Collège : L'offensive de N. Vallaud-Belkacem 

Alors que la tension monte dans les collèges, la ministre de l'éducation nationale revoit sa stratégie de communication vers les enseignants. N. Vallaud-Belkacem publie très rapidement les textes modifiés lors du Conseil supérieur de l'éducation du 10 avril. Dans une lettre adressée à tous les enseignants elle répond aux arguments des adversaires de la réforme pied à pied, promettant notamment une circulaire sur l'organisation des enseignements. Les défenseurs du latin et du grec restent seuls sans réponse.

 

Les réseaux sociaux sont-ils un bon thermomètre de la fièvre des établissements ? Si c'est le cas, la ministre a du souci à se faire. Car les échanges entre partisans et adversaires de la réforme ont atteint un niveau de violence inégalé. De plus, la communication ministérielle y est faible.  Les grandes  plumes qui lui sont proches ne sont pas adaptées à ce niveau de polémique. Et on a vu ces derniers jours la ministre réduite à utiliser les comptes personnels de son équipe de communication pour tenter de se faire entendre.

 

Le nouvel arrêté encadre la globalisation des horaires

 

Aussi Najat Vallaud-Belkacem a décidé d'utiliser la force de frappe du ministère en envoyant le 17 avril un courriel à tous les enseignants du collège et en rendant public très rapidement les textes arrêtés après le Conseil supérieur de l'éducation du 10 avril. Une semaine seulement après le CSE, la Dgesco a publié le texte définitif du décret et de l'arrêté sur l'organisation du collège. S'appuyant sur ces textes, le courriel tente de couper l'herbe sous les pieds des adversaires de la réforme en répondant directement à leurs arguments.

 

Le nouvel arrêté issu du CSE du 10 avril, modifie légèrement 3 des 8 enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) comme nous l'avions annoncé : le bien-être s'ajoute au premier EPI corps et santé. La transition écologique rejoint le développement durable. La technologie se glisse entre sciences et société.

 

La modification la plus importante encadre les possibilités de moduler les enseignements sur le cycle. Lors du CSE, la Dgesco avait déclaré son intention de préciser cela et c'est effectivement fait dans l'article 10 de l'arrêté, celui qui a probablement mis le feu aux poudres fin mars. Le nouvel article reprend l'idée que "l’établissement peut moduler de manière pondérée la répartition du volume horaire hebdomadaire par discipline, dans le respect à la fois du volume horaire global dû à chaque discipline d’enseignement obligatoire pour la durée du cycle, du volume horaire global annuel des enseignements obligatoires dû à chaque élève". Il ajoute que cette modulation doit tenir compte "des obligations réglementaires de service des enseignants". Enfin, "la modulation de la répartition du volume horaire hebdomadaire est fixée pour la durée du cycle. La répartition du volume horaire doit rester identique pour tous les élèves d’un même niveau. Toutes les disciplines d’enseignement obligatoire sont enseignées chaque année du cycle". La Dgesco apporte ainsi des garanties qui répondent aux craintes des enseignants de rester sur une base hebdomadaire fixe. Elle écarte la constitution de classes particulières et la mise à l'écart d'une discipline sur une année du cycle. Deux limitations effectives au principe d'autonomie mis en avant dans la réforme.

 

Circulaire annoncée sur l'organisation des enseignements

 

Ce point important n'est pas repris dans la lettre aux enseignants. Mais celle-ci répond aux arguments des adversaires de la réforme en promettant que l'autonomie partielle accordée aux collèges ne sera pas celle des seuls principaux. Après avoir rappelé que l'horaire d''enseignement du collège passe de 110,5 à 115 heures à la rentrée 2016 et 116 heures à la rentrée 2017, la ministre explique que la mise en place des EPI et des enseignements complémentaires " ne se feront pas sans la contribution des conseils d’enseignement, ni sans l’avis du conseil pédagogique". La formulation n'est pas très habile alors que le décret mentionne le vote du conseil d'administration et que le conseil pédagogique est dénoncé  comme un organe de la direction. Mais N. Vallaud-Belkacem ajoute : "Je veillerai par ailleurs à ce que l’organisation des enseignements dans chaque établissement repose sur les personnels et les compétences en place, ainsi que sur les projets en cours. Je publierai à cet effet une circulaire qui viendra préciser les modalités de mise en œuvre de la nouvelle organisation des enseignements".

 

Réponse aux germanistes

 

Les paragraphes suivants sont consacrés aux langues vivantes et particulièrement à l'enseignement de l'allemand. Les professeurs d'allemand estiment que la disparition des classes bilangues en 6ème menace leur enseignement. Et ils ont trouvé un relais de poids chez JM Ayrault, ancien premier ministre et ancien professeur d'allemand.

 

La ministre rappelle que l'horaire de LV2 au collège est augmenté de 54 heures soit 25% de plus. La ministre promet " une nouvelle carte des langues de l’école au collège assurant la diversité linguistique et la continuité des parcours d’apprentissage des langues. Cette diversité devra bénéficier en particulier à l’apprentissage de l’allemand à l’école et au collège."

 

La finalité sociale de la réforme est insinuée en fin de la lettre. " La nouvelle organisation du collège, la création de secteurs communs à plusieurs collèges pour favoriser la mixité sociale, la nouvelle éducation prioritaire, ainsi que la réforme de l’allocation des moyens pour tenir compte non seulement des effectifs mais aussi des difficultés sociales, concourront à faire du collège, pour chaque élève, le tremplin vers la poursuite de ses études, la construction de son avenir personnel et professionnel".

 

Restent les "oublis" de cette lettre. La ministre fait l'impasse complète sur l'enseignement du latin et du grec. Certes l'arrêté validé par le ministère dans son article 7 mentionne, contrairement à ce qui a été annoncé dans la presse, les horaires de langues anciennes. Les professeurs de lettres classiques semblent être les plus mobilisés avec ceux d'allemand contre la réforme.

 

François Jarraud

 

Lettre de la ministre

Décret post CSE

Arrêté post CSE

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 20 avril 2015.

Commentaires

  • Franck059, le 20/04/2015 à 18:01
    Perte des heures d’enseignements disciplinaires au profit de l’AP et des EPI
    (horaires actuels contre horaires 2016) 

    3ème : De 28,5 h à 22 h donc – 6,5h
    4ème : De 26 h à 22 h donc – 4h
    5ème : De 23 h à 22 h donc – 1h
    6ème : De 24,5 h à 23 h donc – 1,5 h

    – 13 h x 36 semaines = – 468 h sur toute la scolarité du collège
    Cela sans compter les enseignements optionnels (Latin, euro, DP3, ...)

    La pédagogo initiée au lycée en 2010 remonte au collège, normal puisqu'elle ne marche pas...

    Mais au moins, en lycée, les TPE ne concernaient que le niveau 1ère.


    • Michel MATEAU, le 22/04/2015 à 07:12

      Perdus pour qui ...?

  • Michel MATEAU, le 20/04/2015 à 17:53

    Courage madame…

    Et si le « Café Pédagogique » sortait de sa réserve goguenarde et commode, s’engageait un peu et nous disait ce qu’il pense, lui, sur le fond de cette réforme ...?

  • Viviane Micaud, le 20/04/2015 à 08:36
    Personnellement, je connais le collège en tant que parente d'élèves très impliquée. (Par ailleurs, j'ai une expertise en gouvernance des organisations et analyse des systèmes sociaux). Pourtant, je pense que les discussion de pédagogie et de contenu des enseignements ne doivent pas référer du conseil d'administration, mais du conseil pédagogique.
    Les parents élus au conseil d'administration n'ont, en général, pas la vision concrète de ce qui est réellement possible d'enseigner. Certains utilisent des méthodes agressives apprises dans un syndicat pour imposer des doctrines pédagogiques ou des contraintes l'utilisation des sanctions, contre-productives. 
    Chacun son rôle. Pour la pédagogie, les parents-délégués sont en général profondément incompétents. Quand ils ne veulent pas le reconnaître, ils peuvent être un frein à la discussion sereine. 
    Par contre, la manière de faire progresser chaque enfant doit faire l'objet d'échange dans une situation équilibrée avec les parents de l'enfant. Les enseignants ne peuvent pas prendre en compte les convictions sur la meilleure façon d'enseigner de 25 enfants de la classe dans sa manière d'enseigner, mais il peut en tenir compte pour définir la manière d'aider un enfant qui a des besoins spécifiques en synergie avec ses parents.
    • eplantier, le 20/04/2015 à 12:25
      "Personnellement, je [...]"

      Quel "moi" gonflé ! Que ferait la France sans Viviane Micaud ? :-D
      • Viviane Micaud, le 20/04/2015 à 14:53
        Il ne s'agit pas d'un "moi" gonflé mais d'un moi "explicatif". Bien que je fasse partie des parents d'élèves, je pense que les parents d'élèves ne doivent pas être impliqués dans la réflexion sur le contenu des programmes et la pédagogie. 
        De l'avis général, il faudrait plus de personnes qui réfléchissent par elles-mêmes sur l'éducation, et moins de personnes qui dénigrent, ceux et celles qui osent transgresser les "éléments de langage" sur lesquels un ensemble de personnes avec enjeux de pouvoir se sont mis d'accord. 
        • Delafontorse, le 20/04/2015 à 18:41
          Vous savez, nous vivons une époque où le MEDEF fait la loi au Conseil Supérieur de l'Education. Alors un peu plus ou un peu moins de parents... Des parents d'élèves, il serait pourtant souhaitable qu'il y en ait au contraire un peu plus en état d'agiter leurs méninges pour faire les raisonnements suivants :

          1) L'école publique coûte trop cher à l'Etat néolibéral. A cause d'elle, les profits espérés de la vente privée de produits éducatifs ne peuvent pas assez se réaliser.

          2) L'Etat néolibéral veut donc casser l'attractivité de l'école publique en y semant une merde noire à coup de réformes toutes plus débiles les unes que les autres .

          3) Les parents et les élèves qui en ont les moyens fuient donc vers la vente privée de produits éducatifs, ce qui est le but recherché par l'Etat néolibéral et les vendus et vendeurs qui le dirigent (car le rendement sur investissement de la vente de produits éducatifs est exceptionnel : si vous investissez 1 € dans le produit éducatif, vous pouvez espérer récolter 7 € de profit. Avec la vente de voitures, vous ne récolteriez au maximum que 2 € en en investissant 1).

          4) A nous de voir si nous nous classons dans la catégories de ceux qui ont besoin pour leurs gamins d'une école publique de qualité ou bien dans celle des nantis qui se foutent pas mal de l'existence ou non d'une école publique de qualité et peuvent acheter à n'importe quel prix une éducation de qualité (ou non...) à leurs moutards.

          5) Nous ferions bien de nous garder de l'illusion que rien ne change à l'école. Du fait des agissements de l'Etat néolibéral, est en cours une grande transformation de l'école publique en garderie ludique de proximité pour les pauvres, corollaire de la promotion de la privatisation et de la territorialisation maximum du secteur éducatif pour le plus grand profit des officines d'enseignement privé, du patronat local et du secteur bancaire fournisseur de prêts étudiants. 

          6) Il est de l'intérêt des classes moyennes de se secouer le cervelet pour comprendre les points qui précèdent si elles ne veulent pas se retrouver à devoir vendre leur chemise pour acheter à leurs enfants une éducation dont rien n'assure plus qu'elle soit de qualité puisque tout ce qui importe est qu'elle soit rentable pour ceux qui la vendent.


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