Laïcité : Une étude met en évidence une "cristallisation des tensions" dans certains lycées depuis janvier 

'Les événements de janvier 2015 ont cristallisé des tensions importantes avec des conséquences sur le climat scolaire et les résultats des élèves". Parlant devant l'Observatoire de la mixité sociale de la région Ile-de-France le 29 juin, Benjamin Moignard rend compte d'une étude encore en cours. Son témoignage est un des apports d'une riche journée consacrée à la laïcité où se sont croisés chercheurs, élus locaux, responsables du ministère, enseignants et lycéens. Au coeur du débat, la laïcité , un concept qui revient au coeur de la vie des lycées.

 

 Rarement on a vu un éventail d'opinion aussi variées, pour ne pas dire opposées. Et c'est sans doute ce brassage que cherche Henriette Zoughebi, vice présidente du Conseil régional d'Ile-de-France, en organisant les tables rondes de l'Observatoire de la mixité sociale de la région Ile-de-France. Depuis qu'elle l'a créé, l'Observatoire est un lieu où se rencontrent chercheurs, élus et acteurs du système éducatif autour des vrais enjeux du système éducatif. Le 29 juin, ils sont gâtés car le thème de la laïcité, récupéré par l'extrême droite, est devenu un enjeu politique et social.

 

Ne pas fermer sa porte

 

 Dans une courte intervention, Jacqueline Costa Lascoux revient sur l'histoire de la laïcité en France en défendant l'idée qu'il n' y a pas de laïcité "à la française" ou "ouverte" mais une seule laïcité sans adjectif qu'il suffit d'appliquer. Mais trois maires franciliens vont au moins démontrer que l'application prête à interprétations. Ainsi Michèle Berthy, maire de Montmorency (95) refuse l'idée de communautés et promet que dans sa commune, plutôt favorisée, le melting pot se fait tout seul sur les terrains de foot. Sylvine Thomassin, maire de Bondy (93) raconte comment sa charge de maire a fait évoluer sa conception de la laïcité. "Les jeunes filles voilées ont longtemps fait bondir la féministe que je suis mais je ne veux pas leur fermer ma porte". Pour elle, "la ségrégation est au coeur du problème... Les valeurs républicaines ne peuvent pas s'établir dans le déni des libertés individuelles et des cultures familiales".

 

"on ne les traite plus pour ce qu'ils sont mais pour ce que l'on a peur qu'ils soient"

 

 Mais c'est Benjamin Moignard qui marque l'assistance par les premiers résultats d'une enquête menée dans 11 lycées de banlieue franciliens. La laïcité n'était pas prévue dans cette recherche portant sur le décrochage mais elle s'est invitée d'elle même. "Les événements de janvier ont cristallisé des tensions importantes dans les établissements" explique -t-il. Il en donne des exemples à travers des témoignages enregistrés dans l'étude.

 

"On n'arrive plus à discuter, c'est terrible", explique un professeur. "On a l'impression de ne plus être sur la même longueur d'onde avec les élèves.. C'est comme si quelque chose s'est cassé... Le thème de la laïcité est devenu hyper dur à traiter. On n'a plus de prise sur ça. On n'arrive plus à faire passer cette idée aux élèves... Ils disent qu'on ne les traite plus pour ce qu'ils sont mais pour ce que l'on a peur qu'ils soient".  

 

Des élèves confirment. Ainsi Lydia , en 1ère STMG. "Les profs, avec eux je ne parle plus de ça. Tout s'est bloqué depuis les attentats... Ils nous disent liberté d'expression et tout ça mais il faut penser comme eux !... Maintenant on cache ce qu'on pense  en vrai, on dit plus le vrai en fait".

 

Dans ces établissements le climat scolaire a accusé une chute importante. Les élèves sont 14% de moins en une année à trouver "bonnes" les relations avec les enseignants.

 

Même si l'échantillon de lycées n'est pas représentatif, et si certains lycées s'en sortent mieux, Benjamin Moignard estime que ce qui se passe est grave. "Construire une école de la laïcité ne peut pas se faire sans une école bienveillante", estime-t-il. "C'est un enjeu fort de l'amélioration du climat scolaire".

 

Etendre la loi sur le voile ?

 

Mais qu'en disent les enseignants et représentants de l'Education nationale sur place ? F. Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire, demande comment respecter la libre expression des lycéens et les règles de l'école comme refuser le caractère ostentatoire du religieux. Elle reconnait que "tout ceci se heurte aux conditions sociales d'exercice de la scolarité des élèves" et que pour certains la laicité est vécue comme discriminante.

 

Les enseignants présents dans la salle interpellent pourtant l'institution.Un représentant du Snes oppose "les discours ruisselants sur les valeurs républicaines" après les attentats et la façon dont des enseignants et des élèves ont été traités par les pouvoirs publics. Un lycéen explique que le mot "ostentatoire" est vécu comme une agression par les élèves. Une représentante des personnels de direction du Snes demande à ce que la loi considère comme ostentatoire certains habits comme les jupes longues. Le représentant de la Cgt Education, estime que ces habits tiennent de l'esprit de provocation et de  résistance des jeunes. Par contre la tonalité des discours pour les valeurs de la république l'inquiètent.

 

"Parler de choc de civilisation c'est mettre tous les musulmans dans le camp des djihadistes. C'est grave", dit H. Zoughebi en concluant l'après midi. Pour avoir une société laique il faut moins de paroles d'amour et plus d'actes". Elle dénonce derrière l'islamophobie le vieux racisme. La région accompagnera les équipes pédagogiques qui défendent la laïcité tout en luttant contre lui.

 

François Jarraud

 

P Merle : La fausse laïcité à la française

 

 

Par fjarraud , le mardi 30 juin 2015.

Commentaires

  • Michel MATEAU, le 30/06/2015 à 17:55

    On peut être entièrement d’accord avec Mme Costa-Lascoux. Il n’y a pas de laïcité de différents types, il y a ou non la laïcité et tous les sophismes n’y changent rien. La laïcité à la française c’est la laïcité qui s’applique.
    Qu'en disent les enseignants et représentants de l'Education nationale ? » Dites-vous, oui mais qu’en disent et en qu’en pensent les jeunes élèves de 15 ans. Quelqu’un leur a-t-il posé la question ? A-t-il fait une enquête à ce sujet ? A-t-il des statistiques ? Je veux dire de vraies statistiques, autres que celles portant sur un « échantillon de lycées qui n'est pas représentatif » (Quelle blague !)
    L’équation maintenant systématique : interdiction du voile = Islamophobie = racisme, reprise encore dans cet article, est intellectuellement malhonnête, elle procède d’un terrorisme intellectuel qui vise à impressionner et à faire taire. Elle fleure bon aussi les années 70 et le fait qu’elle soit utilisée pour défendre 40 ans après un cléricalisme après s’être usée à en combattre un autre ne manque pas de sel…..
    Mais surtout, elle abreuve l’extrême droite que la confusion des 3 termes arrange, qui s’approprie peu à peu la notion et qui se retrouve positionnée en défenseur de la laïcité par les héritiers (si peu) de ceux là mêmes qui l’on combattue pour construire la laïcité. Effarant.
    L’exigence est un respect et ceux qui se refusent à la première ne sont pas si respectueux qu’ils croient et voudraient le faire croire

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