Hebdo-Sciences : Des collégiens programment un livre jeu vidéo 

De la programmation au jeu vidéo, Mikaël Tomicki, enseignant en technologie mène un projet interdisciplinaire original avec ses élèves. Au collège du Vallon à Autun (71), le langage Basic fait son retour et les collégiens se retrouvent au cœur d’un parcours créatif encadré par des enseignants de SVT, français, arts plastiques et éducation musicale. Rencontre avec cet enseignant qui orchestre ce travail interdisciplinaire porté sur 2 années.

 

Quel sont les objectifs de votre projet vidéo ?

 

Notre projet consiste en la création d’un livre/jeu-vidéo. Les élèves écrivent une histoire originale, le jeu en reprendra certains passages et il y aura une interaction entre les deux. L’histoire sera publiée sous forme de livre et le jeu vidéo sous forme de CD. Les élèves se réunissent 1 fois par semaine pendant 45 mn à la pause méridienne en présence de professeurs. Le projet se réalise sur 2 années scolaires.

 

Quel a été le point de départ du projet ?

 

La programmation informatique est devenue un élément essentiel dans notre société car elle permet de faire fonctionner de plus en plus d’objets qui nous entourent et il est important qu’un élève connaisse un minimum de logique de programmation mais le collège, actuellement, propose très peu l’utilisation de la programmation. J’ai donc cherché comment proposer aux élèves des bases de programmation tout en ayant un aspect ludique et j’ai eu l’idée de créer un jeu vidéo.

 

Faire un jeu vidéo permet de faire intervenir plusieurs domaines et ayant déjà eu par le passé, à plusieurs reprises, des expériences d’interdisciplinarité, j’ai proposé à des collègues s'ils souhaitaient se joindre à moi. J’ai toujours apprécié ces travaux interdisciplinaires chacun apportant ses connaissances pour bâtir un projet commun plutôt que de les utiliser chacun de son côté, cloisonnés dans notre salle. Les élèves découvrent ainsi une cohérence entre les différentes disciplines.

 

Votre projet est vraiment interdisciplinaire. Avec quels autres enseignants travaillez-vous ?

 

Un groupe d’élèves crée l’histoire du jeu avec une enseignante de français, un autre travaille sur les graphismes du jeu avec une enseignante d’arts plastiques, un autre groupe prépare un travail de recherche sur certaines espèces animales ou végétales rencontrées dans le jeu avec une enseignante de science de la vie et de la terre, un autre groupe travaille sur la musique du jeu avec un enseignant d’éducation musicale et un dernier groupe d’élèves travaille sur la programmation avec moi, enseignant en technologie.

 

Je tiens à souligner l’investissement de mes collègues : Françoise Clos (Arts Plastiques), Sophie Roy (SVT), Eric Dedieu (Education Musicale) et Claude Gréco (Français) qui s’investissent autant que moi dans ce parcours créatif dans le monde du jeu vidéo.

 

Dans ce premier projet chaque élève ne travaille donc pas sur la même chose mais on pourrait très bien imaginer ce même projet avec les élèves travaillant sur tous les domaines du jeu. Il serait également possible de faire intervenir toutes les matières, j’ai d’ailleurs déjà réfléchi à un futur projet de jeux vidéo pour lequel ce serait le cas.

 

Comment les élèves perçoivent-ils ce projet qui se prépare sur 2 années ?

 

Ils ont encore du mal à s’imaginer la finalité du projet. En effet, certains n’arrivent pas à croire que faire imprimer leur histoire sous forme de livre ou même créer un jeu et le faire presser sur CD soit possible.

 

Vous partez volontairement sur un « jeu rétro » et vos élèves découvrent le langage Basic en programmant leur jeu. Pourquoi ces choix ?

 

Je ne suis pas un expert en programmation mais j’ai déjà pratiqué plusieurs langages. Le basic, qui est un langage ancien, m’a semblé être le plus facile d’accès pour des élèves de collège. Même s’il ne permet pas de faire autant de choses que d’autres langages, il permet quand même d’apporter la logique de la programmation. Je me suis donc mis à chercher des outils utilisant le basic pour la création de jeux vidéo et par hasard je suis tombé sur un logiciel gratuit mais malheureusement plus développé depuis un bon moment(2010), appelé Basiegaxorz, qui permet de programmer sur une ancienne console de jeu des années 1990 : la Megadrive de la société Sega.

 

Cette console n’a bien évidemment plus rien à voir avec les consoles actuelles mais elle fait partie de l’histoire du jeu vidéo. Je me suis dit que les plus jeunes, qui aiment les jeux vidéos se devaient de connaître les « ancêtres » de leurs jeux actuels. De plus, les jeux actuels sont quand même bien plus difficiles à gérer, il n’y a qu’à voir le nombre impressionnant de personnes qui participent à la création d’un jeu vidéo. Dans les années 80, 2 personnes suffisaient.

 

Le jeu que nous allons créer sera compatible avec la console d’origine mais aussi avec un émulateur qui permet de simuler la console de jeu. Il sera donc possible de jouer à notre jeu sur pc mais aussi sur tablettes.

 

Quel regard portez-vous sur les réformes à venir et l’arrivée de la programmation dans les cours ?

 

La réforme du collège est nécessaire. Il y a eu une grande consultation nationale et j’attends de voir les textes définitifs avant d’avoir un avis. Concernant ma discipline, la technologie, ce qui est pour l’instant proposé, fait que sur le cycle 4 (5e,4e, 3e ) nous perdons une demi-heure de cours par semaine.

 

Pourtant, à notre époque où la technologie est absolument partout, il est important que les jeunes aient une culture technologique qui leur permette d’utiliser les objets qui nous entourent correctement. Pour cela, ils doivent comprendre comment ils fonctionnent, comment les utiliser à bon escient. De plus, la technologie est une matière qui fait la jonction entre toutes les autres, en effet, nous utilisons les notions vues chez elles. Par exemple dans le programme actuel de 5e, qui porte sur les habitats et ouvrages, à l’aide d’une maquette je fais réaliser une structure en voute. Tous les ans, les élèves me disent que leur professeur d’histoire leur en a parlé. Ils savent que la pièce du milieu est la clé de voute. J’ai énormément d’exemples de ce genre et de toutes les matières : sciences physiques, svt, arts plastiques, éducation musicale. En technologie, nous mettons en application tout ce qui est abordé dans les autres matières et je ne comprends pas pourquoi cette discipline est si peu valorisée.

 

Avec la proposition du nouveau programme nous aurons donc 4h30 sur les niveaux 5e, 4e, 3e au lieu de 5h actuellement. Ces 4h30 pourront être réparties sur les 3 années. Comme j’ai compris, les élèves pourraient très bien ne pas avoir technologie en 5e mais avoir 4h30 répartis sur les niveaux 4 e, 3e. Imaginons qu’un élève change d’établissement à la fin de son année de 5e et qu’il se retrouve dans un collège qui instaure de la technologie en 5e, 4e, et pas en 3e, il lui manquera une année de cours.

 

Concernant la programmation, il est enfin temps que celle-ci soit abordée. Mais il y a avant cela un autre problème à résoudre. En effet, bien souvent mes élèves de 6e ne sont pas sur le même pied d’égalité concernant l’utilisation de l’outil informatique. A notre époque, savoir se servir d’un ordinateur est aussi important que de savoir écrire, lire, compter. Mais le problème c’est que cet écart de connaissance informatique ne se comble pas avec les années passées au collège, même avec l’utilisation de plus en plus importante de l‘ordinateur.

 

Avant de leur apprendre à programmer, ce qui est, comme je l’ai déjà dit, très important, il faudrait déjà leur apprendre à se servir correctement des outils numériques mis à leur disposition, c'est-à-dire, leur faire des cours d’informatique.

 

Pour finir, quelle « plus-value pédagogique » percevez-vous à proposer  un tel projet ? Quelles compétences supplémentaires développent les collégiens ?

 

Ces travaux permettent de mettre en œuvre de nouvelles situations d'apprentissage et ainsi favoriser l’épanouissement de l’élève. Il améliore la maîtrise de la langue, développe des compétences info-documentaires, il apprend à maîtriser les outils numériques et à développer ses compétences algorithmiques et informatiques. Il peut acquérir les valeurs, les repères d'une culture numérique tout en développant le travail interdisciplinaire dans le but de réaliser un projet concret et collectif.

 

Ces travaux permettent également de répondre à certains objectifs de notre projet d’établissement :

- Développer les performances et les résultats des élèves en les impliquant dans un projet concret.

- Développer le partenariat avec les structures locales : presse, musées, écrivains.

- Développer le volet culturel en faisant notamment appel à la littérature jeunesse et classique pour élaborer l’histoire,  au cinéma dont les élèves sont fortement imprégnés.

- Développer l'axe des valeurs de la République par le travail en équipe qui nécessite respect, écoute et tolérance.

- Développer la connaissance des métiers du numérique avec une sortie au salon des jeux vidéos à Paris.

 

Propos recueillis par Julien Cabioch

 

Par fjarraud , le mardi 23 juin 2015.

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