Tournez la page des années noires 

Pour tous les enseignants, les années où X. Darcos était ministre de l'Education nationale restent marquées par l'affaire des "désobéisseurs". Il se trouve qu'Alain Refalo, une figure emblématique de ce mouvement, vient d'écrire à N Vallaud-Belkacem pour lui demander de tirer un trait définitif sur cette affaire. Il demande l'amnistie. Et il a raison.

 

Rappelez vous les "désobéisseurs"...

 

Peut-être faut-il rappeler ce que furent ces "désobéisseurs" ? Début 2009, Alain Refalo, professeur des écoles, décide de transformer les deux heures "d'aide personnalisée" mise en place par le ministre en un atelier théâtre. Surtout il fait connaitre les raisons de ce choix pédagogique et affiche ainsi ouvertement sa désobéissance. Aussitôt la hiérarchie lui tombe dessus. IEN puis inspecteur d'académie décident de sanctionner : abaissement d'échelon, refus de promotion et enfin 27 journées de retenue de salaire pour "travail non fait" alors qu'il n'a fait qu'exercer sa liberté pédagogique. Le Conseil supérieur de la Fonction publique reconnaitra d'ailleurs dès 2010 qu'il n'y a pas absence de service mais différend sur l'application de l'aide personnalisée.

 

Et comme il n'a pas sa plume dans sa poche, Alain Refalo théorise son geste. " L’enseignant est face à un dilemme : appliquer à la lettre un dispositif imposé (l’aide personnalisée) sachant qu’il est inefficace pour les élèves en difficulté ou bien user de sa liberté pédagogique dans le cadre de ce dispositif (situé, faut-il le rappeler, en dehors des heures obligatoires d’enseignement pour les élèves) au risque de se voir reprocher un service non fait pour défaut d’obéissance stricte. La hiérarchie exige des enseignants une obéissance inconditionnelle sans se préoccuper de l’efficacité du travail accompli. Ma dignité et mon intégrité, c’est d’avoir dit à haute voix ce que je pensais, au nom de la liberté d’opinion garantie aux fonctionnaires, et ceci malgré les rappels au fallacieux devoir de réserve. C’est d’avoir agi et désobéi en conscience pour ne pas être complice de dispositifs pédagogiques contraires à l’éthique de notre métier".

 

Suite à son geste, des centaines d'enseignants imitent A Refalo. La désobéissance se répand chez les professeurs des écoles.  Et la hiérarchie en sanctionne quelques uns : retraits de salaire, blames pleuvent. Alain Refalo s'en sort, lui, avec 27 jours de retrait de salaire, un abaissement d'échelon et un refus de promotion.

 

A. Refalo demande justice

 

Après le départ de X Darcos, L Chatel met un terme aux persécutions mais ne revient pas sur les sanctions. Vincent Peillon supprime l'aide personnalisée mais reste sur le statu quo. Son successeur passe telle une flèche. Et voilà N Vallaud-Belkacem mise au pied du mur par A Refalo.

 

Dans une lettre ouverte, A Refalo demande l'annulation de toutes les sanctions qui l'ont frappé. Mais il fait de cette demande un geste politique. " Aurez-vous le courage, madame la ministre, de vous attaquer aux abus de l’autorité hiérarchique qui plongent beaucoup d’enseignants dans le désarroi ? Aurez-vous le courage d’instaurer davantage d’horizontalité dans les méthodes de gouvernance au sein de votre administration ? Aurez-vous le courage de refonder l’inspection des enseignants toujours aussi infantilisante ? Aurez-vous le courage de faire davantage confiance dans les capacités créatrices des enseignants ?", écrit-il.

 

Car pour lui, la question des sanctions c'est celle de la gouvernance. " A l’heure où il est de plus en plus question d’une « école bienveillante », d’une école où l’on est attentif aux besoins des élèves comme des enseignants, il est urgent d’ouvrir ce chantier", dit-il. "« L’école bienveillante », c’est précisément la marque de fabrique de l’école finlandaise qui est toujours en tête dans les classements internationaux des pays dont les élèves sont en réussite. Cette école là, elle respecte les élèves et elle fait confiance à ses enseignants. C’est précisément parce que la hiérarchie ne faisait plus confiance à ses enseignants en exigeant d’eux une obéissance inconditionnelle assortie de menaces de sanctions qu’un tel mouvement de désobéissance pédagogique a émergé dans les années 2008-2009. Il faut en tirer les leçons".

 

Une seule réponse possible

 

Il y a bien des raisons pour lesquelles la ministre devrait donner un avis favorable à cette demande. D'abord son caractère symbolique : la demande ne coute rien puisque A Refalo ne demande pas de reconstitution de carrière.

 

Ensuite l'état des relations entre cadres et enseignants. Tous les sondages montrent qu'elles sont en général très dégradées et c'est dans le premier degré que c'est le pire. Ce serait un geste sympathique aux enseignants à un moment où les relations avec l'institution ne sont pas bonnes.

 

Surtout la question posée par A Refalo est une bonne question. Les syndicats des cadres affichent eux mêmes la volonté de faire évoluer la gouvernance. Mais sur le terrain on continue à gérer de façon autoritaire et tatillonne les enseignants. Ceux-ci s'épuisent à justifier hiérarchiquement ce qu'ils font.

 

Comme si cela ne suffisait pas, le nouveau décret sur les obligations de service du premier degré montre une tentative d'enterrer le caractère forfaitaire d'une partie des 108 heures dues. Au collège, la question de la formation se traduit aussi par une tentative d'élargir de force le temps de travail des enseignants. Dans ce contexte, tirer un trait sur une époque dominée par l'autoritarisme c'est un peu un minimum.

 

François Jarraud

 

La lettre d'A Refalo

Sur A Refalo

 

 

Par fjarraud , le mercredi 04 novembre 2015.

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