Nouveaux programmes : L'EMI, un changement de société ? 

L’apparition de l’Education aux Médias et à l’Information dans les programmes du Collège 2015 suscite de nombreuses questions de la part de mes collègues documentalistes ou professeurs. Mais l'EMI est plus qu'une demande institutionnelle. Elle correspond à un changement de société... 

 

L’EMI apparaît donc comme une demande institutionnelle face aux changements sociaux auxquels est confrontée l’école. Les programmes de Cycle 4 présentent ainsi l’EMI : "L’éducation aux médias et à l’information (EMI) ne s’ajoute pas aux disciplines, mais se trouve en interdépendance avec elles: l’EMI irrigue tous les champs du savoir. Cependant, elle met en œuvre des compétences et connaissances spécifiques selon les domaines du socle.

En fin de cycle 4, l’enseignement des médias et de l’information dispensé au collège assure à chaque élève :  

1. une connaissance critique de l’environnement informationnel et documentaire du XXIe siècle.

2. une maîtrise progressive de sa démarche d’information, de documentation 

3. un accès à un usage sûr, légal et éthique des possibilités de publication et de diffusion".

 

EMI et EMC

 

Il me semble que cette définition de l’EMI en interdépendance par rapport aux disciplines est un volet intéressant, qui répond aux objectifs de L’UNESCO sur l’Education aux Médias (1).

L’éducation à l’information et l’éducation aux médias sont souvent considérés comme deux activités différentes. L’UNESCO les présente comme un ensemble de compétences (savoirs, capacités et attitudes) nécessaires à la vie et au travail de notre époque. L'EMI prend en compte  toutes les formes de médias et les autres moyens d’accès à l’information comme les bibliothèques, les archives, les musées et l’Internet et  peu importent les technologies utilisées.

 

Il me semble également que les enjeux de l’EMI s’articulent de pair avec l’Enseignement Moral et Civique. Loin de l'imposition de dogmes ou de modèles de comportements, l'enseignement moral et civique (2) vise à l'acquisition d'une culture morale et civique et d'un esprit critique permettant aux élèves de devenir progressivement conscients de leurs responsabilités dans leur vie personnelle et sociale. Cet enseignement articule des valeurs, des savoirs et des pratiques.

 

EMI et génération Z

 

Plus qu’une simple demande institutionnelle, l’EMI est une réponse aux bouleversements sociétaux auxquels sont confrontés nos élèves. Nous sommes en classe devant des petits « mutants «  de la  Génération Z. Selon la présentation du cabinet Sparks & Honey (3), La Génération Z (née depuis 1995 jusqu’à nos jours) possède des codes nouveaux qui ne s’inscrivent plus dans les générations présentes y compris la génération Millenium (Années 2000) qui ont été les premiers « Digital Immigrants ». Dans cette présentation, les différences sont mises en relief :

 

Nous avons affaire à des jeunes hyper connectés, baignant dans le savoir et l’éducation par les nouveaux médias, qui utilisent les médias sociaux comme outils de recherche, mais qui dans le même temps ne veulent pas être pistés sur le web ou dans la vie et qui n’ont pas conscience des conséquences de certaines de leurs actions (tant au niveau du numérique que de l’intelligence sociale) Il me semble donc que c’est bien le terrain idéal pour inscrire un projet d’éducation encore une fois, non pas par les médias, mais autour des médias pour inscrire nos actions numériques dans un espace et un temps réel avec des répercussions dans notre vie quotidienne.

 

Je me suis également intéressée à l’enquête IPSOS 2015 intitulée La conquête de l’engagement (4), qui propose de dresser le portrait de jeunes de moins de 20 ans au niveau de leurs habitudes de consommation, leurs loisirs et leur fréquentation des médias. Il s’agit bien évidemment d’une étude marketing commandée par Bayard, Disney et le groupe Hachette pour soutenir des stratégies marketing au niveau des jeunes et de la publicité. Cela n’en est pas moins intéressant pour donner des pistes pour comprendre nos propres élèves.

 

Ainsi, nous avons affaire à une génération hyper connectée qui possèdent de nombreux écrans (Télé, ordinateurs, tablettes et smartphones personnels) On constate d’ailleurs qu’avant 12 ans, les enfants ont tendance à être protégés et à garder un certain regard naïf sur le monde, ils veulent jouer aux jeux vidéos, faire du sport, discuter avec leurs amis directement…

 

L'EMI et les petites poucettes

 

Michel Serres (5) parle de ces Petites Poucettes qui vivent « maintenant » c’est-à-dire avec le monde entier dans leurs mains, ce qui correspond à selon lui à un véritable changement de civilisation. Les 4 millions d’adolescents petits poucets et petites poucettes de la génération Z ont littéralement le monde dans leurs mains.

 

Le fait de prendre en compte réellement les publics qui sont en face de nous et de leur donner les « outils » pour gérer leurs nouveaux « pouvoirs », c’est leur témoigner un véritable respect en tant qu’individu que de leur faire confiance par rapport à leur utilisation du numérique et leur donner les clefs (ou plutôt les plugs, les connections) pour évoluer avec respect et intégrité dans la cyber sphère.

 

L’Education aux Médias s’intègre dans une démarche de société beaucoup plus importante qu’une simple mode institutionnelle. Il convient de passer du « soupçon numérique » à la fondation d’un nouveau temps de confiance, car nous saurons que les jeunes ont été formés et qu’ils seront capables de gérer leur nouveaux « superpouvoirs »

 

Marjorie Decriem

Professeur documentaliste au Lycée International de Los Angeles.

Site professionnel : http://csidoc.e-monsite.com/

Twitter @csidocus

 

Notes

1 UNESCO L’éducation aux médias et à l’information http://www.unesco.org/new/fr/communication-and-information/media-development/media-literacy/mil-as-composite-concept/

2 Ministère de l’Education Nationale France. L’Education civique et morale.http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=90158  

3 Sparks and Honey Meet Generation Z: Forget Everything You Learned About Millennials http://fr.slideshare.net/sparksandhoney/generation-z-final-june-17?ref=http://csidoc.e-monsite.com/blog/2/

4 IPSOS France Junior Connect : la conquête de l'engagement  http://www.slideshare.net/IpsosFrance/junior-connect-la-conqute-de-lengagement

5 Serres, Michel. Petite Poucette. Edition le Pommier. 2012 . ISBN: 978-2746506053

 

 

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 14 octobre 2015.

Commentaires

  • Florian Reynaud, le 14/10/2015 à 09:39
    Bonjour,

    Je comprends bien que la ligne éditoriale on ne peut plus subjective du Café pédagogique au sujet des professeurs documentalistes, refuse à ces auteurs de proposer des points de vue contradictoires, et en particulier, juste après le Congrès de la FADBEN (http://congres2015.fadben.asso.fr/), de dire un mot des contenus de ce Congrès et des réflexions des chercheurs et collègues sur le terrain. Cet effort pourtant permettrait sans doute de dépasser des poncifs qu'on aurait pu penser derrière nous depuis 5 ou 10 ans, autour des générations X,Y,Z et autres digital natives, que l'on retrouve abusivement dans cet article (sans doute pour rassurer les collègues d'autres disciplines, avec la DGESCO, qui vont devoir se coltiner l'EMI sans obligation et sans compétences).

    Un peu de sérieux, cela ne ferait pas de mal ! Au-delà de défendre une ligne officielle, institutionnelle, qui remet en question l'intervention des professeurs documentalistes devant les groupes-classes, sans inégalités, pour leur transmettre des savoirs en information-documentation (ou EMI si on n'assume pas), il serait bon que ce site, et ces auteurs, s'intéressent un minimum aux réflexions des chercheurs en SIC, afin qu'on n'en reste pas à une conception populiste de l'éducation aux médias et à l'information.

    Je vous invite donc à prendre progressivement connaissance des publications qui seront issus du Congrès 2015, afin de ne pas rester dans l'obscurité.

    Bon courage, l'ouverture demande de vrais efforts !

    Florian Reynaud
    professeur documentaliste
    • fjarraud, le 14/10/2015 à 16:01
      Bonjour
      Pouvez vous nous rappeler a quel moment nous avons "refuse à ces auteurs de proposer des points de vue " ???
      Vous nous avez envoyé un article ?
      • Florian Reynaud, le 14/10/2015 à 17:47
        Merci de ne pas changer le sens de mon propos dans votre réponse. J'ai bien précisé que la ligne éditoriale du Café, la ligne choisie, refusait la présentation de points de vue contradictoires. D'où viendrais-je proposer un article pour ce blog ? Il s'agit bien pour moi de supposer qu'un blog qui se voudrait de référence pour le monde scolaire, pourrait faire un minimum d'effort d'objectivité et de sérieux pour traiter ces sujets. Et si certains rédacteurs n'avaient pas quitté votre équipe, ou si vous ne souffriez pas à tout va d'un problème de crédibilité, tout au moins dans le secteur éducatif qui nous intéresse là, mes propos auraient sans doute moins de poids.

        Entendre que l'acceptation des points de vue repose sur la proposition d'articles par les contradicteurs, et non pas par un effort de croisement des sources et points de vue par l'équipe même de rédaction, voilà qui est pour le moins surprenant.
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