Les profs de maths maitres des programmes avec la PAP ? 

"Les enseignants ne feront pas les programmes. Mais les programmes ne seront plus ces objets figés et intouchables que l'on connait". Pour Bernard Egger, président de l'association des professeurs de maths (APMEP), l'enseignement des maths va entrer dans une nouvelle étape avec la réalisation de la Plateforme d’Accompagnement Pédagogique (PAP), un outil totalement réalisé et contrôlé par les enseignants. Le bruit courait sur les forums des professeurs de maths depuis novembre. Bernard Egger lève le voile pour le Café pédagogique.

 

Ils sont déjà une soixantaine de professeurs de maths à préparer des vidéos et des outils d'évaluation pour alimenter la Plateforme d’Accompagnement Pédagogique (PAP) de l'Apmep. Demain, ils seront une centaine. Et les premiers chapitres des cours de maths seront en ligne en septembre 2015. A terme la PAP offrira des parcours pédagogiques couvrant toute la scolarité. Elle fera reculer l'ennui en classe espère Bernard Egger, président de l'Apmep, l'association des professeurs de maths.

 

Dans l'éditorial de la revue de l'Apmep vous dites que la PAP est réalisée en réaction avec le projet de la Khan Academy, "modèle et repoussoir".  Pourquoi ne pas vous en tenir aux vidéos de Khan ?

 

A l'origine de la plateforme il y a bien une réflexion de l'Apmep sur la Khan Academy. D'un coté il nous est apparu que la Khan Academy n'est aps ce qu'il nous faut pour enseigner les maths. De l'autre nous avons été sensible à l'énergie du projet et à l'intérêt de la classe inversée pour renouveler l'enseignement des maths. On a rencontré l'équipe de Bibliothèques sans frontières, l'organisme qui gère la Khan Academy en France, pour voir si  on pouvait infléchir et adapter la Khan Academy. Mais ce n'est pas possible. Alors nous avons décidé de créer notre propre outil.

 

Le principe en sera le même. C'est l'idée d'offrir des parcours complets d'enseignement avec une granularité fine et des possibilités de parcours transversal. Chaque parcours sera découpé en bloc de 4 ou 5 vidéos  ponctués par des évaluations diagnostiques ou formatives. Avec elles l'enseignant pourra suivre en temps réel les progrès de sa classe et adapter le parcours à ses besoins.

 

L'idée centrale c'est de ne jamais laisser l'élève seul devant les difficultés mais d'être capable, au moment où la difficulté apparait, de lui proposer une remédiation ou une aide. Les blocs seront insécables car liés à l'évaluation. Mais les parcours seront divers. Ces parcours seront proposés aux enseignants pour une utilisation en classe ou à la maison. La PAP permettra d’individualiser les parcours des élèves.

 

En quoi cela améliorera-t-il l'enseignement des maths ?

 

C'est un élément d'amélioration car il y a trois idées intéressantes. L'idée de la classe inversée : modifier le travail et la relation prof - élève. L'idée de personnaliser l'enseignement, ce que le professeur ne peut pas faire actuellement. Enfin répondre aussi au problème de l'ennui en classe. Aujourd'hui en classe on perd des élèves aussi bien au sommet qu'à la base. On n'est pas capable de distinguer exactement les difficultés d'un élève et de proposer une aide efficace au bon moment. On perd ainsi des élèves en difficulté. Et on n'est pas capable d'apporter des défis intéressants  aux meilleurs qui eux aussi s'ennuient en classe et laissent leur niveau stagner.

 

En même temps, il y a toujours une part de scepticisme dans votre présentation de ce grand projet. Vous dites qu'il y a eu tant de "faux espoirs" avec le numérique et qu'il ne suffit pas à transformer l'école.

 

Il y a tant de choses à faire bouger dans l'enseignement. L'évaluation, mais aussi la géographie de la classe, son organisation temporelle. Ce n'est aps parce qu'on pourra offrir des parcours vidéos que toutes les difficultés disparaitront. Mais la PAP contribuera à faire bouger les choses avec des vidéos de qualité et la possibilité de davantage d'autonomie des élèves dans leur parcours.

 

Aujourd'hui la difficulté de l'école c'est de faire réussir les enfants des milieux populaires. La PAP le pourra ?

 

La PAP sera une des façons de mieux adapter l'enseignement. Aujourd'hui l'enseignant a du mal à voir où sont les difficultés de chaque élève. Avec la plateforme il pourra suivre l'élève de façon individualisée et très précise grace aux évaluations. On s'appuie sur ce que savent faire des enseignants.

 

Vous avancez l'idée de 4 000 vidéos. C'est un projet énorme. Vous allez y arriver ?

 

On travaille avec des partenaires comme l'IREM, l'ARDM et on espère la société belge des professeurs de maths francophones. On a aussi des partenaires industriel qui nous aident. Mais nos ambitions iront bien au delà des 4 000 vidéos car  on proposera d'aller au delà des programmes à la découverte de la culture mathématique, par exemple l'histoire des maths.  Aujourd'hui on s'appuie sur une soixantaine de professeurs de maths qui ont déjà créé près de 200 vidéos. On va pousser le nombre jusqu'à 100. Une partie réalisera les vidéos. Une autre travaillera sur l'ensemble du projet.

 

Peu d'associations d'enseignants proposent un outil d'enseignement complet. Je ne connais que l'Apses avec ses manuels numériques. Pour l'Apses c'était bien l'idée de détourner un  programme officiel jugé mauvais pour proposer un autre enseignement des sciences économiques et sociales. Autrement dit un outil de résistance. Pour vous la PAP  c'est une façon pour les enseignants de se rendre maitres des programmes ?

 

Il y a bien dans cette décision une volonté politique. Elle se lit dans notre analyse de l'impuissance de l'Etat et de ses corps d'inspection. On ne peut plus attendre de l'Etat qu'il produise ce dont les enseignants ont besoin. Les enseignants ne feront pas les programmes. Mais les programmes ne seront plus ces objets figés et intouchables que l'on connait. On ne veut plus de programmes figés dont on ne rectifie les  erreurs qu'avec d'énormes retards tant la chaine de leur production est lourde. Avec la PAP, on aura un outil souple d'évolution des programmes. On ne fera pas les programmes. Mais on les fera bouger et vivre comme le souhaitent les enseignants de mathématiques.

 

Propos recueillis par François Jarraud

 

Editorial bulletin Apmep

La réflexion de l'Apmep sur la Khan Academy

Présentation de la plateforme

 

Par fjarraud , le jeudi 23 avril 2015.

Commentaires

  • thais8026, le 23/04/2015 à 07:58
    Depuis quand les enseignants peuvent-ils s'affranchir des programmes légalement ???
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