Attentats : François Dubet : " Le rôle des enseignants c'est de résister" 

Quel regard jette le sociologue sur les attentats du 13 novembre ? FRançois Dubet, sociologue de l'Ecole, répond à nos questions sur la place de l'Ecole dans cette crise et sur ses conséquences pour l'Ecole.

 

L'Ecole a-t-elle une part de responsabilité dans les attentats ?

 

Ce qui se passe n'est pas lié à la manifestation d'un problème social ou scolaire français. Ce n'est pas parce que des quartiers sont ghettoisés et que l'école ne marche pas bien qu'on tue plus d'une centaine de personnes. Il faut cesser de mettre l'école au 1er rang de nos accusations et de nos réponses. Elle n'est pas responsable de ce qui se passe et ne peut pas à elle seule faire que des assassins venus de Syrie ne tuent pas un peu partout dans nos rues.

 

L'échec scolaire n'est pas explicatif. Il faut se rappeler que les auteurs du 11 septembre étaient de brillants ingénieurs. Il faut admettre que ce terrorisme est d'abord la manifestation d'une guerre.

 

L'inégalité scolaire, la ségrégation sont des facteurs contre quoi il faut se battre. Mais c'est absurde de penser que c'est la cause du terrorisme. La cause est en Syrie.

 

Quel est le rôle de l'Ecole après les attentats ?

 

Le rôle de l'école ça va être de se présenter comme un lieu de sureté, apaisant. A l'école on doit vivre normalement. Elle doit éviter de stigmatiser les musulmans  dont la majorité se sent piégée dans cette histoire.  Ils sont à la fois parmi les victimes et suspectés d'être responsables de ces tueries.

 

Le rôle des enseignants c'est de résister. Expliquer que ces crimes ont visé tout le monde indistinctement et ne mettent pas en cause la diversité culturelle du pays.

 

Quelles conséquences les attentats peuvent-ils avoir sur l'Ecole ?

 

Si la société française se clive elle-même , si elle rend responsables les minorités culturelles, alors il y aura un problème pour toute la société. La question est de savoir si on garde raison  ou si, comme en Bretagne récemment, on attaque des musulmans supposés jugés collectivement responsables. Si on réagit de cette façon, les terroristes auront gagné. C'est ce qu'ils souhaitent.

 

Par contre, si on dit "il faut arrêter de laisser les prédicateurs salafistes dire n'importe quoi et être vigilant à ce que la police fasse son travail", on est dans une autre logique.

 

Je suis plutôt pessimiste car je crains qu'on lie ces actes avec l'idée de se défendre contre une communauté. Je crains que des calculs politiques ne jouent cette carte.

 

Propos recueillis par François Jarraud

 

 

Par fjarraud , le mardi 17 novembre 2015.

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