Eveline Charmeux : Une démarche d’enseignement de la lecture 

Devant la floraison actuelle d’innovations diverses, en matière de pédagogie, principalement celle de la lecture, il semble nécessaire de rappeler quelques données de base, et remettre quelques points sur les « i ».  Même si l’on est convaincu que l’école doit s’améliorer, devenir plus juste et permettre à tous d’acquérir les savoirs indispensables à la vie d’un adulte libre, il est clair que cela ne signifie nullement inventer de nouvelles méthodes issues d’idées personnelles. Et si l’on prétend leur conférer une aura scientifique sous prétexte qu’elles s’appuient sur une science, ceci n’a aucune valeur si cette science est seule convoquée, qu’elle soit « neuro » ou « socio ».

 

Enseigner la lecture implique de suivre une démarche qui tienne compte de toutes les données scientifiques concernant à la fois la psychologie de l’enfant, les conditions qui permettent d’apprendre, et la linguistique, indispensable pour comprendre le fonctionnement spécifique de la langue utilisée dans les écrits.

 

De l'EPS à l'enseignement du français...

 

Je souhaite ici me servir d’un exemple concret  (1), vécu personnellement, qui fait apparaître ce qu’est un travail de recherche en pédagogie : comment on bâtit une démarche à partir de réflexions transdisciplinaires, à travers un aller-retour permanent de la classe à la théorie.

 

A l’École Normale d’Instituteurs de Toulouse, s’était constituée, dans les années 70-80, à la suite d’un événement douloureux, un conflit grave avec un collègue qui faillit bien me faire muter (avec lui). Le groupe des collègues qui m’avait soutenue dans ce conflit, se constitua en équipe de travail, une équipe très « pluri » : de toutes disciplines et de tout statuts, profs d’EN, IEN, conseillers pédagogiques. Le noyau dur en était l’équipe départementale EPS, constituée de collègues passionnés, qui souhaitaient partager avec nous les cours et conférences auxquelles ils assistaient à la Fac, et à qui j’apportais le travail mené à l’INRP auquel je participais

 

C’est cette réflexion pluri-et transdiciplinaire qui nous a fait avancer tous et qui, à titre personnel, m’a apporté le plus sur mon métier de prof de français, tant il est vrai que c’est souvent en sortant de son domaine pointu que l’on peut commencer à voir le paysage avec davantage de netteté : le nez dans le guidon est toujours un très mauvais observatoire, pour voir clair.

 

Paradoxalement, c’est un travail en EPS sur la natation qui nous a ouvert les yeux sur l’apprentissage de la lecture, et fait comprendre pourquoi une méthode de lecture, dite syllabique ou globale, (la différence est minime) est impuissante à l’enseigner .

 

Mes collègues EPS s’appuyaient sur un film de Raymond Catteau, que j’ai découvert avec étonnement et admiration, où il analyse les pratiques de ce domaine d’apprentissage. On y découvrait toutes les raisons pour lesquelles faire faire les mouvements de la brasse, hors de l’eau, sur un tabouret, ou une potence, n’apporte strictement rien à la maîtrise de la natation, au contraire :

•          Cette pratique s’appuie sur une mauvaise définition de la natation, qui prétend que nager serait être capable de faire les mouvements de la brasse dans l’eau,

•          Et le raisonnement qui s’ensuit n’a en fait qu’une apparence de logique : l’eau étant ce qui est le plus difficile à avaler, (sans jeu de mots), la démarche évidente consisterait à commencer par les mouvements hors de l’eau (plus facile) et n’aborder l’eau qu’ensuite, avec des mouvements bien coordonnés.

 

Suivait alors une explicitation qui mettait en lumière le caractère aberrant de ce raisonnement et les erreurs de la définition. Bien avant la coordination des mouvements, nager exige que l’on ait résolu un certain nombre de problèmes, tous posés par le milieu aquatique, différent en tout point du milieu terrien, auquel nous sommes habitués. Dans l’eau, ni la  respiration, ni l’équilibre ni la propulsion ne fonctionnent de la même manière que sur terre.

 

La relation avec d’autres domaines d’enseignement, en particulier celui de la lecture devenait  évidente : si les problèmes à résoudre viennent de la différence de milieu, une démarche d’apprentissage qui oublie que savoir lire, c’est aussi être entré dans un autre mode de communication, un véritable autre « monde », et qui n’intègre pas cette différence ne peut être qu’inefficace, voire nuisible.

 

De plus, Raymond Catteau insistait sur la nécessité de s’appuyer sur des « savoirs-déjà-là » des enfants, pour les faire évoluer dans des directions plus économiques et plus « rentables » : la fameuse « nage du petit chien », que tous les enfants du monde inventent dès qu’ils sont dans l’eau, est de beaucoup plus proche du crawl, la nage libre, que de la brasse. L’enseignement avait donc intérêt à différer l’apprentissage de celle-ci, pour l’aborder plus tard, en même temps que les autres formes de nage, intéressantes toutes, mais étrangères au mouvement spontané des apprenants.

 

Ce sont les écrits qui ouvrent la porte de l'écrit..

 

Or, mon expérience m’avait démontré que, même à deux ans, les petits ont de l’écrit des représentations, parfois erronées, mais solides, que l’on ne pouvait ignorer (même si c’est ce qu’on fait avec une méthode toute faite) ; en particulier, les enfants ont spontanément une attitude de lecteur et ont une connaissance intuitive de l’utilité de l’écrit. Tous ceux qui ont des enfants ont vécu une scène comme celle que j’évoque, le jour où en ouvrant la boîte contenant la machine à café offerte à leur maman pour son anniversaire, mes deux arrières-petits fils (2 et 3 ans) se sont emparés de la notice en déclarant, péremptoire : « Ça, c’est pour savoir comment on la fait marcher ! ».

 

Il est là, le commencement de l’apprentissage de la lecture : j’en ai eu la conviction absolue.  Ce sont les écrits, et leur fonction sociale qui ouvrent la porte du monde de l’écrit ; ce ne sont pas les lettres et les sons. L’étude de ceux-ci, évidemment nécessaire à une compréhension approfondie de la langue écrite, viendra en son temps, lorsque la découverte de ce nouveau monde sera effectuée et que les enfants y seront entrés.

 

La démarche de remise en question des pratiques habituelles se révélait de plus en plus claire : il fallait commencer par modifier et préciser la définition de l’acte de lire, ce qui se fait rarement dans les débats sur son enseignement.

 

Loin de se limiter à un assemblage de lettres, pour former des syllabes puis des mots, lire peut être analysé, à l’instar de la natation, comme une activité complexe de résolution de problèmes liés aux différences de situations de communication que sont l’oral et l’écrit :

•          des problèmes de perception : les signes de l’oral sont perçus par les oreilles, les signes de l’écrit, par les yeux ;

•          des problèmes de dimension : l’oral se déroule dans le temps, l’écrit, dans l’espace ;

•          des problèmes de contenus langagier : ni les mots, ni leur fonctionnement, ne proposent les mêmes indices signifiants : les indices de nombre ou de genre pour les noms, de temps ou de personne pour les verbes ne sont plus au même endroit à l’oral et à l’écrit ;

•          des problèmes enfin d’organisation des messages, généralement construits sur un ordre chronologique à l’oral, et sur un ordre logique à l’écrit…

 

Travaillons dans l'eau...

 

On voit bien comment une analyse comparée de deux enseignements différents, mis en relation avec les données scientifiques, la linguistique, la psychologie etc. a permis d’ouvrir une porte sur la remise en question des pratiques usuelles. Plus qu’une affaire de méthode, il s’agissait d’une affaire de contenus, d’ordre de leur approche et de nature de ces contenus. Il fallait commencer par le vécu des situations de lecture : une situation d’apprentissage qui ne contient pas tous les paramètres de l’activité ne peut pas être une situation efficace : l’absence d’un élément capital, dans une telle situation empêche les autres de fonctionner : sans l’eau, ce qui est acquis sur le tabouret devient inutile et même gênant, dès qu’on s’y trouve ensuite. Pour la lecture,  travailler « hors situation » vide la lecture de tout sens. Isolée des projets de lecture, l’étude du « code » empêche les enfants de comprendre ce qu’ils apprennent.

 

Donc, il faut travailler « dans l’eau » tout de suite, c’est-à-dire, vivre des situations de lecture d’écrits réels, appartenant à l’environnement des enfants, dont la compréhension est nécessaire dans la vie..

 

D’autre part, cette définition plus précise de la lecture a mis au jour des points à travailler qui ne le sont jamais dans les pratiques habituelles, et qui se sont révélés essentiels, même dès les premiers apprentissages. Comme ce qui fut découvert dans le CP de Jeanne, une des institutrices de mon équipe, qui avais pris pour objet d’étude, des affiches municipales sur la propreté en ville, que les enfants avaient remarquées. 

 

Je précise que les découvertes le furent aussi pour moi, prouvant une fois de plus que  c’est bien la classe qui fait avancer la Recherche, laquelle à son tour fait avancer le travail scolaire.

Fleurirent un jour sur, les murs de la ville plusieurs affiches, dont la première était celle-ci :

 

 

 

Les enfants, invités à explorer cette affiche à la recherche de ce qu’elle pouvait vouloir dire, pensèrent d’abord à une histoire de sorcières, à cause du balai, et comme ils avaient reconnu le mot « Toulouse », ainsi que le dessin du Capitole, ils supposèrent, bien avant Harry Potter, que des sorcières étaient à Toulouse. Comme ils ne pouvaient lire les mots écrits en gros, Jeanne les leur donna : « balayons nos habitudes ».

 

Question : « Qu’est-ce que ça veut dire ? »

Réponse, quasi unanime : « Ça veut dire qu’il faut avoir l’habitude de balayer ».

 

Et voilà confirmée ce que nous avaient expliqué plus d’un spécialiste des représentations que les enfants ont de la langue écrite, à savoir que l’ordre des mots — pas plus que l’ordre des lettres — ne peut paraître importants à un enfant qui ne sait pas lire. Ce qui est tout à fait normal si l’on songe que dans l’univers des objets qui constituent l’univers de ceux qui n’ont pas accès à l’écrit, l’ordre de ces objets n’a aucune influence sur leur nature. Que le couteau soit à droite ou à gauche de la cuiller, cela fait peut–être tiquer les puriste, mais ne change rien à la nature du couteau ou de la cuiller. En revanche, si la lettre « s », est à droite ou à gauche de la lettre « a », cela change tout, la prononciation et le sens.

 

Il en est de même pour l’ordre des mots, on le voit ici.

 

Or, dans les pratiques courantes, l’ordre des mots est, comme celui des lettres, présenté comme évident ; cela empêche les enfants de le découvrir, puisque ce n’est pas mis en relation avec leur représentation à eux.

 

La conviction s’est alors imposée à Jeanne comme à moi, de la nécessité de travailler très tôt sur cet étrange particularité des choses de l’écriture, largement aussi essentielle que la notion des syllabes…

 

Une autre découverte fut apportée quelques jours plus tard, avec deux nouvelles  affiches :

 

 

 

l’observation des deux affiches, l’une par rapport à l’autre, aboutit au constat suivent : « y’en a une où c’est propre, et puis y’en a une autre où c’est sale ». Cela paraissait bien suffisant à l’ensemble de la classe. Jeanne les invita alors à observer de plus près ce qui était écrit. Constat étonné : « Ben ! C’est drôle : c’est écrit pareil ! »

 

Confirmation ici que l’on est d’abord sensible, petits comme grands, à ce qui est semblable : l’interprétation première est souvent l’amalgame… Quelqu’un a pu dire du reste qu’apprendre, c’est souvent apprendre à voir des différences, là où l’on n’en voyait pas avant !

« Effectivement, beaucoup de choses sont les mêmes, admit Jeanne, mais il me semble qu’il y a aussi des différences : regardez bien ». Ce qui fut reconnu alors, c’est… le point d’exclamation de la seconde affiche, accompagnée du commentaire suivant : « y’a un point d’exclamation, ça veut dire qu’on crie. Et c’est pas étonnant : on crie toujours quand c’est sale ! ».

 

Tout en reconnaissant le bien fondé de cette remarque, Jeanne poursuivit néanmoins sa demande d’enquête : « regardez bien, vous êtes sûrs que tous les mots sont pareils sur les deux affiches ? »

 

Il fallut du temps pour que soit remarqué le petit mot « du » sur la seconde affiche…

 

On entendit alors un petit bouchon récapituler son étonnante découverte : « Bon, quand c’est propre, on dit « C’est propre », et quand c’est sale, on dit « c’est du propre… Mais alors, le petit mot est encore plus important que les grands à côté ? ».

 

Le va et vient entre terrain et recherche...

 

Il avait découvert ce que les auteurs de manuels n’ont toujours pas compris, à savoir qu’apprendre à comprendre exige beaucoup plus de travail que ce qu’on croit. Les phrases niaises, prétendument « faciles » pour les enfants parce qu’elles ne contiennent ni marques orthographiques ni « petits » mots, sont, en fait, des mines de difficultés ultérieures, car elles trompent les enfants sur les vraies difficultés de la langue des écrits : « faire du feu » n’est pas la même chose que « faire feu », et « un mariage en blanc » n’est pas forcément « un mariage blanc ».  On est loin de l’hypothèse selon laquelle, le déchiffrage des mots, syllabes après syllabes, suffirait pour comprendre un texte.

 

Le « va et vient » constant entre le travail sur le terrain et les données des recherches fondamentales, est ici bien visible. C’est le terrain qui nourrit la théorie, et non un travail de laboratoire. C’est même la spécificité de la Recherche en pédagogie.

 

La légitimité d’une hypothèse d’action pédagogique ne peut provenir que d’un travail de ce type :  avant d’être érigée en  proposition de travail, elle doit faire l’objet d’une construction permanente, longuement reprise et remaniée, allant de l’analyse de ce qui se passe en classe, à la confrontation avec les données scientifiques, et au réajustement constant des hypothèses d’action.

 

Ces données semblent un peu oubliées aujourd’hui : la rigueur, le « doute méthodique » ne sont guère de mode ; on vit sous le règne de l’à peu près, de l’innovation pour changer, des « trouvailles » de n’importe qui, proposées de préférence par des non-spécialistes :  un spécialiste, de nos jours, il vaut mieux s’en méfier…

Pour moi, c’est, de loin, ce qui fait le plus peur pour l’avenir. 

 

Eveline Charmeux

Note :

1 Ces exemples, je les ai analysés dans « une vie d’École : rêves et révoltes d’une pédagogue » (Ed az’art atelier, Toulouse 2015)

 

Dans le Café pédagogique :

Déchiffrer n'est pas lire

Voir aussi : apprentissage de la lecture et enseignement explicite

 

 

Par fjarraud , le mercredi 09 septembre 2015.

Commentaires

  • jackd, le 09/09/2015 à 13:50
    Oui à la vision relative à la natation ; l'histoire des mouvements à plat ventre sur le tabouret, je l'ai vécue personnellement.

    Oui également à l'alerte relative aux méthodes "personnelles" qui ne valent pas tripette.

    En revanche, force est de constater qu'Éveline Charmeux reste dans son passé, en n'accueillant pas les apports des neurosciences et en restant bloquée sur une approche sociale de l'apprentissage de la lecture, qui a fait que la France en est là où les résultats des comparaisons internationales nous situent, soit le pays du renforcement des inégalités alors que nous sommes celui des Droits de l'Homme...

    Enfin, à placer "syllabique" (ce terme, recouvrant deux approches opposées, n'est utilisé que par les détracteurs des méthodes alphabétiques) et "global" dans le même sac, elle participe à la confusion qui empêche l'éclairage sur les méthodes et leurs résultats, empêchant les enfants de milieux défavorisés de prendre leur place.

    Coupable.
    • flam07, le 09/09/2015 à 23:37
      Votre commentaire est d'une pauvreté...Lié à une méconnaissance totale du travail d'Eveline Charmeux.
      Tout comme un méconnaissance absolue des neurosciences. La tentative de Stanilas Dehaene est fausse.
      Depuis 2 ans  de nombreux scientifiques démontrent tout le contraire : 1- le cerveau est plastique donc personne n'a le même cerveau 2-C'est l’expérience qui façon notre cerveau et non l'inverse !
      Voilà pourquoi ceux qui ont la mémoire la plus développée au monde sont les chauffeurs de taxi anglais. Ils n'ont pas une mémoire plus développée au départ, elle s'est façonnée par l'expérience ! La plasticité du cerveau !

      C'est d'ailleurs tout le travail d'Eveline Charmeux, le contact avec des de vrais livres, de vraies situations, de vrais textes pour façonner le cerveau de l'apprenti lecteur. 
      EN QUOI lire serait produire un son ?

      Pour les enfants défavorisés, c'est au contraire dans de vrais livres en leur donnant de la vraies lectures de la vraie culture qu'on les aide le plus. (Lutter contre cette violence symbolique si chère à Bourdieu)

      Je donne enfin un exemple, je pensais la méthode des alphas extra car les élèves adorent jouer avec les lettres OR Eveline Charmeux dans l'un de ses livres m'a ouvert l'esprit.  Le problème de monsieur et Madame u, ou madame d, c'est quelque soit le sens où on les place, ils  restent monsieur  a , madame u ou madame d dans la tête de l'enfant alors que l'on sait très qu'un u  à l'envers devient un n et un d peut devenir un p...
      Le passé c'est aussi écouter les personnes expérimentées qui ont vécu et réfléchi déjà sur des choses et qui aujourd'hui nous invitent à ne pas reproduire des erreurs graves pour les élèves ou leurs propres erreurs auxquelles ils ont été déjà confrontés !
      Ce ton de "je me place au-dessus car je connais déjà tout", c'est surtout lui qui ne fait pas avancer les choses !
      Flam
      • delacour, le 06/08/2017 à 18:58

        Le cours préparatoire ne devrait pas commencer par une mission impossible : apprendre à lire. Tout le monde est d'accord, même les neuroscientifiques, à 6 ans, on ne peut pas lire, à 30 ans ou plus non plus si on est illettré !

        Tout un panel de possibilités s'offre alors au pédagogue, conduisant trop souvent à une méthode d'apprentissage de la lecture. Cela va de faire lire les lettres à jeter les lecteurs dans le bain d'écrit.

        Or, pour l'avoir expérimenté avec succès, comme de nombreux autres collègues, commencer par apprendre à coder l'oral en écrit ouvre la porte à la lecture. Je ne dis pas écrire, l'enfant n'est pas plus capable d'écrire (même s'il graphies bien toutes les lettres)  que de lire. Je dis fournir le code orthographique à l'élève pour qu'il apprenne à coder les mots qu'il connaît par écrit. C'est ce qui s'est passé sur une longue période lorsque l'homme est passé insensiblement de l'idéographie à une représentation écrite du mode sonore.

        Quelqu'un aurait des arguments recevables pour contester que le codage (quel qu'il soit) donne naissance à l'écrit et invite, en sa mémoire, à lire ce qu'on a écrit ? Si je code le prononcé /oiseau/ avec "oiseau", alors et alors seulement je peux lire oiseau. Même si, comme le fait remarquer Saussure, aucune des lettres de ce mot ne se décode comme enseigné.

        Et cela tous les pédagogues progressistes l'ont respecté de manière plus ou moins radicale : ils n'ont jamais commencé par faire lire un texte. Montessori a vu des enfants s'emparer du code phonologique italien quasi régulier pour écrire. Et pas pour lire puisqu'ils s'étonnaient que quelqu'un puisse relire ce qu'ils avaient écrit.

        http://meirieu.com/PATRIMOINE/montessoridelacour.pdf

        La lecture, dans cette approche, est donc l'étape qui succède à l'écriture, c'est vrai historiquement, c'est vrai également en apprentissage.

        Il serait donc dommage que tous les défenseurs de l'accès à la lecture oublient cette étape indispensable à l'acte de lire. Si je codais /oiseau/ avec "ozo", alors je saurais lire ozo (le "o" de noyau au début...).

        Quant aux méthodes de lecture, elles sont toutes assorties de spéculations : on peut découvrir le sens d'un mot et dire auto en voyant voiture, on peut décoder plus facilement que d'écrire (issu d'une mauvaise lecture de Catach), les lettres se décodent régulièrement dans 85% des cas, le sens prime l'écrit, etc.

        Pour ce qui est d'un retour à la lecture idéographique, merci. Pour ce qui est du décodage, essayez donc de décoder "en" dans ces mots :

        xxxxen, xenxxx, xenxx, xenxxxx, xxxxenx, xxenxxxx,
        en réalité, si vous réussissez vous lisez des mots que vous connaissez, vous ne les décodez pas. C'est parce que vous savez lire que "en" est décodable, pas l'inverse ! Sinon il vous est bien impossible d'attribuer un des six décodages possibles de façon certaine ! (examen, mentir, mener, benzène, content, viennent).

        Et essayez d'indiquer le nombre de graphèmes dans ce mot :

         xxxxxxxxx

        Impossible de regrouper les "lettres" en 4 graphèmes si on n'a pas écrit longtemps ou si on ne sait pas lire ce mot !

        Le débutant qui code part  du connu : le sens du mot qu'il doit écrire, sa phonologie personnelle (la prononciation effective de l'élève), sa capacité à en représenter les phonèmes par des graphies orthographiques, qu'on lui fournit au besoin. Il voit naître le mot : en mémoire des codages, il pourra le lire puis le reconnaître.

        Je n'ai pas encore proclamé détenir la clé du succès de tous, mais j'en suis persuadé, longue expérience à l'appui. Je souhaite que des expérimentations soient mises en place depuis 45 ans…

        Maintenant chacun peut choisir, l'essentiel c'est de parvenir à faire lire tous les élèves de la classe. Et ce n'est pas une utopie.

        Voir le site.

         http://apprendre-a-lire.pagesperso-orange.fr/

        Vous y trouverez tous les outils pour débuter…à apprendre à écrire ! Un apprentissage procédural, comme la marche ou la natation.

  • delacour, le 10/09/2015 à 09:01


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