Une lettre de mission sur le sport et l’école…  

Le Premier ministre Manuel Valls a donné le 21 octobre dernier une lettre de mission aux députés Pascal Deguilhem et Régis Juanico sur le sport tout au long de la scolarité. Dès le début, le Premier ministre insiste sur les « bénéfices de la pratique d’une activité physique en termes d’éducation, de santé et de cohésion » et demande « la construction d’un parcours sportif des élèves et des étudiants ». Pour lui, il faut « assurer une continuité dans la pratique sportive tout au long de la scolarité, de la maternelle à l’université, grâce notamment à des passerelles vers le mouvement sportif, quel que soit le niveau de pratique » et « lutter contre les inégalités et discriminations de pratique ». Ces deux objectifs sont-ils compatibles ?

 

Deux objectifs : Compatibilité ou Contradiction ?

 

L’objectif est-il véritablement dans le passage vers le mouvement sportif ? Evidemment, il ne s’agit pas de faire croire que le sport est néfaste ou dévoyé, mais bien de préciser comme le fait pourtant le Premier ministre au début de sa lettre de mission : « de rechercher la pratique d’une activité physique ».

 

Lutter contre les discriminations n’est ce pas combattre les stéréotypes ? Le sport est connoté vers la compétition, la force, la virilité, la performance. Dès lors doit-on parler de pratique sportive ou de pratique physique ? L’objectif étant selon nous de permettre la construction d’un corps actif, moyen de se construire, d’échanger au sein de collectifs pour percevoir le mouvement sportif comme élément de culture à travers ses contraintes, ses libertés, ses limites (5ème enjeux de formation du socle commun « les représentations du monde et de l’activité humaine »). L’enjeu n’est-il pas là ?

 

L’éducation par le sport un allant de soi ?

 

A la lecture de la lettre de mission, on présente les vertus « du sport » ou de « l’activité physique » comme un allant de soi. Dès lors, il suffirait de tremper l’élève dans la marmite de l’activité physique, du sport pour qu’il en ressorte « citoyen », en « bonne santé » ou encore « solidaire » et régler aussi les problèmes de « discriminations ».

 

De plus, la lettre insiste sur l’identification des bonnes pratiques. Mais que pouvons nous entendre par là ? Suffit-il d’augmenter le nombre de pratiquants pour résoudre les problèmes de discriminations ? Sur quels éléments s’appuyer pour dire qu’un élève aura une activité physique régulière tout au long de sa vie ?  Le défi qui est posé à Pascal Deguilhem et Régis Juanico est important, colossal même, et ne peut se limiter à la définition d’un parcours « sportif » des élèves et des étudiants ! L’écueil principal serait de rester dans cet allant de soi…

 

L’Education Physique et Sportive un savoir faire reconnu, à exploiter ?

 

La DEPP a publié une enquête en 2005-2006 auprès des élèves montrant l’image de l’EPS comme très favorable. En effet, à la question « si les séances d’EPS n’étaient pas obligatoires y viendriez vous ? », le résultat est conséquent vu que 81% des élèves y répondent de façon positive.  De plus, l’EPS est pour un grand nombre d’élèves le seul moment d’activité physique, dans un contexte où la sédentarité augmente de plus en plus chez nos jeunes. Dès lors, il serait plus que dommage de ne pas considérer l’EPS comme étant au cœur de l’atteinte des objectifs présentés par le Premier ministre.

 

Pour autant, si les horaires dans le secondaire sont respectés, il n’en est pas de même dans le premier degré (2h en moyenne seulement), à un âge ou les acquisitions motrices sont fondamentales… Dans le supérieur, la situation semble catastrophique, avec  seulement 5% des étudiants inscrits au sport universitaire, malgré une demande bien présente, mais avec des créneaux (jeudi après midi) qui ne sont plus libérés par les universités…

 

EPS et sport scolaire, des progrès évidents à faire

 

Nous l’avons souvent exprimé, le sport scolaire est une belle réussite « française », notamment grâce au travail de ses enseignants qui dépassent largement leurs missions au service des élèves. Mais le tableau n’est pas si rose et la question financière reste souvent au cœur des problématiques. En effet, les budgets sont difficiles à boucler, et obligent souvent les collègues à multiplier les actions de financement notamment en raison d’un forfait UNSS très important. Le calcul est simple : si le coût moyen d’une licence est de 20€ et si un établissement a plus de 200 licenciés, les charges demandées par l’Union Nationale du Sport Scolaire (UNSS) représentent plus de la moitié des recettes… Auxquelles il faut ajouter les frais de transport qui sont de plus en plus importants. Dès lors, la part consacrée au matériel et aux actions (au cœur de la logique d’un sport scolaire pour tous) est plus que réduite… N’y a t-il pas dès lors un premier levier d’évolution pour que les enseignants d’EPS mettent leur énergie ailleurs que dans le recueil de fond…

 

Encore un rapport ?

 

Nous pourrions évidemment être sceptiques sur l’annonce d’un « nouveau » rapport parlementaire, tant les confusions et les allants de soi ne servent que rarement à la mise en place d’une véritable politique scolaire passant par le rôle de l’EPS et du sport scolaire en lien avec les fédérations sportives. Il s’agit d’être au clair sur les attentes. L’Ecole doit-elle se mettre au service du sport ? Ou au contraire, les enjeux de l’école ne doivent-ils par rester l’unique priorité ? L’EPS, le sport scolaire, les fédérations constituant dès lors des leviers à cette fin. Ainsi, nous ne pouvons que formuler des attentes fortes pour donner les outils indispensables pour permettre de dessiner localement des parcours de réussite pour les élèves.

 

Par Antoine Maurice et Benoît Montégut

 

La lettre de mission

Page du député : Juanico

Le point de vue du café sur la journée du sport scolaire

 

 

Par fjarraud , le jeudi 12 novembre 2015.

Commentaires

  • Patmo001, le 13/11/2015 à 18:53
    Une fois de plus... quand on parle du sport scolaire on n'évoque que l'UNSS qui ne concerne que le second degré. L'USEP serait elle oubliée ? Non bien sûr. Elle est simplement ignorée ! (négligée ?méprisée ?). Surtout n'allez pas voir de trop près ce qu'il s'y passe vous pourriez y trouver de l'intérêt.A moins que le fait que l'USEP ait déjà développé un outil pour le parcours sportif de l'élève n'ait rien à voir avec le propos développé. 
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