Claude Lelièvre : Il faut dénoncer les polémiques assassines  

Jusqu'où peut aller la polémique en matière d'éducation ? Très loin, affirme Claude Lelièvre. Partant de la réforme du collège, l'historien de l'éducation remonte jusqu'à la réforme Haby, accusée elle aussi de détruire la culture...

 

 « Un phénomène assez curieux est à l’oeuvre: des éditorialistes, des polémistes, des pseudo-intellectuels –car pour moi quand un intellectuel s’exprime sur un sujet, il a la rigueur intellectuelle d’aller vérifier de quoi il parle– s’expriment sans avoir lu le contenu de cette réforme », a déclaré Najat Vallaud-Belkacem sur RTL..« Ce qui les fait en général commenter des contre-vérités, voire des mensonges absolus », a-t-elle ajouté.

 

"Génocide intellectuel"...

 

La ministre de l'Education nationale n'a pas tort de dénoncer  ce ''phénomène'', car il a déjà eu lieu notamment au moment de la « réforme Haby » (en particulier contre le « collège unique »), ce qui a finalement empêché une définition précise de la culture commune qui pouvait  (et devait) être maîtrisée par chacun à la fin de la scolarité obligatoire. On voit l'enjeu ; et il ne faudrait pas que cela recommence, sous peine d'en finir définitivement avec cette ambition.

 

Les ''tribunes'' ou pamphlets assassins ont été en effet particulièrement nombreux et violents à ce moment-là. Et ils ont même été parfois le fait de personnalités dans la mouvance de la majorité présidentielle de l'époque (alors que, pourtant, le véritable promoteur du « collège unique'' était Giscard d'Estaing lui- même).

 

Ainsi, le professeur de lettres de Valéry Giscard d’Estaing en classe de troisième – Paul Guth – s'est joint au concert des invectives et des condamnations sans appel dans  une « Lettre ouverte aux futurs illettrés » parue en 1980. Il accuse la réforme de « génocide intellectuel et moral », de « lavage de cerveau » première étape d’une « guerre psychologique » qui tend à faire de la France une nation de « taupes amnésiques ».

 

"Egalitarisme forcené"...

 

Jean-Marie Benoist, pourtant candidat UDF (le parti du président) aux législatives de 1978 contre Georges Marchais (et l'un des « nouveaux philosophes » avec Bernard-Henri Lévy et Luc Ferry), a mené la charge dans un livre paru en 1980 : « La génération sacrifiée ; les dégâts de la réforme de l’enseignement » .Il accuse cette réforme « de participer à l’œuvre de destruction de l’esprit que subissent en leur crépuscule les sociétés libérales occidentales […], d’aller vers le règne de l’uniformité, digne des démocraties populaires et vers la dépersonnalisation absolue, celle des steppes et des supermarchés ». Il condamne cet « égalitarisme absurde, forcené, uniformisateur et lacunaire ». « Ce mythe égalitaire – précise-t-il – est digne de ce peuple de guillotineurs que nous sommes depuis 1793, et se traduit par la culpabilisation de tout aristocratisme, de tout élitisme dans le savoir : raccourcir ce qui dépasse, ce qui excelle, voilà le mot d’ordre »..

 

Tout cela a affecté le moral et l'action du ministre de l'Education nationale René Haby qui a tenté une réplique dans une adresse « Aux lettrés d'aujourd'hui » parue dans « Le Monde » du 21 octobre 1980 : « Ne pourrait-on apporter davantage d'intelligence que de passion, d'ouverture aux problèmes réels que de sectarisme méprisant au combat pour la qualité de l'enseignement ? L'enseignement des lettres est malade nous dit-on. Le mot ''illettré'' est partout. Et l'on évoque sans rire je ne sais quelle sombre ''entreprise politique de lavage de cerveau'' d'où la jeunesse sortira ''défrancisée et abrutie'' […]. On n'hésite même pas devant les contrevérités flagrantes. Parce que je serais seulement ''soucieux de l'actuel'', je n'aurais proposé aux adolescents que l'étude de ''l'odyssée de l'espace' ou du ''bureau de poste voisin''. Et pourtant le débat sur les objectifs et les contenus de l'éducation mérite mieux qu'une bagarre de saloon, ou que les faux emportements vertueux de ceux qui cherchent  la notoriété à n'importe quel prix . Si c'est cela la ''nouvelle philosophie''... ».

 

L'un des « nouveaux philosophes » - Luc Ferry - vient de déclarer à propos des propositions faites récemment par le Conseil supérieur des programmes dans le cadre de la réforme du collège que « le programme  d'histoire n'est pas seulement décérébrant mais fanatique ». On n'arrête pas le progrès.

 

Claude Lelièvre

 

 

Par fjarraud , le lundi 04 mai 2015.

Commentaires

  • Delafontorse, le 04/05/2015 à 18:59
    Combien ce monsieur est-il rémunéré par le Ministère de l'Education pour assurer sa propagande ?
    • Francoiss, le 04/05/2015 à 20:42
      Comparaison n'est pas raison monsieur Lelièvre.

      Les détracteurs de la loi Haby ne sont pas forcément les détracteurs d'aujourd'hui. 

      Les didacticiens et pédagogues ne sont malheureusement pas suffisamment aux commandes des réformes proposées et le programme d'histoire du cycle 3 admet en toute rigueur de véritables faiblesses.
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