Grande pauvreté : Les réponses mesurées de la ministre 

A peine publié, déjà enterré ? Les réponses de la ministre de l'Education nationale au rapport Delahaye, le 12 mai, doivent tenir compte des réalités budgétaires mais aussi de l'état de l'opinion, des lourdeurs de la machine et de l'énergie ministérielle. Du discours de N Vallaud Belkacem on retiendra la profonde lucidité de la vision politique, l'application immédiate de quelques mesures et des orientations à long terme, au delà de 2017.

 

Lucidité politique

 

"Notre pays vit une situation singulière, comme s’il se détachait malgré lui de son identité profonde. Dans une société en crise économique et sociale depuis quatre décennies, la question de l’appartenance à la communauté nationale et les enjeux identitaires prennent progressivement le pas sur la question sociale". En réponse au débat mené au CESE sur les rapports Delahaye et Grard sur la grande pauvreté et l'Ecole, N Vallaud Belkacem s'est lancée dans une analyse de la situation politique qui éclaire bien des points de la politique gouvernementale. Très clairement la ministre explique que la politique sociale ne peut passer qu'en étant noyée dans un flot tricolore dont les Assises organisées le matin même ont donné un bel exemple. "Notre république sociale, fondée sur la responsabilité et la garantie collective face aux risques de la vie – c’est le sens même de la sécurité sociale –, est aujourd’hui bouleversée par une idéologie dominante qui place la responsabilité individuelle face à la pauvreté, ou à l’échec, au dessus de la responsabilité collective." Comment dès lors aider l'intégration des enfants pauvres dans l'Ecole ?

 

Des mesures immédiates limitées

 

La principale mesure annoncée par la ministre c'est la sanctuarisation des fonds sociaux des établissements  et sa progression "en fonction de l'évolution du contexte budgétaire". La ministre reconnait ainsi ne pas avoir les moyens d'aller plus loin comme augmenter le salaire des enseignants en REP+. Elle annonce aussi la simplification des modalités d'accès aux bourses, leur relèvement étant lié aux contraintes budgétaires. Sa volonté de renforcer l'offre médicale et sociale dans l'éducation nationale se limite à l'extension des assistants sociaux dans le premier degré. A moyens constants ils interviendront moins dans le second degré.

 

Une impulsion au rééquilibrage budgétaire

 

"Oui, amplifions le rééquilibrage entre premier et second degré, déployons les moyens dégagés d’ici quelques années par le caractère exceptionnel du redoublement vers l’éducation prioritaire pour aller plus loin dans la baisse des taux d’encadrement et améliorer encore l’accompagnement des élèves les plus en difficulté", affirme la ministre. Mais elle ajoute que cette politique "suppose une durée et donc un socle de consensus qui dépasse les échéances et les contingences électorales". En clair ce sera à voir après 2017...

 

Ce qu'annonce tout de suite la ministre c'est la création d'un indicateur de mixité sociale pour chaque établissement et l'ouverture de discussion avec les conseils généraux qui le veulent sur la carte scolaire dans le cadre du décret qui permet d'affecter plusieurs collèges dans un même secteur.

 

Des mesures pédagogiques

 

Pour la ministre les recommandations du rapport Delahaye sont un appui important à la réforme du collège. "Cette nécessité issue du travail en réseau propre à l’éducation prioritaire de porter une attention spécifique aux transitions entre les niveaux d’enseignement, de donner leur place et leur légitimité aux pédagogies explicites et fondées sur la coopération, aux travaux par projets, à tout ce qui stimule l’initiative et l’autonomie des élèves comme des enseignants est au coeur de la réforme du collège, notamment avec la mise en place des enseignements pratiques interdisciplinaires". La ministre s'engage à "essaimer largement" le référentiel pédagogique de l'éducation prioritaire. Plus immédiatement elle annonce la fin du diagnostic social en Segpa sauf demande d'internat, le soutien aux Rased (mais sans précision) et à la scolarisation des moins de 3 ans en Rep+.

 

L'ouverture aux parents

 

L'ouverture aux parents, fortement soulignée par les rapports Delahaye et Grard, est abordée par le biais de la "réserve" de l'éducation nationale, une structure où on risque de trouver plutôt des parents très favorisés. Le statut de parent délégué, une promesse de F Hollande en 2012, fera l'objet d'un rapport d'ici l'été.

 

Le combat pour l'intégration des enfants pauvres et de leurs parents dans l'Ecole sera un combat de longue durée. Ce qu'apportent les propos ministériels c'est qu'il se poursuit aussi silencieusement dans l'administration parce que la situation politique ne semble même pas permettre de le porter publiquement. Le débat sur le collège est aussi à lire sous cet éclairage.

 

François Jarraud

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 13 mai 2015.

Commentaires

  • maria1958, le 13/05/2015 à 11:51
    La "lucidité de la vision politique" de la Ministre, si c'est pour aboutir à abandonner en rase campagne les élèves pauvres en n'augmentant pas les bourses sociales scolaires, en se bornant à "sanctuariser" les fonds sociaux à leur niveau actuel, en subordonnant leur éventuelle augmentation future à l'"évolution du contexte budgétaire", sous prétexte que la droite braille et que ce serait mal vu de défendre les droits des pauvres.... 


  • Viviane Micaud, le 13/05/2015 à 09:39
    L'ouverture aux associations de parents d'élèves a été une avancée majeure. Les utilisateurs d'un service public doivent être représentés dans la gouvernance, à sa juste place, pour qu'ils puissent donner un avis. Cependant il y  a eu quelques effets pervers, dont de faire écran avec les parents les plus éloignés de l'école. Enseignants et parents doivent se connaître et dialoguer directement. Il s'agit de créer à priori la compréhension et la confiance. 
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