Le plan numérique annoncé aujourd'hui 

"On doit donner accès à tous les jeunes au numérique. Demain je présenterai le grand plan numérique pour des collèges équipés et plus de professeurs formés". Prononcés le 6 mai au CESE , ces mots confirment que François Hollande annoncera cet après-midi le plan numérique pour l'éducation qui se prépare depuis une année.

 

 " L'éducation doit garder les mêmes valeurs mais s'ouvrir aux nouvelles technologies. C'est la raison pour laquelle le numérique va être généralisé. Le plan numérique sera mis en oeuvre dès 2016 dans les collèges", avait déclaré F Hollande le 18 septembre. Il avait fixé un calendrier : 2016 pour la généralisation dans les collèges. Ce plan, ajoutait-il, "c'est une chance pour les enfants, pour les enseignants d'utiliser ces moyens. Une chance pour avoir un contenu. Une chance pour l'économie d'avoir ces emplois préparés dès l'école". Ces propos faisaient écho à ceux  tenus à Clichy-sous-Bois le 2 septembre.  " Il va y avoir un grand plan numérique pour avoir des tablettes, des contenus, des enseignements qui soient valorisés par le numérique". Le président avait précisé qu'il allait "avoir besoin des collectivités locales" mais que l'Etat "mettra tous les moyens pour former les enseignants et favoriser partout l'arrivée du haut débit". L'Etat aidera aussi les éditeurs à produire des contenus.

 

Le retard numérique français

 

C'est que la situation du numérique dans l'Ecole française n'est pas flatteuse. Le 2 juillet 2014, devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, B. Hamon, alors ministre d el'éducation nationale, précisait que  "97% des enseignants jugent que le numérique est un atout pour les élèves mais seulement 5% l'exploite en classe". Des chiffres qui ont pu étonner mais qui sont sortis de l'étude Profetic publiée par l'Education nationale en 2012. Neuf enseignants sur dix jugent utile l'utilisation des TIC à l'école mais seulement 5% les utilisent quotidiennement en classe. L'enquête montre aussi que les seuls usages du numérique qui progressent sont les applications administratives (les notes, le cahier de textes) et les échanges avec les parents. Utiliser les TIC pour "individualiser l'apprentissage et faire travailler les élèves en autonomie" est même en baisse. Il y a à cela des raisons bien connues : la taille des groupes classes arrive en premier dans l'étude devant les insuffisances du matériel. Qu'importe ! Le ministre avait retenu la nécessité d'équiper massivement les écoles, encore trop peu dotées, et les collèges.

 

Un 12ème "grand plan numérique" ?

 

Annoncé le 14 juillet, le "grand plan numérique de F Hollande n'est que le 12ème depuis le début du siècle. Le même F Hollande avait d'ailleurs déjà promis un plan en 2012. Mais celui-là semble avoir réellement un avenir car il a la particularité de se situer dans un programme gouvernemental global : "les 34 plans de la nouvelle France industrielle". Ce qui le crédibilise c'est que, au lieu d'être financé par la seule Education nationale, ce qui ne serait pas un bon signe, il bénéficie d'une enveloppe nationale pilotée et dotée par le ministère de l'économie. Ainsi l'Education nationale peut d'autant mieux se lancer dans ce plan numérique qu'elle ne puise pas sur son budget. Les "34 plans de la nouvelle France industrielle" sont dotés d'une vingtaine de milliards d'euros. Parmi eux, le programme "e-Education" serait crédité, nous a-a-t-on dit au ministère du temps de B Hamon, de 700 à 800 millions.

 

Un plan e-education ?

 

Le plan e-education se fixe comme objectif 70% des collégiens et écoliers dotés d'une tablette PC d'ici 2020. Second objectif : 60% des crédits pour les ressources pédagogiques seront dirigées vers le numérique. "On veut créer un marché du numérique éducatif", disait-on au ministère l'été dernier. N. Vallaud-Belkacem y a fait allusion le 17 septembre devant l'Assemblée en annonçant que son ministère "travaille avec les éditeurs sur les  manuels numérisés" et souhaitant "accélérer la mobilisation de cette  filière". Le budget total serait donc divisé en deux entre ces deux objectifs. 350 millions environ alimenteront un fonds d'amorçage pour l'équipement en tablettes. Autrement dit l'effort principal sera porté par les collectivités territoriales : communes pour les écoles et départements pour les collèges. Sur les 3 milliards environ que couterait ce plan d'équipement, seulement 10% serait porté par l'Etat et 90% par les collectivités territoriales.

 

Environ 300 millions seraient consacrés à l'achat de ressources numériques. La volonté de l'éducation nationale s'appuie sur un rapport de l'Inspection générale qui avait travaillé en 2013 sur le marché du numérique. L'idée c'est bien de créer un marché. Mais c'aussi d'assurer un contrôle étatique sur le numérique éducatif, comme le recommandait ce rapport. Si 60% des crédits de ressources pédagogiques devront être dirigés d'ici 2020 vers le numérique, l'accès aux ressources devra passer par des plateformes labellisées par l'Etat. On se défend au ministère de toucher à la liberté éditoriale. On avance l'argument de la protection devant la collecte d'informations sur les usages des élèves, la lutte contre le "data mining" que les entreprises pourraient faire et même le souci d'interopérabilité avec les ENT. Mais le plan permettrait aussi d'aboutir à ce que le ministère n'a jamais réussi avec les manuels papiers : orienter les choix des enseignants vers des ressources conformes aux souhaits de l'institution.

 

Où en est-on ?

 

Et puis il y a l'enseignement du code. Najat Vallaud-Belkacem a précisé que, s'il est introduit dès cette année dans le périscolaire, il ne sera en classe qu'avec les nouveaux programmes à la rentrée 2016. Benoît Hamon devait charger un inspecteur général d'une mission de propositions sur l'intégration de cet enseignement dans l'école obligatoire. On ne sait s'il a été nommé.

 

Mais si ce plan semblait bien parti à l'automne dernier, le paysage s'est assombri depuis. La nouvelle politique économique gouvernementale a imposé des coupes dans les budgets publics à tous les niveaux. D'autre part les critiques portées sur l'éducation par le numérique ont aussi marqué les esprits à l'Elysée. Depuis cet automne le plan numérique semblait mis en sommeil même si le président l'a mentionné plusieurs fois. Le discours présidentiel montre que la question reste importante.

 

Vous pourrez suivre sur notre fil twitter le discours présidentiel et celui de N Vallaud Belkacem à partir de 14 heures.

 

François Jarraud

 

Par fjarraud , le jeudi 07 mai 2015.

Commentaires

  • Delafontorse, le 07/05/2015 à 17:00
    Si Hollande avait deux sous d'idée, de culture et de connaissance de son temps, il saurait qu'il n'y aura aucun progrès de la France dans le domaine du numérique et des sciences numériques tant que ces dernières ne seront pas prises au sérieux, qu'on confondra la vente et l'achat de tablettes avec leur promotion, que les élèves seront tenus éloignés de toute rigueur dans l'analyse et la pratique de ce qu'est un langage ou une langue, qu'avec des programmes de français imbéciles et l'anéantissement de l'enseignement des langues à déclinaison, on maintiendra soigneusement les dits élèves à l'abri de tout apprentissage des grammaires.

    Si nous avions des gouvernants intelligents, ils se préoccuperaient d'une filière littéraire forte, capable de former des spécialistes des langages en général, à même de réfléchir en profondeur sur les enjeux anthropologiques, philosophiques, épistémologiques et esthétiques de la création langagière humaine. 

    Mais non, nous avons tout au plus aux manettes des représentants de commerce et des commis de lobbies, qui dépensent l'argent public pour arroser tels copains et réaliser des opérations de com à même de transformer l'école publique en vitrine de garderie ludique pour pauvres à sous-développer mentalement.

    Par pitié, que ces gens ouvrent un livre une fois dans leur vie et tirent des conseils de la fréquentation de ce que la France donne encore de meilleur, de Quignard aux médailles Fields. Mais j'oubliais, ces derniers sont de "pseudo zintellectuels", pour reprendre les catégories de madame la Ministre de l'Education, de la Recherche et de l'Enseignement supérieur.

  • david100, le 07/05/2015 à 11:31
    ce gouvernement libéral n'est intéressé que par un marché numérique éducatif. Que ces produits finissent sur le bon coin n'est pas un souci.
  • kiddy, le 07/05/2015 à 09:43
    "70% des collégiens et écoliers dotés d'une tablette PC d'ici 2020"

    la blague, déjà on pourrait commencer par équiper correctement les professeurs en PC, ensuite les classes et salles informatiques.

    Pour l'instant dans mon collège nous sommes à 0% de tablettes, du coup il y a du boulot!
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