Collège : La ministre contrainte de défendre les programmes 

Nouvelle extension de la lutte. N. Vallaud Belkacem répond dans un communiqué, publié le 23 avril très tard, aux attaques sur les programmes du collège. Pour anecdotiques qu'elles semblent être, les critiques sur les programmes visent bien et la liberté pédagogique et le maintien d'une école élitiste.

 

Un communiqué publié à 23h22

 

"Si je tiens à saluer la qualité du travail du Conseil supérieur des programmes qui rétablit une logique chronologique dans le projet des programmes d’histoire, je souhaite dès à présent lever toute ambiguïté sur la place et les modalités de l’enseignement laïque des faits religieux". A 23h22 le 23 avril, la ministre réagit à la pluie de critiques qui dénoncent "le jargon pédagogiste" des projets de programmes  du collège et la remise en cause du "roman national".

 

"Conformément aux orientations que j’ai annoncées dans le cadre de la mobilisation de l’école pour les valeurs de la République, l’enseignement laïque des faits religieux sera renforcé dans les nouveaux programmes d’histoire", écrit la ministre en citant quelques exemples. "Ces éléments sont bien éloignés de présentations volontairement polémiques qui ne visent qu’à politiser un enjeu essentiel, celui de la transmission de notre histoire commune et du récit national, qui exige que le consensus le plus large soit recherché", conclue-t-elle. Dans un tweet, Michel Lussault, le président du Conseil supérieur des programmes, estime que "la présentation des nouveaux programmes", dans Le Figaro, "est scandaleusement dévoyée" et parle de "falsifications".

 

La campagne contre les programmes

 

Ces réactions font suite à la campagne lancée depuis plusieurs jours sur le "jargon pédagogiste" des programmes et les insuffisances des programmes d'histoire. "Les nouveaux programmes scolaires, censés entrer en vigueur en 2016, font la part belle à un jargon «pédagogiste» ravivé. Un paradoxe alors qu'ils sont présentés par le Conseil supérieur des programmes comme «plus simples et plus lisibles»", écrit Le Figaro du 17 avril qui cite des exemples de formules malheureuses péchées dans les programmes.

 

Selon Le Figaro, "certains historiens jugent que les nouveaux programmes du collège laissent trop de liberté aux enseignants, leur permettant de faire l'impasse sur la période des Lumières ou sur l'Empire byzantin". "Le roman national" ne serait plus transmis aux nouvelles générations. C'est ce même roman national qu'évoquait le président du Sénat, G Larcher, dans son rapport sur la défense des valeurs républicaines remis cette semaine. "Il s’agit de donner à l’enseignement de l’histoire un sens et une portée effectives en matière de sentiment d’appartenance : grandes dates, grands personnages, grands événements, grandes idées, doivent ponctuer cet enseignement et chaque élève doit pouvoir y trouver une source d’intelligence et de réflexion, d’identification et de fierté", écrivait-il.

 

Au final,  en croire ces attaques, les nouveaux programmes "pédagogistes" du collège sacrifieraient avec la nation la culture au profit d'activités et de mots creux.

 

De vrais points faibles dans les programmes ?

 

Ces critiques s'appuient sur des faiblesses réelles des nouveaux programmes. Le programme d'EPS au collège est  porteur de beaux exemples de jargon. Mais c'est surtout le plus faible des nouveaux programmes en ce qui concerne le cycle 4 avec une conception assez traditionnelle de l'EPS.

 

Le programme d'histoire du collège donne vraiment davantage de liberté aux enseignants. Il ne comprend plus les listes interminables de dates et de notions à apprendre qui ornaient les programmes de 2008. Il ne décrit plus en détail tout ce que l'enseignant doit faire aussi bien en terme de contenus que de démarches. Il fixe des sujets à traiter, certains obligatoires d'autres non. Et laisse l'enseignant faire. Il apporte aussi quelques changements au découpage traditionnel. Le nouveau programme le rééquilibre par exemple en réservant l'année de 3ème à l'après 1ère guerre mondiale. L'histoire économique et sociale est davantage représentée au XIXème siècle. Mais sur l'essentiel, le programme respecte la tradition scolaire, par exemple en s'interdisant d'aller au delà de 1970, ce que certains enseignants lui reprochent d'ailleurs. Le programme de géographie est resté lui aussi fidèle au découpage traditionnel mettant en 5ème les vraies questions du géographe contemporain ( développement durable) et réservant à la 3ème la géographie de la France.

 

Sa vraie faiblesse est dans l'enseignement du fait religieux. Pas en ce qui concerne la chrétienté médiévale ou antique ou encore l'islam médiéval. Tout cela est au programme comme les Lumières. C'est le fait religieux au 21ème siècle qui mériterait probablement d'avoir davantage de place.

 

Pour la ministre, le programme doit transmettre " notre histoire commune et (le) récit national". Evidemment tout est dans la relation entre ces deux formules. Le roman national ce n'est pas de l'histoire, c'est du roman ! L'enseignement de l'histoire doit l'enseigner pour ce qu'il est, un mythe politique élaboré pour construire la République.  Réduire l'enseignement de l'histoire au roman national ce ne serait plus faire un cours d'histoire.

 

Quelle liberté pour les enseignants ?

 

Les programmes de 2015 responsabilisent l'enseignant et l'invitent à s'intéresser à l'essentiel : la maitrise par l'élève de ses capacités à apprendre et à maitriser l'information dans le monde d'aujourd'hui. Bien loin de prêter moins d'attention aux apprentissages des élèves les plus faibles, ces programmes s'intéressent pour la première fois à expliciter ce qu'est l'apprentissage ce qui devrait bénéficier aux élèves les plus faibles. Ils donnent à l'enseignant un niveau de responsabilité et donc de liberté beaucoup plus élevé. C'est bien cette liberté et cette confiance dans les enseignants qui sont ciblés maintenant par les critiques.

 

François Jarraud

 

Sur les programmes du collège

Les programmes d'EPS

La novlangue pédagogiste

Programmes d'histoire critiqués

L'école cible de la mobilisation pour les valeurs de la République

Plan de lutte contre le racisme

 

Par fjarraud , le vendredi 24 avril 2015.

Commentaires

  • Viviane Micaud, le 24/04/2015 à 13:44
    Je suis parfaitement d'accord avec la finalité de la réforme. Le collège doit être un collège pour tous, il doit donner les éléments pour s'intégrer dans la société ou pour continuer les études.
    Cela suppose de diminuer la liste des connaissances à transmettre et la compléter par des compétences, comme apprendre à apprendre. 
    Il faut diminuer l'énergie consacrée à donner des connaissances aux meilleurs et l'utiliser pour trouver les solutions pour que tous les élèves sachent lire, écrire, compter, connaissent les règles pour trouver un emploi et le garder. Il faut que tous les élèves puissent progresser dans leurs apprentissages.
    Je trouve ces programmes maladroits, car :
    - trop jargonneux,
    - pas assez cadrés pour la partie "connaissances à transmettre" (c'est sur quoi l'enseignant se raccroche quand il débute avec une classe), Celles-ci doivent être cadrées par année, non par cycle. 
    - trop détaillés sur les aspects compétence, il est possible de faire plus percutant.  
    Il est difficile de faire parfait, mais la pédanterie des programmes de EPS, les incohérences du programme d'histoire aurait pu être évitées avec une relecture. Je crois que le problème est que les experts sollicités étaient plus moins imprégnés des errements anciens du pédagogisme. Le CSP a cherché des compromis dans ce qu'ils ont relu. Ils n'ont pas tout relu. 
    Bien qu'ils soient imparfaits, c'est une bonne chose qu'ils aient été distribués. Ils peuvent être maintenant discutés par les enseignants eux-mêmes. N'oublions que 60% des enseignants n'ont pas voté aux dernières élections professionnelles. Ce sont eux qui sont majoritaires. Ce sont eux qu'il faut écouter.
    • thais8026, le 24/04/2015 à 15:18
      J'aimerai savoir comment apprend-on à apprendre sans rien ou pas grand chose à apprendre. Les élèves n'ont jamais aussi peu su apprendre quelque chose que depuis on essaye de leur apprendre comment faire. 
      Il y a des choses qui s'apprennent avec la pratique. J'ai beau savoir théoriquement planter un clou et bien tant que je ne l'aurai pas pratiquer je ne saurai pas le faire. Et il y a, là aussi des plus doué que d'autre : certains y arriveront du 1er coup, la majorité au bout de plusieurs essais et d'autre s'écraseront les doigts une grande partie de leur vie. Mais si vous ne vous entraînez pas, vous perdrez cette compétence.
      Pourquoi pense-t-on que le cerveau pourrait fonctionner différemment ?
      • Viviane Micaud, le 24/04/2015 à 18:37
        Moins à apprendre, ne veut pas dire rien à apprendre. Par ailleurs, il y a des enfants qui ont des différences dans les fonctionnements cognitifs. Par exemple, les dyslexiques sévères ne sauront jamais lire couramment. Ils pourront comprendre un texte avec des efforts importants. Pourtant, ils sont d'intelligence normale, donc ils peuvent acquérir les connaissances.
  • jackd, le 24/04/2015 à 10:27
    "Les programmes de 2015 responsabilisent l'enseignant et l'invitent à s'intéresser à l'essentiel : la maitrise par l'élève de ses capacités à apprendre et à maitriser l'information dans le monde d'aujourd'hui. Bien loin de prêter moins d'attention aux apprentissages des élèves les plus faibles, ces programmes s'intéressent pour la première fois à expliciter ce qu'est l'apprentissage ce qui devrait bénéficier aux élèves les plus faibles."

    C'est ça qui est important. Il s'agit de tenter de faire que le système éducatif français ne renforce plus les inégalités en rendant lisibles les apprentissages.

    Ceux qui bénéficient du système actuel (rappelons : les cadres sup, les enseignants) sont donc vent debout contre une réforme qui diluerait les avantages de leur caste ; voilà la vérité. Nous sommes bien loin du roman de la liberté pédagogique.
    • Guillaume35, le 24/04/2015 à 13:48
      "en rendant lisibles les apprentissages"... oui je suis d'accord avec vous !
      Et pour les rendre lisibles, il faut les énoncer clairement dans les programmes. C'est comme cela aussi qu'on lutte contre les inégalités. Et c'est un souhait des enseignants au niveau professionnel (et non pour leurs propres enfants !).
      Après à charge aux équipes enseignantes de faire preuve de bon sens, d'être responsables en sachant articuler, répartir efficacement ces apprentissages dans un cycle.
  • Guillaume35, le 24/04/2015 à 09:27

    Laisser croire aux enseignants qu’ils ont le choix des notions à enseigner est une fausse interprétation de la liberté pédagogique. La liberté se joue sur les méthodes d’enseignement, les programmations et progressions (qu'on peut réajuster en équipe) mais pas sur les notions à acquérir. Dans ces projets de nouveaux programmes, il y a beaucoup de flou. Un exemple en étude de la langue fin cycle 3, il est indiqué comme démarche et outils : travail sur l’homophonie lexicale et grammaticale pour maîtriser les compétences grapho-phoniques. Quels homophones ?  On ne sait pas.


    Les programmes 2008 et les progressions 2012 ont apporté un vrai sautqualitatif. Pour ma part, que ce soit en histoire-géographie, en sciences, en EPS...laconcision des attendus m'a permis de mieux cibler les objectifs de messéquences. Ces attendus n'étaient pas perçus comme une contrainte  puisqu'ils étaient présentés comme  des repères. De même les progressions annuelles proposées par le ministère pouvaient évoluer en fonction du choix des équipes pédagogiques. Ces documents étaient davantage considérés comme des outils (dont les enseignants ont fort besoin au quotidien pour préparer leur classe) que des prescriptions.

    Même si effectivement les programmes 2008 et progressions 2012 ont été jugés lourds, beaucoup d'enseignants ont néanmoins apprécié leur lisibilité. Voir ci-dessous extraits du rapport sur la consultation nationale sur les programmes 2008, décembre 2013) :

    « Il résulte du premier questionnement sur les qualités et les défauts des programmes, en dehors des considérations sur les points particuliers des contenus des programmes, une qualité unanimement saluée : la lisibilité, la clarté, la concision, la précision, l’accès facile à ces programmes pour 100 % des contributions. »
    Page 7, Rapport de synthèse nationale sur laconsultation des programmes de l’école primaire

    « Les découpages par domaines d’enseignement, parcycle et les repères annuels sont majoritairement retenus comme une qualité.100 % des contributions apportent des réponses positives sur ce point. Lesrepères d’acquisition et de progressivité ainsi que les repères annuelsconstituent pour les enseignants de bons outils en complément desprogrammes (89,28 %). Les découpages, quels qu’ils soient, par cycle, parniveau ou par domaines d’enseignement, constituent des repères que lesenseignants apprécient. Ils souhaitent que soient proposés des «progressions » et des « programmations », des « repères annuels » et des «documents d’accompagnement et/oud’application » voire des « exemples précis de mise en œuvre » ainsi que des « évaluations-types ».
    Page 9, Rapport de synthèse nationale sur laconsultation des programmes de l’école primaire

    Le CSP n'a visiblement pas pris en compte une forte demande émanant du terrain.

    • Viviane Micaud, le 24/04/2015 à 18:39
      Il faut espérer que ces demandes seront pris en compte dans la deuxième version.
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