N Vallaud-Belkacem va-t-elle perdre un de ses principaux appuis dans la réforme du collège ? En première ligne pour l'application de la réforme, les personnels de direction Unsa, syndiqués dans le Snpden, menacent de changer de camp. Ils estiment que la réforme ne leur donne pas l'autonomie promise. Ils ne s'y retrouvent pas dans la rédaction finale de la circulaire d'application.
"La conférence nationale qui réunira le nouvel exécutif national et les secrétaires académiques le 9 septembre prochain devra décider si, dans ces nouvelles conditions, la principale organisation de personnels de direction continue d'apporter ou non son appui à cette réforme". Dans un communiqué publié le 6 juillet, le Snpden Unsa, syndicat ultra majoritaire des personnels de direction, menace le ministère de basculer dans le camp, déjà bien garni, des adversaires de la réforme.
Ce qui contrarie le Snpden ce sont les restrictions apportées par la circulaire d'application de la réforme au texte du décret. Alors que celui-ci accorde une large autonomie aux établissements, facilitant ainsi la gestion des chefs d'établissement, le Snpden déplore le fait que la circulaire vienne encadrer cette autonomie sur certains points.
Une question de principes
Le Snpden regrette que " la circulaire dicte (au conseil d'administration) ce qu’ils doivent décider en indiquant que « les groupes à effectifs réduits ont vocation à être constitués en priorité pour les sciences expérimentales, la technologie, les langues vivantes étrangères, les langues régionales et l’enseignement moral et civique »."
Pire, semble-t-il, " la circulaire se mêle de fixer comment les élèves doivent être repartis dans
les classes selon tel ou tel enseignement", en contradiction d'après le Snpden avec l'article R421-2 du Code de l'Education.
En effet la circulaire apporte à deux reprises des restrictions sur ce point. Elle précise que "les élèves qui bénéficient d'un enseignement de complément doivent être répartis dans plusieurs classes, afin d'éviter la constitution de filières sur la base de ce choix". Ces enseignements concernent les langues anciennes et les langues régionales. Pour les langues vivantes, la circulaire précise que "les élèves doivent être répartis sur plusieurs classes pour éviter toute constitution de filières."
La pratique de la ségrégation dans l'établissement
Ces restrictions ne sont pas là par hasard. Elles renvoient à une pratique courante, celle des filières différenciées socialement dans les établissements. Le chercheur Son Thierry Li les a décrites dans un entretien donné au Café pédagogique. " Les proviseurs entrent dans des comportements ségrégatifs pour entretenir la compétition entre établissements... Ils utilisent les options. C'est par elles que les différences se créent. Déjà les options ne sont pas prises de manière égale par les élèves des différentes classes sociales. Les plus aisés prennent plus souvent le latin ou l'allemand par exemple. Il y a aussi le fait que les chefs d'établissement répartissent les élèves de manière inégale entre les classes. Il y a des lycées qui font des classes de niveau parfois en pensant que les bons élèves s'en tireront mieux s'ils sont entre eux". Ainsi d'après son étude réalisée pour le Conseil régional d'Ile de France, on compte 51% d'enfants de milieu privilégié dans les classes de latin en 5ème, 54% en allemand.
Le récent colloque du Cnesco a précise ces pratiques ainsi que celle des classes de niveau qui concerneraient un établissement sur deux. Le colloque a aussi mis en évidence les retombées sociales de ces pratiques. Le sentiment de ségrégation et d'injustice ressenti par les élèves se renforce. En même temps ces classes spéciale se justifient aux yeux des directions par la nécessité de faire face à la concurrence des autres établissements et de grader un certaine mixité sociale. Dans les établissements à recrutement populaire, les classes à profil permettent d'éviter la fuite des enfants des milieux favorisés.
C'ets donc bien une question de principe qui est posée. Elle est reformulée par le Snpden qui en fait une question de gouvernance. " Une simple circulaire n’est pas en droit de contraindre les délibérations des conseils d'administration des EPLE : il ne s’agit pas que d’un point juridique mais de la question centrale de gouvernance du système éducatif, du rapport du ministère avec ses établissements et de la méthode de conduite du changement dans l’Education nationale. C’est pourquoi le maintien de ces passages litigieux, en toute connaissance de cause, est inacceptable pour le SNPDEN".
Le ministère veut-il réellement lutter contre la ségrégation scolaire ? Le ministère et le syndicat ont tout l'été pour concilier leurs principes et trouver les aménagements nécessaires...
François Jarraud
Communiqué Snpden
La circulaire d'application
Comment la ségrégation se construit dans les établissements
Pour une école de la fraternité : le DOSSIER
Mixité sociale ; le colloque du Cnesco