui nous a motivé avec D. Mauffrey à proposer une formalisation d’épreuve scolaire d’athlétisme sous la forme de séries athlétiques (revue Hyper 236), et de son indicateur spécifique de performances. Wilhem Roosli développe dans le groupe une réflexion sur les conditions à réunir pour que le dispositif révèle un apprentissage de l’ordre de la compétence. Selon la définition et surtout l’analyse que l’on fait de ce concept, le « Dispositif d’Evaluation et de Révélation de la Compétence » (DERC) devra réunir les conditions pour que s’exprime une compétence … et pas seulement une habileté qui n’en est qu’une composante. Par exemple, maintenir une séquence de «  frappe en badminton » imposant à l’adversaire de rentrer dans la zone arrière du terrain (c’est à dire derrière les plots) révèle une habileté à jouer au fond… La compétence relève d’une activité plus complexe et se caractérise par la capacité à utiliser intelligemment ce savoir-faire. Elle fait donc appelle à un champ de ressources plus riches et plus variées (analyse du jeu, détermination du moment opportun…). A cette approche pourrait aussi s’associer la préoccupation de construire un « DERC » qui confronte l’élève à une « classe de problèmes » proches mais légèrement différents et dont la résolution traduirait davantage l’idée de lecture, d’analyse de la situation. Le versant de la compétence porterait alors sur la capacité à reconstruire une solution technique pour chacune de ces situations sur la base de savoirs antérieurs… l’escalade pourrait répondre à cette approche si les voies sont construites dans cet optique…

 

Que dire à un élève qui aurait compris mais n’y arrive toujours pas (le cas de l’éternel débutant) ?

 

La problématique de l’éternel débutant reste pour moi un point de réflexion à approfondir dans la discipline… Je pense que le filtre que l’on utilise pour statuer sur la présence ou non d’apprentissage est essentiel. C’est un peu la fonction du score tactique et du volume de jeu dans nos propositions en badminton : développer des outils plus « puissants » afin de rendre compte d’apprentissages sur des temps courts d’enseignement. De plus, on a très peu d’études qui nous rendent compte du « contexte d’apprentissage dans lequel l’élève a été amené à être considéré comme un éternel débutant… » C’est la raison pour laquelle je tenais à ce que, dans le groupe, nous exposions clairement les stratégies de guidage utilisées, car c’est très souvent révélateur des possibilités (ou non) d’apprentissages pour les élèves. On est souvent sur des consignes verbales, des règles d’actions. Or il me semble important d’essayer de multiplier les modalités d’apprentissages pour parvenir à engager tous les élèves dans les procédures de transformation « technique ». En effet la dimension proprioceptive est souvent occasionnelle. Or c’est un axe auquel je cherche à accorder de plus en plus d’importance car l’élève est souvent livré à lui-même lors des apprentissages pour « trier » les procédures prometteuses et percevoir les éléments clefs de ses transformations. Il faut privilégier les conditions permettant l’auto-régulation des apprentissages sur la base de connaissance du résultat mais également de la performance.

 

Le score tactique, le volume de jeu en zone de fixation sont des éléments d’un guidage « cognitif » qui renseigne sur le résultat… les aménagements du milieu (zone et sur-filet), les systèmes d’amplification des sensations proprioceptives sont quant à eux de nature à renseigner l’élève sur ses procédures techniques… en cours d’action et donc de permettre une auto-régulation de ses actions motrices…

 

Avec la réforme des collèges, votre groupe sera-t-il amené à proposer des indicateurs autour de savoirs inter-disciplinaires ?

 

C’est un peu prématuré et ambitieux de répondre que oui … mais je suis d’ores et déjà convaincu que ce système de notation (1/10/100) peut traverser un grand nombre de CP et donc « harmoniser les conditions de l’évaluation en EPS ». Il pourrait également tout à fait être utilisé dans d’autres disciplines… la correction d’une dictée pourrait s’accompagner d’une note et du score « orthographique » où chaque critère renverrait à un type de faute : 1=orthographe, 10 = accord, 100 = grammaire… A partir du moment ou la compétence visée est analysée et que l’on dispose d’indicateurs susceptibles de la révéler, le score « 1/10/100 » peut tout à fait être utilisé pour caractériser les prestations des élèves.

 

Pour terminer, pensez-vous que les enjeux éducatifs de l’école peuvent être évalués en tant que tel ?

 

Cette question organise les réflexions du groupe à travers la volonté d’expliciter les prises en compte des dimensions méthodologiques et sociales des compétences attendues dans les textes programmes. L’EPS n’est pas une discipline régie par la seule valeur physique de l’élève même si elle a pour ambition de participer à son développement. L’évaluation doit selon nous rendre compte des processus sous-jacents à la compétence… le système de connaissance générateur de l’activité efficace d’une part (pour reprendre Leplat J.), l’aptitude à mobiliser ses ressources de manière opportune et ce quel qu’en soit le niveau (Perrenoud), enfin l’attitude face aux contraintes des situations d’apprentissage est un élément clef d’une éducation physique et sportive : accepter de se confronter aux difficultés (pénibilité de l’effort, échecs répétés), volonté de réussir en consentant un travail répétitif, analyser ses prestations pour réguler ses actions, observer et analyser la pratique des autres, suivre et enregistrer ses indicateurs d’apprentissage, accepter périodiquement l’éloignement de la situation ludique globale pour s’impliquer dans des situations à focales plus réduites (situations d’apprentissages) ; concéder du temps aux rôles d’arbitre, de juge, d’observateur… sont des dimensions aussi importantes que le développement de la valeur physique qui en EPS est forcément limité dans ses ambitions et  ne peut prétendre à l’échelle d’un cycle, à ce qui est envisageable en AS ou en club.

 

Les dernières formalisation du groupe portent sur cette question… à partir du moment où la compétence renvoie à l’articulation de divers champs de l’activité de l’élève (moteur, méthodologique et social) se pose alors la question des conditions de la validation d’un tel savoir… une excellente « performance motrice peut-elle suffire à valider une compétence en EPS si derrière cela l’élève ne s’implique pas dans les dimensions sociales et méthodologiques de la pratique… c’est une question de fond qui interpelle nos conceptions et notre capacité à traduire la matrice disciplinaire actuelle de la discipline… le groupe EPIC y trouve un espace de réflexion et de développement qui j’espère incitera de nombreux collègues à se lancer dans l’aventure !

 

Propos recueillis par Antoine Maurice et Benoît Montégut

 

 

Par fjarraud , le jeudi 04 février 2016.

Commentaires

  • Benoit_EPS, le 16/02/2016 à 13:21
    Bonjour,

    Je m'interroge sur la capacité du repère quantitatif à nous renseigner sur les stratégies et procédures employées.
    En effet, en reprenant l'exemple utilisé du score 412. L'élève a t-il marqué douze fois 1 point ou une fois 10 points puis deux fois 1 point...??
    Les deux scénarios semblent possible.
    Comment cela s'opérationnalise t-il sur le terrain?
    Cordialement
  • thais8026, le 04/02/2016 à 15:09
    Et tout ça en 10 heures!!!!
    Mais j'aimerai des précisions, cette méthode existe depuis des années dans les autres disciplines : il s'agit de dissocier le fond de la forme et de valoriser le fond. A moins que je ne trompe complètement
    • Rossi David, le 05/02/2016 à 07:09
      Bonjour Thais8026, il s'agit moins de dissocier le fond de la forme que d'appréhender la structure de l'activité adaptative de l'élève face aux problèmes posés par l'APSA et le choix en matière d'objectifs éducatifs.
      Nous nous inscrivons effectivement dans une démarche d'évaluation formative et formatrice, au sein de la quelle nous essayons de renvoyer à l'élève une connaissance du résultat sous la forme d'un score tactique en badminton, afin de pouvoir disposer d'un repère quantitatif pour communiquer avec eux sur les orientations prioritaires pour leurs apprentissages, leurs évolution et la fixation des exigences de formation.
      Cordialement David Rossi
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