La maternelle à la recherche d'un nouvel équilibre 

L'école maternelle va bien. C'est le message positif qui ressort des deux sondages réalisés auprès des parents et des enseignants et publiés le 24 novembre par le Snuipp à l'occasion d'un colloque national qui a réuni le 24 novembre environ 200 professeur(e)s des écoles. Un moment important pour les professeur(e)s de maternelle alors que de nouveaux programmes demandent une évolution sensible du métier.

 

L'école maternelle fait consensus

 

 L'école maternelle fonctionne bien. C'est ce que pensent une large majorité des enseignants (79%) et des parents (85%). Le score est particulièrement élevé. 2015 voit une nette hausse de la satisfaction aussi bien chez les parents que les enseignants. L'école maternelle fait vraiment consensus dans la société française.

 

Coté enseignants, comment expliquer cette satisfaction ? La mise en place des nouveaux rythmes scolaires avait été vécue très négativement en maternelle. Pour Célia Gonzalez-Fondriest, une professeure des écoles de Bordeaux, interrogée par le Café pédagogique, ce sont les nouveaux programmes qui ont changé la perspective des enseignants.  La profession se retrouve dans leur orientation qu'elle vit comme une libération par rapport aux exigences scolaires des programmes de 2008.

 

Un nouvel équilibre subtil

 

 Il revenait à Viviane Bouysse, inspectrice générale, de faire le point sur ces nouveaux programmes applicables depuis la rentrée 2015. Elle les présente comme un nouvel équilibre "entre une approche développementale et des interventions didactiques plus marquées".  Pas question pour elle que l'école se contente de privilégier l'épanouissement des enfants comme on le fait en Europe du Nord. "Si votre ambition est de réduire les conséquences scolaires des inégalités sociales alors vous ne pouvez pas jouer que sur l'apprentissage adaptatif", explique-t-elle.

 

A la satisfaction de la salle, dans ce nouvel équilibre, V Bouysse insiste sur le jeu. "Il est légitime à l'école maternelle", dit-elle. "Savoir jouer est un acte professionnel". Mais elle insiste aussi sur le développement de l'initiative chez l'enfant par opposition à une "pédagogie de la consigne". Pour elle, "apprendre c'est être actif ce n'est pas écouter et se soumettre". L'enseignant doit faire acquérir une pensée active chez les enfants, les faire réfléchir.

 

C'est tout ce travail qui fonde le "devenir élève".. L'école maternelle fonde l'école car elle travaille au développement des fonctions exécutives : l'attention, l'inhibition, l'engagement dans l'effort, apprendre à se réguler.

 

Dans ce contexte elle définit aussi ce qu'est la bienveillance demandée des enseignants : c'est valoriser les bonnes expériences, guider l'enfant. Rassurer l'enfant dans ses apprentissages a des effets positifs sur le cerveau, explique-t-elle. La bienveillance c'est "témoigner un regard d'intérêt pour l'enfant".

 

Les nouveaux territoires des TPS

 

 Deux enseignantes et un conseillère pédagogique de Gironde ont témoigné du déploiement des très petites sections dans el département. Ces TPS accueillent des enfants de moins de 3 ans principalement dans des quartiers populaires. "Les familles de ces quartiers mettent rarement l'enfant en accueil collectif. L'école maternelle facilite beaucoup la maitrise du français", explique Myriam Ricarrère, P.E. à Bordeaux.

 

Pour Audrey Rollin, professeure dans une école Rep+ de Bordeaux,  l'objectif principal de la TPS est la construction du lien avec les parents. "On essaie de créer une culture commune entre la famille et la maison". Cela passe par de grands efforts pour l'école. "Si la famille ne vient pas à l'école on essaie d'aller à la famille", explique-t-elle. Concrètement, la classe de TPS se tient régulièrement dans la salle d'attente de la PMI.

 

Une autre adaptation est révélée par Nadine Massonnière, conseillère pédagogique en Gironde. "On accepte les couches à l'école" dit-elle en provoquant des remous dans la salle. "Pas question de mettre la pression sur l'enfant ou de laisser une famille désemparée à la rentrée. C'est un parti pris".

 

Consensus sur ce qui ne va pas

 

 Mais retour au consensus en évoquant les difficultés récurrentes du métier. Dans le sondage parents et enseignants jugent qu'il y a trop d'élèves par classe. Les professeurs estiment qu'il en faudrait 20, les parents 15 à 20. En réalité la moyenne est à 26. On est loin du compte.

 

Unanimité aussi pour estimer que le métier de professeur en maternelle est plus exigeant. C'est ce que pensent 86% des enseignants et 58% des parents. Une majorité d'enseignants craint une présence trop forte des parents dans l'école. En même temps ils regrettent de les voir moins souvent depuis la réforme des rythmes , qui a entre autre supprimé le samedi matin.

 

Dernier point critique : la formation. Les professeurs jugent très positivement les nouveaux programmes de maternelle mais ils estiment ne pas être assez préparés pour les appliquer. "Il est urgent qu’un solide plan de formation continue voit le jour, alimenté par les travaux de la recherche", note le Snuipp. "Il est temps, pour le gouvernement, d’aller au-delà des engagements et des belles paroles pour permettre aux enseignants de mieux faire leur métier pour la réussite de tous leurs élèves"..

 

Pour Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp, l'école maternelle est "plébiscitée mais en quête d'attention". Le syndicat veut avec ce colloque attirer l'attention sur le nombre d'élèves par classe, sur le manque de formation continue alors que 70% des enseignants s'estiment insuffisamment préparés pour appliquer les nouveaux programmes. En concluant la journée, Sébastien Sihr rappelle aussi la nécessaire revalorisation salariale. "On ne lâchera pas", dit-il.

 

Le soutien inattendu de l'OCDE

 

Justement,  l'OCDE semble voler au secours du Snuipp. Publié le jour même, Regards sur l'éducation souligne la réussite de la maternelle française et demande d'y investir plus de moyens. " Pour l'Ocde un des points forts pour l'Ecole française c'est la maternelle", affirme l'Organisation. "Les enfants qui ont émigré dans un pays de l’OCDE entre l’âge de 6 et 10 ans ont obtenu 19 points de moins aux épreuves PISA de compréhension de l’écrit que ceux qui y ont émigré avant l’âge de 6 ans. Cette différence de score représente plus de 39 points (soit l’équivalent d’une année d’études environ) en France". Or la France fait partie des rares pays (avec la Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Islande, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni) où la scolarisation à l’âge de 3 et 4 ans est généralisée.

 

L'effort est d'autant plus remarquable que le pays dépense nettement moins que la moyenne pour la maternelle : 6969 $ par enfant contre 8000 en général. L'écart tient au taux d'encadrement nettement plus important en France qu'ailleurs : 23 enfants par professeur contre 14 en moyenne. Seuls la Chine, le Chili et le Mexique font pire. Ce n'est pas le Snuipp  qui dira le contraire...

 

François Jarraud

 

Communiqué Snuipp

Programme colloque

 

 

Par fjarraud , le mercredi 25 novembre 2015.

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