Les leçons de Jean Zay 

Les 26 et 27 mai, l'Education nationale commémore les 4 grandes figures qui entrent au Panthéon. Parmi elles, celle de Jean Zay se détache particulièrement pour l'Ecole. Ancien ministre de l'éducation nationale,  ses écrits sont régulièrement cités par les ministres de Vincent Peillon à Najat Vallaud-Belkacem. Un ouvrage d'Antoine Prost et Pascal Ory éclaire son action ministérielle. Quelles leçons en tirer ?

 

L'assassinat de Jean Zay par la Milice, une police politique de Vichy, la persécution dont il a été victime en tant que ministre du Front populaire et que juif, participent de son entrée au Panthéon. Son oeuvre comme ministre, même si elle est moins connue, la justifie également.

 

Ministre du Front Populaire, Jean Zay règne sur un petit ministère en 1937 et 1938. On ne compte alors que 250 000 élèves dans le secondaire encadrés par 15 000 professeurs. Au primaire les effectifs sont plus importants mais il n'y a que 150 000 instituteurs. Quant aux étudiants ils ne sont que 75 000. Jean Zay n'est donc pas un "poids lourd" du gouvernement et il n'arrive pas, comme les ministres actuels, en tête de l'ordre protocolaire. Enfin Jean Zay est ministre à une époque où le cheminement d'une loi met en moyenne trois années. Un temps assez long pour que l'action ministérielle soit impossible...

 

Pourtant Jean Zay  laisse le souvenir d'un grand réformateur. C'est à ce titre qu'il est souvent convoqué dans les discours ministériels. Mais pas toujours à raison.

 

Car la première leçon de la "méthode Zay" c'est que c'est un homme de l'expérimentation libre. Jean Zay n'a pas crée de direction de l'innovation. Il a invité les enseignants à expérimenter. Il le fait en inventant des classes d'orientation où les enseignants construisent peu à peu les contenus en 1937. Il le fait bien davantage avec les classes de fin d'étude primaire en 1938. Alors que le Front populaire a étendu la scolarité obligatoire à 14 ans, il invite les enseignants à inventer les contenus d'enseignement pour ces jeunes de 13 à 14 ans. Il fixe quelques règles mais la liberté est très grande dans le choix des sujets d'étude. C'est là que l'on verra apparaitre les classes promenade qu'il évoque dans ses mémoires.

 

Jean Zay est aussi l'homme de la démocratisation de l'enseignement. Dans un système très cloisonné, il réunit dans ses classes d'orientation instituteurs et professeurs du secondaire, élèves des écoles du peuple et des lycées bourgeois. Mais comme il présente ces classes comme une expérimentation, la greffe prend et ces classes sont recherchées.

 

Ces temps bénis de la confiance faite aux enseignants semblent bien éloignés des machines bureaucratiques mises en place dans les réformes de ses successeurs. Pourtant cette confiance s'appuyait sur l'administration centrale avec des hommes comme Louis Cros, Gustave Monod que l'on va retrouver dans l'après guerre au ministère.

 

Cette continuité s'explique aussi parce que l'Education nationale fait corps. Elle est loin d'être uniforme et les persécutions subies par C Freinet, celles qui accompagnent le décret loi de 1938 chez les instituteurs, montrent qu'il y a des clivages dans l'Education nationale. Mais globalement l'administration accompagne ses maitres.

 

Alors que la figure de Jean Zay va être largement utilisée dans les heures à venir, il n'est pas inutile de rappeler ce que pourrait être une administration confiante, attendant que ses enseignants expérimentent avant de légiférer.

 

François Jarraud

Antoine Prost, Pascal Ory, Jean Zay. Le ministre assassiné (1904-1944), Tallandier Canopé 2015. ISBN979-10-210-1070-3

 

Par fjarraud , le mardi 26 mai 2015.

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