Elèves exclus : Des sanctions et des dispositifs inadaptés  

Que faire des collégiens exclus temporairement ? Dans nombre de collèges, rien. En Seine Saint-Denis un dispositif soutenu par le conseil général accueille les élèves exclus pour un travail éducatif. Pour Benjamin Moignard, dont l'étude est publiée dans l'ouvrage "Les violences en milieu scolaire" (Hermann), ce dispositif pilote est détourné de ses objectifs d'éducation à la règle et de rescolarisation tout simplement parce que les collèges ne l'utilisent pas avec les élèves qui en auraient besoin. L'Education nationale ne répond pas à la mobilisation des collectivités locales. C'est la politique des sanctions qui tape à coté de la cible ce qui interroge le travail pédagogique fait en collège.

 

Exclusions : 3 collèges chaque jour dans le 93

 

 " Les élèves sont accueillis tous les jours sur le temps scolaire, avec l’accord des parents. Ils suivent des activités de travail scolaire le matin et des ateliers sur la citoyenneté l’après-midi. Le temps du déjeuner est une occasion de rencontres et d’échanges avec des adultes... Très peu d'élèves y reviennent une seconde fois". En 2010 le Café pédagogique avait rendu compte du dispositif pionnier installé à Pierrefitte (93) pour le recueil des élèves exclus temporairement de leur collège. Aujourd'hui, ce sont 22 communes et une soixantaine de collèges de Seine Saint-Denis qui participent au dispositif ACTE d'accueil des élèves exclus temporairement. Il faut dire que le 93 compte un nombre très important d'exclusions temporaires : tous les jours c'est l'équivalent de 1 à 3 collèges (de 300 à 800 élèves) qui sont mis dehors par les 120 collèges du département. Avec ACTE, le département fait figure de pilote pour la lutte contre le décrochage et comme acteur pédagogique majeur.

 

Un dispositif salué par F Hollande

 

Les élèves exclus des collèges désignés par le principal de l'établissement et en accord avec la famille, sont accueillis par une association qui travaille avec eux le respect de la régle et le rapport à l'autorité, la réconciliation avec l'Ecole, l'orientation. Ce travail est fait par des professionnels venus de l'éducation spécialisée qui sont aptes à traiter des cas difficiles. "On est considéré comme des spécialistes des publics qu'on dit difficiles", explique un coordinateur du dispositif. Tout ce travail vise à ramener l'élève au collège de façon à ce qu'il termine sa scolarité. En 2012, le candidat François Hollande visite l'association Afpad de Pierrefite et rencontre des jeunes qui sont passés par le dispositif et sont maintenant lycéens en série S. Le même jour le futur président promet qu'aucun jeune " ne doit être exclu pour qu’il puisse lui même se dire qu’en définitive c’est le système qui l’a mis de coté".

 

C'est ce dispositif que Benjamin Moignard, alors chercheur à l'Observatoire universitaire international éducation et prévention, a étudié. Il utilise des entretiens avec une soixantaine d'adultes (principaux, CPE et responsables de dispositifs) ainsi qu'un questionnaire proposé à près de 2 000 jeunes exclus.

 

Où sont les "durs" ?

 

Et là, surprise ! Le profil des élèves accueillis dans le réseau associatif n'est pas celui qui était attendu. "Je pensais qu'on allait avoir des jeunes qui avaient fait un truc vraiment grave, genre taper un prof ou agresser d'autres élèves. Des problèmes de violence, de racket. Mais on en a très peu. En général on a des gamins qui ont fait une petite bêtise", explique un responsable de dispositif. On parle "d'un public ordinaire de maison de quartier" et même de "jeunes qui reposent".

 

Le décalage est confirmé par l'enquête auprès des élèves. Les jeunes exclus temporairement déclarent certes des relations plus mauvaises avec els professeurs qu'un échantillon moyen de collégiens, mais ils sont moins nombreux à percevoir les sanctions comme injustes. Seulement 17% d'entre eux déclarent de mauvaises relations avec la vie scolaire, un pourcentage égal à celui de l'échantillon et 70% ont une bonne relation avec la direction (74% pour l'échantillon).

 

La conclusion de Benjamin Moignard interroge fortement le dispositif mais aussi les collèges. "Les élèves accueillis dans le dispositif ne se distinguent aps vraiment des autres sinon par le fait qu'ils ont été sanctionnés. Il y a de très faibles probabilités que le dispositif accueille les 5 à 7% d'élèves qui constituent une sorte de noyaux durs d'adolescents particulièrement perturbateurs". L'institution scolaire n'utilise pas les objectifs du dispositif développé par la collectivité territoriale. "Si ces dispositifs peuvent constituer une réponse plausible à la prise en charge de problématiques variées et de publics hétérogènes, encore faudrait-il qu'elle cible la clientèle visée pour que les réponses apportées ne passent pas à coté des besoins identifiés".

 

Les collèges préfèrent les récupérables...

 

 "Si l'on peut se réjouir de la mobilisation nouvelle des collectivités locales sur la question éducative... il ne faudrait pas que ces nouvelles dispositions appellent à un délitement d'une école capable d'accueillir tous els élèves", continue Benjamin Moignard. Parce que la conclusion de sa recherche va au delà du bilan d'un dispositif local et des rapports collectivité locale et éducation nationale.

 

Ce que montre l'étude c'est aussi que l'exclusion temporaire et le dispositif sont utilisés pour des jeunes qui ont traversé une crise ou auprès de qui on veut "marquer le coup" suite à des conflits jugés "ordinaires" par l'étude. "Ce sont  des élèves ordinaires qui subissent des sanctions lourdes", explique B Moignard. "En revanche il est un consensus pour désigner ceux que l'on n'envoie que rarement dans les dispositifs : les élèves considérés comme les plus perturbateurs et les plus durs... Pour beaucoup de chefs d'établissement les cas les plus lourds ne sont pas prioritaires puisque d'autres élèves désignés par plusieurs de nos interlocuteurs comme "récupérables" sont préférés". Par delà la mise en évidence des difficultés de l'éducation nationale à travailler avec les collectivités locales même là où la relation est exemplaire, c'est l'idéal d'une école soucieuse de la réussite de tous qui est interrogé.

 

François Jarraud

Benjamin Moignard, Des élèves comme les autres : les élèves exclus temporairement de leur école en France, in Les violences en milieu scolaire, Définir prévenir agir, Claire Beaumont, Benoit Galand, Sonia Lucia (dir), Hermann éditeur, 2015, ISBN 978-2-7056-7347-5.

 

 

 

 

A Pierrefitte prévenir le décrochage au collège

Hollande en 2012

 

 

Par fjarraud , le mercredi 03 juin 2015.

Commentaires

  • Viviane Micaud, le 05/06/2015 à 23:55
    Pour moi, il n'y a aucun doute. Les enseignants et les encadrants du dispositif, utilisent ce dernier au mieux pour faire progresser le plus d'élèves et dans l'intérêt général du plus grand nombre.
    Ce n'est pas ce qui était pensé au départ. Qu'importe!!!
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