Colloque ATD Quart - Monde : "La réussite de tous est possible" 

Si l’on veut que tous les élèves, y compris les plus pauvres, aient des chances de réussir, il va falloir se retrousser les manches. Le débat sur l’école, organisé samedi 30 mai par ATD Quart Monde, a évité l’incantation et les voeux pieux. Chacun à leur manière, les participants ont appelé à agir face à un système qui reproduit, voire aggrave les inégalités.

 

 «Je m’adresse aux parents d’ATD Quart Monde qui sont dans la salle, aux bénévoles et à tous ceux que cela préoccupe : notre système ne bougera pas si vous ne mettez pas les pieds dans le plat» : Jean-Paul Delahaye, l’ancien bras droit du ministre Vincent Peillon (2012- 2014), qui sait pratiquer la langue de bois, n’y est pas allé par quatre chemins. L’inspecteur général de l’Education nationale, qui vient de publier un rapport sur «la grande pauvreté et la réussite scolaire», a lancé un appel à la mobilisation. «La mixité sociale et scolaire ne tombera pas toute crue», a-t-il prévenu. «Il va falloir vous battre, a-t-il ajouté, d’autant qu’il y a des projets de retour en arrière», allusion à la volonté affichée de la droite de remettre en cause le collège unique et d’orienter plus tôt les élèves.

 

Former une élite de qualité

 

Marie-Aleth Grard, la vice-présidente d’ATD Quart Monde, rapporteure d’un avis du CESE (Conseil économique, social et environnemental) sur «L’école de la réussite pour tous», s’est d’abord voulue optimiste, se fondant sur des exemples rencontrés pour préparer son rapport. «Oui, il existe des écoles où la réussite de tous est possible, a-t-elle assuré, où les enseignants se donnent pour ne pas laisser d’enfants sur le bord de la route et où ils travaillent ensemble».

 

Mais elle a aussi reconnu que la tâche ne serait pas simple. Car il faudra, entre autres, convaincre tous les parents, notamment ceux dont les enfants réussissent bien, généralement issus de milieux favorisés, que la réussite des plus pauvres est aussi leur affaire. «Former une élite, on sait faire, mais si on veut une élite de qualité, elle doit connaître d’autres milieux sociaux et ne pas rester entre soi», a plaidé la vice-présidente d’ATD QM, déclenchant  les applaudissements de la salle – près de 350 personnes.

 

La ministre à la Faïencerie Théâtre

 

Le débat organisé dans le Nouveau théâtre de Montreuil (Seine-Saint-Denis) affichait quasi complet. Il faut dire que la ministre de  l’Education Najat Vallaud-Belkacem était initialement annoncée. Elle a dû renoncer, appelée par des affaires plus importantes, a expliqué Marie-Aleth Grard  à la tribune : «elle devait aller chez le président puis participer à un événement  interministériel» - un  «Rendez-vous de la jeunesse» à la Faïencerie Théâtre de Creil (Oise).

 

De mauvaises langues insinuaient que la ministre avait plutôt préféré renoncer devant le risque de manifestations de profs des environs, contre la réforme du collège ou pour davantage de moyens. Des profs du collège Lavoisier de Bobigny mobilisés pour obtenir un poste de CPE ont distribué des tracts au début, et une banderole a été brièvement brandie devant l’entrée du théâtre.

 

Ségrégation et concentration 

 

 Le thème du débat - «Tous les enfants ne peuvent pas réussir à l’école». Et pourquoi pas ?» - était encore plus d’actualité après la publication, le 28 mai, du rapport du CNESCO (Conseil national d’évaluation du système scolaire) évoquant la ségrégation dans les écoles françaises.

 

La sociologue Agnès van Zanten, grande spécialiste de ces questions, n’a pu que déplorer les conséquences de «la polarisation » et de «la concentration d’élèves en difficultés» que l’on a laissé se développer sans rien faire : des établissements aux niveaux différents, et au sein même des collèges, des classes de niveau... Elle aussi a encouragé à agir : «pour faire bouger sur le plan politique, il faut une pression extrêmement  forte, une capacité à se faire entendre».

 

Le tabac des Serruriers magiques

 

Des parents en situation précaire, militants à ATD Quart Monde, ont témoigné de leurs rapports douloureux à l’école, où parfois ils ont même peur d’entrer. Une directrice d’école de Bobigny (Seine-Saint-Denis) Véronique Decker a, elle, évoqué ses «élèves du 115» : «comment peuvent-ils travailler si on les envoie deux jours dormir à Noisy-le-Grand, puis deux jours ailleurs ? »

 

Le tableau a été égayé par la dernière intervenante, Véronique Bavière, directrice d’une école primaire à la Goutte d’Or, un quartier très populaire de Paris. Elle a mis en place une série de dispositifs qui fonctionnent plutôt bien – un café des parents, du co-enseignement, etc. Elle était venue avec un  groupe d’élèves avec qui elle fait des ateliers d’écriture et de chant, «Les serruriers magiques». En tee-shirts de toutes les couleurs, avec leur très entraînant «On veut travailler !»,  ils ont fait un tabac.

 

Véronique Soulé

 

Ecole et grande pauvreté : les rapports Grard et Delayae

Le rapport du Cnesco

 

Par fjarraud , le lundi 01 juin 2015.

Commentaires

Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces