Succès de la grève contre la réforme du collège 

"Pour un gouvernement qui dit que la mobilisation faiblit c'est un démenti cinglant". Pour Roland Hubert, secrétaire général du Snes, le premier syndicat du secondaire, le bilan de la journée de grève du 26 janvier ne fait pas de doute. Au bout d'une année de mobilisation contre la réforme du collège, la quatrième grève menée par l'intersyndicale atteint des chiffres supérieurs à celle de septembre. Si la ministre avait l'espoir de voir la réforme du collège admise par les enseignants, c'est raté.

 

Le 26 janvier, le cortège parisien contre la réforme du collège n'est pas impressionnant. On y trouve toujours très peu de parents. Seulement 2 à 3 mille enseignants sont présents. Mais des cortèges ont lieu dans les principales villes du pays. Et le taux de grévistes est inespéré  pour les organisateurs. Selon le ministère, 22% des enseignants des collèges sont en grève, soit 7% de plus qu'en septembre 2015. Le Snes revendique beaucoup plus : plus de 50% de grévistes. Ce qui est certain c'est que le mouvement est plus fort qu'au début de l'année. Les formations organisées partout par le ministère pour expliquer la réforme et la faire accepter ont échoué.

 

Une réforme qui diminue les moyens

 

Alors que le budget 2016 prévoit 2500 créations de postes dans le secondaire et que la ministre promet qu'il y aura au minimum maintien des moyen dans chaque collège, les enseignants interrogés par le Café pédagogique voient tous dans la réforme une réduction des moyens d'enseignement et une source d'économies pour le ministère. C'est ainsi qu'est perçue la création des EPI, les enseignements interdisciplinaires qui empiètent sur les horaires disciplinaires. La finalité de projets "obligatoires" est aussi questionnée par les enseignants.

 

TZR en zone rurale en Ile de France, Aurélien Duport est un jeune professeur d 'histoire-géographie. "Je pense aux raisons qui m'ont fait entrer dans ce métier et qui me donnent envie d'y rester", nous dit-il. "On nous propose une réforme qui supprime des heures de cours. La réforme nécessite le volontariat des enseignants. Mais si les professeurs ne s'investissent pas dans les projets fixés par la réforme les postes seront supprimés. L'interdisciplinarité existe déjà dans mon collège. Mais en la rendant obligatoire on crée des dysfonctionnements dans les emplois du temps. Pour que les professeurs puissent travailler ensemble on va créer de gros problèmes au sein du collège. Ils auront des influences sur la scolarité des élèves".

 

Karen Guinebretière enseigne les maths dans un collège urbain du 77. "Je ne veux pas qu'on ampute mes cours", nous dit-elle. "Je veux continuer à enseigner les maths avant de faire des projets qui appliqueront les maths à autre chose". Pour elle, la réforme "c'est juste économiser sur le dos des élèves".

 

Une réforme qui met en difficulté les collèges publics face au privé

 

La réforme entre aussi en contradiction avec les stratégies des collèges, nous explique Marine Simon, une jeune professeure d'anglais dans un collège du Kremlin Bicètre (94). "La réforme avance de jolis mots mais derrière il y a des économies de postes et rien pour les élèves", estime-t-elle. "Chaque discipline perd des heures à cause des EPI (les enseignements interdisciplinaires). Ca ne va pas aider les élèves". M Simon regrette particulièrement la fermeture de la classe bilangue et de la classe européenne dans son collège. "La classe européenne n'a pas un recrutement social privilégié. Mais ce sont des élèves motivés et la classe mixait le recrutement du collège car les parents y inscrivaient leurs enfants pour cette raison. Maintenant on a des parents qui pensent mettre leurs enfants ailleurs. La réforme sectorise beaucoup plus".

 

Reprendre les discussions

 

"La ministre va peut-être revoir sa copie", espère Roland Hubert, co secrétaire général du Snes, interrogé par le Café pédagogique. "Ce serait irresponsable de ne pas entendre les enseignants". Le Snes appelle à la reprise des discussions sur une réforme du collège. "Personne ne pense que le collège ne doit pas changer", dit -il. "Mais il ne doit pas changer sans nous et contre nous. Il faut reprendre les discussions sur des bases que la profession peut entendre". Interrogé sur la possibilité de revenir en arrière alors que les textes sont parus et que les dotations horaires sont affectées, il estime que c'est possible. "On peut faire la rentrée sur la base du collège existant puisque la ministre dit qu'au minimum il y a les mêmes moyens dans les collèges. Ou alors il y aurait un mensonge ?"...  La banderole de l'intersyndicale demande, elle, l'abrogation de la réforme. Pour le Snalc, François Portzer est plus direct. "Le candidat présidentiel qui soutiendra cette réforme perdra les élections". A bon entendeur...

 

François Jarraud

 

 

Par fjarraud , le mercredi 27 janvier 2016.

Commentaires

  • Michel MATEAU, le 28/01/2016 à 13:12
    « Pour le Snalc, François Portzer est plus direct. "Le candidat présidentiel qui soutiendra cette réforme perdra les élections".
    Et M. Jarraud de saluer l’expression : « A bon entendeur... ». Les "lignes bougent" pour utiliser une expression à la mode....
    Un succès que la manif ! Quelle blague….Pour faire monter artificiellement le taux de participation les syndicats ont ajouté une revendication salariale comme le montre la très fine, très subtile et très élégante pancarte tenue par cette enseignante. On pourrait d’ailleurs trouver plus justifiée cette dernière revendication si n’existait pas déjà un protocole d'accord sur les parcours professionnels et les rémunérations, PPCR, signé par d’autres syndicats. Passons...
  • erasmus, le 27/01/2016 à 17:10
    Bonjour à tous

    Et maintenant que vais-je faire… ? chantait G Bécaud.

    On peut en effet se poser la question après le succès relatif de la manif de hier. N’aurait-il pas été préférable de se mobiliser avant, quand le texte était encore en discussion avec les syndicats et que tout était encore possible ?
    Est-il raisonnable de se mobiliser pour un texte qui a déjà été voté par l’assemblée nationale ? En tant qu’enseignants qui répétons à l’envie les délices du respect de la loi à nos élèves, sommes nous crédibles de piétiner ainsi la démocratie représentative, comme naguère les opposants au « mariage pour tous »… ?

    De manière plus ou moins prosaïque, qu’est ce qui se cache derrière cette soudaine mobilisation du corps enseignant ? Y a-t-il d’autres motifs d’inquiétude que l’approche de la mise en œuvre de la réforme ? N’y aurait –il pas un malaise chez beaucoup d’entre nous avec l’interdisciplinarité, la transversalité, la différenciation pédagogique derrière la défense de nos heures disciplinaires ? Y aurait-il un problème chez les enseignants à modifier nos pratiques pédagogique ? N’y aurait-il pas la un combat d’arrière garde qui ne nous honore pas ?

    Enfin ou se combat va-t-il nous mener ? Qu’est ce qui va se passer maintenant ? Les syndicats vont-il appeler à une nouvelle journée de grève ? Au fond est-il crédible, raisonnable ou souhaitable pour les élèves que la réforme n’entre pas en vigueur ? Que proposent concrètement les syndicats à ce sujet à part le statu quo ? Vas t-on enfin se mettre autour d’une table pour parler pédagogie au lieu de s’étriper sur le trmd ?

    Toutes ces questions et aucune réponse pour aller au delà de la mauvaise foi qui n’est pas juste l’apanage du ministère.

    Cordialement
    sr

    • maria1958, le 27/01/2016 à 20:10
      La réforme avec ses EPI, AP, etc n'a jamais été votée à l'Assemblée nationale…. Se mobiliser contre n'a donc rien à voir avec "piétiner la démocratie représentative" - la comparaison avec les opposants au "mariage pour tous", je vous en laisse la responsabilité…
      La mobilisation n'est pas "soudaine": ça fait des mois maintenant et la ministre eût été bien inspirée de rouvrir les discussions au lendemain de la manif de mai dernier, tout le monde aurait gagné du temps c'est sur !
      "Se mettre autour d'une table", que voilà une bonne idée ! Suggérez donc à la ministre de recevoir enfin l'intersyndicale…
      • Michel MATEAU, le 28/01/2016 à 12:26

        Dans un langage posé, clair et précis, M ou Mme Erasmus dit l’essentiel.
        Quant à la comparaison avec les opposants au mariage pour tous, elle est effectivement très pertinente et on peut en « prendre la responsabilité » comme vous dites en forme de défi…

        • phych670, le 01/02/2016 à 08:06
          Visiblement, Michel Mateau et "erasmus" ne sont pas enseignants en collège ou font partie de ces deux syndicats ultra minoritaires (moins de 20% à eux deux !) sur lesquels la "ministre" s'est reposée pour faire passer des désidératas de l'OCDE.... qui ont montré leurs nocivité au Québec qui est, intelligemment, en train de revenir en arrière... comme la France sera obligée de le faire après que la "ministre" ait tout cassé !!

          Cette réforme ne tient pas la route, elle est refusée par les enseignants et, surtout, Nous faisons DEJA de l'Interdisciplinarité et de l'aide personnalisée !

          Mais il est vrai que les crédits pour l'accompagnement personnalisé, qui servait essentiellement à proposer de l'aide individualisée aux élèves, a été supprimé par la Ministre !!

          Donc mon établissement, la mise en place de l'EPI avec ses contraintes aberrantes, va mettre à mort au moins la moitié des travaux interdisciplinaires que nous faisions déjà ! Sans compter que les nouvelles contraintes sur l'emploi du temps vont tellement nous pourrir la vie au quotidien que nombre de mes collègues ont déjà annoncé qu'ils allaient laisser tomber tous les projets ambitieux : représentation de Slam (Français - Musique. 60 élèves par an, 3 représentations avec 600 spectateurs adultes), Echange avec l'Ontario (Physique-Anglais, 30 élèves), Spectacle des ombres (Français - Arts Plastiques, 90 élèves), Jeux Olympiques (Toutes les disciplines, 120 élèves pour 300 à 500 spectateurs)... je ne fais pas la liste complète car elle représente un tableau Excel de 8 pages, écrit petit, en début d'année !!

          Voilà la réalité : cette réforme du collège met à mort ce qui MARCHAIT dans le collège, sans rien résoudre de ce qui ne marchait pas (les élèves qui décrochent) car son SEUL OBJECTIF EST LA REDUCTION DES MOYENS !!

          Alors, bien sur, vous allez me dire que cette année la DHG a été maintenue. Ce sera aussi le cas en 2017, juste avant les élections (comme par hasard) ... mais après c'est fini !! Aucune garantie n'est prévue pour maintenir la marge qui est "généreusement" donnée cette année pour que le collège n'explose pas totalement à la rentrée...

          Vous croyez que les français seront dupes ?! On en a marre des mensonges et des trahisons de cette clique néo-libérale qui s'est hissée au pouvoir sur des promesses bafouées aussitôt élu !

          Et, malgré les moyens données pour cette rentrée, ne croyez pas qu'elle va bien se passer ! La réforme porte en elle son propre échec. Les "formations" l'ont d'ailleurs parfaitement démontré puisque même les plus fervents défenseurs d'une réforme  dans mon établissement étaient en grève contre CETTE réforme la semaine dernière !

          M. Jarraud à raison de rapporter les propos de ce syndicaliste car elles ne sont que la réalité du terrain que ces gens qui se sont approprié le pouvoir et pense pouvoir en disposer à leur guise comme dans l'ancien régime, devraient entendre : 

          Les candidats qui soutiennent cette réforme du collège et n'annonceront pas son abrogation et l'ouverture de véritables négociations avec les enseignants sur le terrain pour une réforme juste et efficace dés leur arrivé au pouvoir n'ont aucune chance de passer le premier tour en 2017 !
          • Michel MATEAU, le 01/02/2016 à 08:26

            Nul doute que ceux auxquels vous apporterez alors votre bulletin seront moins néo-libéraux et vous promettront une augmentation indéfini des crédits jusqu’à 2056…

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