Canopé, Clémi, une liaison qui évolue ? 

Jean Marc Merriaux présentait ce jeudi matin la "réorganisation" du Clemi aux coordonnateurs académiques rassemblés en séminaire à Paris, à laquelle j’ai pu assister, invité de longue date à intervenir à ces rencontres. Après avoir rappelé le cadre réglementaire dans lequel agit le Clemi, et ses évolutions au cours des dernières années, le directeur général de Canopé a présenté le contexte de cette évolution : l'introduction de l'Education aux Médias et à l'Information dans la loi de 2013 et la place de plus en plus importante de cette question en particulier depuis janvier 2015. Difficile de passer sous silence aussi le rapport de la Cour des comptes sur l'ex CNDP et en particulier le volet qui concernait le CLEMI demandant une clarification de la relation entre Canopé et le Clemi.

 

 Au moment où Divina Frau Meigs, désormais ex-directrice scientifique, vient de donner sa démission en désaccord sur cette réorganisation que certains pourront appeler reprise en main, le directeur général de Canopé a répondu aux questions des correspondants pour non seulement présenter le nouveau cadre mais aussi pour entendre leurs remarques sur ce qui est finalement essentiel : quelle place peut avoir aujourd'hui une structure comme le Clemi dans l'ensemble des évolutions des médias et de l'information et plus largement d'un paysage scolaire qui semble bien écartelé.

 

En effet d'un côté les enseignants documentalistes, d'un autre le Clemi, d'un autre encore les Directions Académiques du Numérique pour l'Education dans les académies, parmi d'autres, chacun semble vouloir s'arracher le leadership sur la question de l'EMI. La ministre de l'éducation, qui a mis l'EMI au coeur de ses priorités, suite aux évènements de janvier 2015 a réveillé des questions de territoire bien difficiles à aborder.

 

Le directeur général de Canopé a rassuré le Clemi sur son avenir en montrant le rôle que celui-ci aurait à jouer dans les temps à venir, en lien avec le réseau Canopé. Mais rassurer les acteurs les plus impliqués, souvent militants, ne résout pas forcément les problèmes de terrain. Si dans certaines académies les coordonnateurs Clemi sont (re)connus, cela est beaucoup moins le cas dans d'autres. Aussi cette réorganisation pourrait bien être perçue comme une simple absorption, à moins que ce ne soit une refondation. Mais alors dans quel cadre ? Car le Clemi est finalement assez peu connu dans les salles des enseignants et même par les personnels de direction. Il va de soi que la question ne peut se travailler en opposant telle ou telle structure ou service aux autres en particulier au plan académique.

 

Il faut remettre en perspective la place que les médias ont dans la société et l'évolution de cette place sous les coups de boutoir du numérique pour comprendre le nécessaire repositionnement d'une telle structure. Pour l'enseignant, l'élève, les smartphones et Internet ont pris la place de la télévision. S'informer, communiquer, c'est désormais une question personnelle, individuelle, avec pour premier intermédiaire un objet lui aussi personnel.

 

Alors que le Clemi a été fondé au moment de l'envahissement des téléviseurs dans les foyers, et surtout de la domination de la presse écrite sur l'information, d'autres acteurs de l'éducation ont pris pied sur ce terrain de plus en plus complexe : d'un côté les enseignants documentalistes souhaitent garder leur place d'acteur clef au niveau de l'établissement, d'un autre les responsables numériques des établissements et des structures académiques rappellent la prééminence des questions des moyens informatique comme porte principale d'accès à l'information; quant aux enseignants disciplinaires, ils tiennent aussi à avoir leur place (rappelons que depuis de plusieurs années, les préambules des programmes scolaires rappellent l'importance de prendre en compte les nouvelles formes de l'information), en particulier les enseignants de lettre en charge de l'éducation à l'image (et aussi en partie aux médias). Le passage de médias de flux et de masse à des médias individuels et interactifs, ainsi que la convergence numérique tout contribue à créer de nouvelles concurrences de nouvelles zones de friction.

 

Au-delà de la crise momentanée provoquée par la démission de l'ex-directrice scientifique, c'est bien une question de réorganisation qui se pose. Le Directeur général de Canopé a présenté l'organigramme qui serait mis en place en janvier prochain, annonçant que des recrutements sont en cours, afin de renforcer les effectifs.. Il va de soi que toute réorganisation est un pari et qu'elle peut réussir ou échouer. Bien conscient de l'enjeu et après avoir réorganisé l'ex-CNDP en Canopé, Jean Marc Merriaux souhaite un meilleur positionnement du Clemi au sein de Canopé, ce qu'il considère comme incontournable à l'instar du Conseil d'Orientation et de Perfectionnement et de son Président, Didier Mathus, présent lui aussi.

 

Cette "reprise en main" pour certains, "refondation" pour d'autres semblait en tout cas nécessaire, et même indispensable par le simple fait qu'il serait "irresponsable" que l'éducation aux médias et à l'information (EMI) reste l'enjeu de querelles de chapelle pour qu'elle devienne enfin autre chose qu'un gadget conjoncturel post Charlie mais qu'elle soit une véritable tentative de restauration de l'autorité de l'école sur la question du "faire société" au-delà du simple "vivre ensemble".

 

Bruno Devauchelle

 

La directrice du Clemi démissionne

 

 

Par fjarraud , le vendredi 13 novembre 2015.

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