La chronique de V. Soulé : Aujourd’hui, on danse au collège ! 

On n’allait pas se quitter avant les vacances sur une note chagrine – à pleurer le latin qui disparaît ou l’histoire qu’on assassine. Alors on a déniché un collège où les troisièmes organisaient un bal de sortie. Et on s’est glissé. Allez, on danse…

 

Ce vendredi 26 juin, à 14 heures, les organisatrices – 8 élèves de troisième - mettent la dernière main à la déco. L’idée est de « faire américain ». Des ballons gonflables multicolores jonchent le sol du réfectoire, plongé dans le noir, stores baissés. Sur la table du buffet, on a disposé des « red cups », du Coca, des chips et… des carambars. Des ballons ont été assemblés en forme d’arche pour se faire prendre en photo devant - toujours le style américain.

 

Robes et talons hauts

 

Ce matin, c’était la dernière épreuve du brevet. Beaucoup sont repassés à la maison pour se mettre sur leurs trente-et-un. Les filles surtout. Elles se sont maquillées et coiffées, ont sorti robes et talons hauts. On raconte qu’un garçon a débarqué en survêt au collège pour le bal. Il est aussitôt reparti se changer en voyant ses camarades arborer des chemises blanches étincelantes, voire des nœuds pap.

 

L’idée du bal de troisième est venue lorsque Jessica est passée de table en table au réfectoire, un jour de septembre 2014, pour demander aux élèves quel projet ils auraient envie de mener cette année. Les filles ont tout de suite dit : un bal. Il y en avait déjà eu un l’année précédente. Mais c’était pour les troisièmes et elles étaient en quatrième. 

 

Volontaire en résidence

 

Jessica, 25 ans, est une volontaire en service civique à l’AFEV (Association de la fondation étudiante pour la ville). Sa mission : être en résidence au collège Jean Macé de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne).  Elle y passe environ 15 heures par semaine - sur les 26 heures du service civique. C’est un nouveau dispositif de l’AFEV : placer des volontaires au sein des établissements, en faisant le pari qu’ils favoriseront un bon climat scolaire et l’ouverture vers l’extérieur.

 

En plus du bal, Jessica a mené plusieurs projets. Elle a, par exemple, lancé des ateliers numériques pour les parents, en fait surtout des mères, qui ne savent pas ou peu se servir d’ordinateurs. Elle aussi organisé un dîner pour les parents, une soirée jeux pour les familles, participé à des activités de l’espace Création…

 

Le collège Jean Macé, classé REP (la suite des ZEP), est planté entre deux cités, celle des Larris, réputée difficile, et Jean-Zay, plus calme - c’est Jessica qui donne ces précisions, elle vit à Fontenay-sous-Bois. Les locaux, spacieux, ont été récemment rénovés. A ce titre, conformément au vœu du Conseil général, il compte un Espace parents – une rareté à l’école française.

 

Incontournable Beyoncé

 

La fête est maintenant lancée. La crainte était qu’avec le ramadan, observé par une majorité d’élèves, il n’y ait pas foule. Mais le réfectoire s’est peu à peu rempli. On raconte que certains ont cassé le jeûne pour pouvoir en profiter. On dit aussi que des parents ont interdit à leurs enfants d’y aller, de crainte qu’ils craquent devant le Coca et les friandises…

 

Un groupe maison, accompagné par le prof de musique, chauffe la salle. Avec le tube « Diamonds » de Beyoncé, les collégiens, restés un peu coincés,  commencent à bouger. Pour la suite, les organisatrices ont téléchargé des morceaux. Elles se veulent éclectiques : R’n’B, hip hop, latino, rap… « On a même mis des slows », soupire Jeanne, qui a acheté une robe bustier pour l’occasion – « je n’en avais pas, il fallait bien. »

 

Les « réus » du mardi midi

 

Jeanne et Amélie, 14 ans, Yannis et Mélanie, 15 ans, n’ont raté aucune réunion du mardi midi avec Jessica. Durant une demie heure, juste après le repas, elles se retrouvaient à une petite dizaine pour préparer le bal. Il y avait trois commissions : une chargée de la com’, l’autre de la déco, la dernière du buffet.

 

« Cela peut paraître une petite chose anodine, explique Jessica, mais à 14-15 ans ça n’est pas facile simple d’organiser une fête pour potentiellement 150 personnes, les effectifs des troisièmes. Elles ont appris pas mal de choses – faire une affiche pour annoncer la fête, gérer un budget, prévoir plein de petits détails… Ca leur a donné confiance en elles.»

 

Au sein de l’établissement, le projet a été bien reçu. « Beaucoup ont contribué, poursuit Jessica, le Foyer a alloué 150 euros, des profs s’y sont intéressés, notamment celui de musique, les surveillants participent et sont là aujourd’hui pour faire l’accueil. Et les personnels de la cantine nous ont  aidés à déménager les tables. » En discutant avec les uns et les autres, Jessica a appris que dans certains pays comme le Canada, de tels bals étaient courants : « je me souviens, quand j’ai quitté le collège, je n’ai rien eu. Je trouve ça dommage. »

 

Tristes de se quitter

 

En plus des vacances et du brevet, c’est aussi la fin des années collège que les amies veulent marquer. A la rentrée, trois vont à « Pablo » - le lycée Pablo Picasso de Fontenay-sous-Bois. Jeanne, elle, ira à Montreuil, « parce que c’est mon secteur ». Rien que d’y penser devant ses copines qu’elle va quitter, les larmes lui montent aux yeux. « Allez, on ne pleure pas maintenant », disent les autres en l’entraînant vers la piste.

 

Toutes disent avoir aimé leurs années à Jean Macé. Elles ont fait des sections européennes - en anglais ou en espagnol. Peut-être faut-il voir là une nostalgie qui affleure devant une page qui se tourne. « On a grandi, dit Yannis, on n’est plus les mêmes que quand on est arrivé, il suffit de voir, on est plus  matures. »

 

Déjà elles ont leur petite idée pour l’avenir. Amélie, qui vise la mention Bien au brevet, parle de faire «quelque chose dans la médecine». Mélanie, peu sûre d’elle, inquiète de ses résultats au brevet, se voit puéricultrice. Yannis, infirmière pédiatrique. Jeanne, qui a déjà tenu des petits rôles, rêve d’être actrice : « mais on n’est jamais sûr d’y arriver, il faut assurer, faire des études. »

 

Lorsque j’ai quitté le collège, ça dansait encore. Les troisièmes de Jean Macé avaient la permission de 18 heures, tapantes.

 

Véronique Soulé

 

Les précédentes chroniques

 

 

Par fjarraud , le lundi 29 juin 2015.

Commentaires

Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces