Comment enterrer le bilan du lycée ? 

Jeudi 26 novembre, les syndicats sont conviés par la ministre à une première réunion sur le bilan de la réforme des lycées généraux et professionnel. Ajourné sine die en juin 2015, le bilan est finalement revenu dans le calendrier officiel. Cinq ans après la réforme Chatel les enseignants des lycée ont surement de remarques à faire. Mais la formule choisie par le ministère semble vouloir éviter l'analyse des points forts de la réforme Chatel. Pourquoi ?

 

Du bilan au diagnostic partagé

 

Cinq ans après la réforme Chatel , le temps du bilan est-il venu ? A vrai dire, ce bilan de la réforme du lycée fait l'Arlésienne rue de Grenelle depuis au moins deux ans. En juin dernier, il était carrément reporté définitivement avant que les syndicats obtiennent son retour dans le calendrier officiel.

 

Mais ce que propose N Vallaud-Belkacem ce n'est plus une évaluation de la réforme, à l'image du rapport Moisan -Cuisinier de 2012,  mais la construction d'un consensus sur le lycée. Le ministère a imaginé une série de réunions regroupant syndicats, inspections, parents et lycéens, échelonnées de novembre à avril et portant sur quatre thématiques : Parcours, orientation et égalité des chances au lycée;   Évaluation et certification,  Préparation de « l’après lycée »;   Démocratie, autonomie des établissements et vie lycéenne. "Chaque réunion donnera lieu à présentation et discussion d’un thème ou sous-thème et à réflexion sur des pistes possibles d’évolution", précise l'invitation officielle.

 

Ainsi un groupe réfléchira sur les modalités de l'évaluation idéale au lycée et sur le poids des évaluations en cours d'année. Un autre groupe réfléchira sur l'après lycée, l'information des futurs bacheliers et leur insertion professionnelle.  Un autre groupe traitera du passage collège - lycée et du décrochage des lycéens . Un dernier travaillera sur la démocratie lycéenne. Des sujets fort intéressants mais dont le lien avec la réforme du lycée mise en place par Luc Chatel n'est pas évident.

 

L'échec de la réforme Chatel

 

La réforme Chatel s'était pourtant fixée des objectifs qui permettraient une évaluation. L'objectif premier de la réforme c'était le rééquilibrage des filières, à une époque où on craignait que la série S écrase les autres séries générales et vide la série L et que la voie technologique sombre. Les enseignements d'exploration devaient permettre une découverte de disciplines nouvelles et ouvrir des horizons aux élèves. L'autre élément important c'était l'accompagnement personnalisé, un dispositif qui devait aider les élèves. Enfin la réforme augmentait la marge d'autonomie des lycées avec pour objectif de mieux adapter l'offre éducative aux besoins des lycéens.

 

Ces objectifs sont-ils atteints ? Dès 2012, un rapport de l'Inspection générale alertait sur les effets négatifs de la réforme. Cinq ans après la réforme,  les critiques sont bien assises. Et sur bien des points les données sont déjà là.

 

La réforme n'a pas réussi à endiguer les écarts croissants entre filières. Dans l'enseignement général, la série S scolarisait 34% des élèves de terminale générale ou technologique en 2009, elle en réunit maintenant 38% . La série ES s'est maintenue (de 22 à 23%). La série L évite tout juste la chute avec 11,5% des lycéens. La réforme n'a pas redonné des forces à la série L qui avec seulement 50 000 lycéens voit son avenir obscurci. Depuis la réforme, les séries technologiques se sont vidées : les filières services sont passées de 22 à 20% des lycéens, la production de 10 à 8%. Ce sont les grandes perdantes de la réforme Chatel. Ajoutons que la façon dont certaines réformes ont été conduites, en STI par exemple, a généré de la maltraitance envers les enseignants.

 

Le bilan de l'accompagnement personnalisé est plus délicat. Un bilan réalisé dans l'enseignement catholique montre que cet enseignement fait vraiment débat. Les situations sont très diverses d'un lycée à l'autre. Le rapport de 2012 montrait que les lycéens le jugeaient inutile. Quant à l'autonomie des établissements, dans le contexte de la réforme Chatel, elle s'est transformée en gestion de la pénurie du fait des suppressions de postes. L'accompagnement personnalisé s'est souvent fait en classe entière par exemple, voire  a disparu.

 

Un bilan pour quoi faire ?

 

"Ils disent "on veut un bilan partagé". Pourquoi pas", nous a dit Frédéric Sève, secrétaire général du Sgen Cfdt. "Ca laisse entendre qu'on est au début d'une nouvelle réforme. Mais compte tenu du calendrier, on la sent pas. Ce bilan trop tardif n'a pas de débouché". Pour  F Sève il n'y aurait pas lieu de faire un bilan "à l'aune de la rhétorique de la réforme de 2010. Un bilan objectif doit aller plus loin". Pour le Snes Fsu, Claire Guéville , responsable lycées, s'interroge aussi sur les finalités. "Les sujets proposés par le ministère ne vont pas ensemble. Ils laissent de coté des pans entiers de la réforme.  Ca fait douter de la volonté d'un vrai bilan", nous a-t-elle dit. "Il y a pourtant des attentes".

 

Pourquoi le ministère veut-il éviter le bilan d'un autre ?

 

Alors pourquoi ce bilan d'une réforme de droite a-t-il sans cesse été repoussé ? C'est que les mêmes hauts fonctionnaires utilisent les mêmes idées dans la réforme du collège. Le ministère a reproduit pour la réforme du collège les recettes qu'il a mises en place au lycée en 2010.  Le nouveau collège voit lui aussi sa marge d'autonomie augmenter avec les mêmes justificatifs. L'accompagnement personnalisé y est introduit pour les mêmes raisons. Les futurs EPI empruntent beaucoup aux enseignements d'exploration.

 

Pour beaucoup, faire le bilan de la réforme du lycée, s'il est négatif, ce serait apporter des arguments en positif ou en négatif pour la réforme du collège. Même si le contexte budgétaire est différent. La ministre n'a pas besoin d'apporter de l'eau au moulin des anti -réforme...

 

En attendant, un des aspects de ce bilan sera bientôt visible dans les établissements. Le ministère propose aux lycéens une enquête de satisfaction sur leur vie au lycée.

 

François Jarraud

 

Bilan de 2012

Premier bilan

 

 

Par fjarraud , le jeudi 26 novembre 2015.

Commentaires

  • Viviane Micaud, le 26/11/2015 à 11:21
    J'avais prévu le résultat dès 2010. La réforme du lycée s'est faite sur un diagnostic faux. 
    Les élèves vont vers la filières S car c'est une filière généraliste qui permet tous les parcours après le bac. Il y a les mêmes exigences en "français" qu'en L et les plus hautes exigences en maths.
    Les principes de l'orientation progressive ne pouvait pas marcher. En effet, il y a deux niveaux en "expression littéraire" celui des bacs technologiques et celui des bacs généraux. Et trois niveaux en Maths celui de "L", celui de "ES" et celui "S". Sur ces deux matières il est possible de "descendre de niveau" mais pas de "monter". Aussi les possibilités de changement de filières entre la Première et la Terminale ont été strictement identiques qu'auparavant. 
    Une de mes connaissances avait choisi le bac STG alors qu'elle avait le potentiel d'aller en S car cela correspondait  à ce qu'elle aimait. Elle l'a regretté car elle n'a pas été prise dans les filières post-bacs qu'elle souhaitait. Aujourd'hui la bonne stratégie pour préserver l'avenir est de choisir la filière qui a les exigences les plus hautes que l'on peut réussir, plutôt que de faire la filière qui nous intéresse le plus.

    Pourtant il existe une solution est simple, il faut déconnecter le choix du parcours en "expression littéraire" et "maths" du choix du domaine approfondie. Si il est possible de choisir les maths de "S" en filière ES, les jeunes qui veulent faire HEC n'iront plus en S. Et les scientifiques pourront faire des vraies sciences.
    • thais8026, le 27/11/2015 à 14:34
      Autant je suis d'accord sur le diagnostique. J'avais fait le même et je mettais même fait huer par un amphi de prof pour l'avoir dit.
      Autant je ne suis pas d'accord sur la solution, je suis contre une polyvalence des filières. Et oui l'école est obligatoire jusqu'à 16 ans (et je trouve cela très bien) donc après il faut choisir....
      Moi, je propose que la filière S soit aussi spécialisée que la filière L. La filière généraliste restant la ES.
      Pourquoi un S devrait avaler toutes les disciplines jusqu'à la fin alors qu'un L non ?
      La S n'est pas dissuasive pour les non scientifique en 1ère seul 38% de l'horaire général est affecté aux sciences. Cherchez l'erreur. Les scientifiques ne font de toute façon pas de sciences en S.
      Solution : LV2 optionnelle comme les maths en L. L'idée d'arrêter l'histoire-géo en 1ère était bonne si on n'avait pas voulu tout faire en 1 an au lieu de 2.
      Quant à votre exemple en STG, je vais vous contredire : il y a des classes prépa aux grandes écoles de commerces (et qui ont d'excellents résultats) réservées aux STG (maintenant STMG) et elles sont loin d'être pleines donc si votre amie n'a pas réussi à y rentrer c'est qu'elle n'avait le niveau de STG requis et non à cause de son choix de filière. Maintenant si après son bac elle voulait faire médecine...

      • Viviane Micaud, le 30/11/2015 à 08:05
        Je ne parle pas du programme, mais l'acquisition des codes d'expression qui permettent de faire des hautes études littéraires. Le programme des matières littéraires est plus légers en S qu'en L, mais les acquis en capacité d'apprendre et de transmettre sont les mêmes. La preuve, il y a 25% d'élèves de S en hypokhagne la plus sélective des filières littéraires. Vous ne semblez pas connaître les difficultés de rédaction des élèves qui n'ont pas pu aller dans une filière générale. 
        Le fait qu'il y a ait UNE prépa pour les STMG n'empêche pas qu'un grand nombre de portes soient fermées.
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