Réforme du collège : Première ou dernière bataille au CSE aujourd'hui ? 

Le Conseil supérieur de l'Education (CSE) doit adopter le 10 avril la réforme du collège proposée par N. Vallaud-Belkacem. Objet d'affrontements depuis plusieurs mois, la réforme du collège ne devrait pas réussir à faire l'unanimité au CSE. La question n'est déjà plus celle de son adoption en CSE. C'est celle des réponses aux questions sur sa mise en place. La première bataille sur le collège permettra-t-elle la victoire finale ?

 

 Repoussé au 10 avril pour tenir compte de la grève du 9, le Conseil supérieur de l'Education doit adopter ou refuser les textes sur la réforme du collège. Seront aussi mis aux voix le programme d'Enseignement moral et civique, le calendrier scolaire, les parcours des métiers (PIIDMEP) et parcours d'éducation artistique et culturelle. Si le dernier CSE sur le socle a été interminable, ce CSE pourrait être plus rapide car les positions des uns et des autres sur la réforme du collège sont bien connues.

 

Interdisciplinarité et autonomie

 

La réforme du collège propose une évolution des pratiques enseignantes et du vécu des élèves. Le ministère veut impulser au collège le travail en équipe des enseignants et donner aux établissements une marge de manoeuvre leur permettant de mieux adapter le collège unique aux besoins des élèves.  Notamment il souhaite que les élèves soient mieux accompagnés. Pour atteindre ces objectifs, la réforme prévoit la mise en place d'enseignement pratiques interdisciplinaires (EPI) permettant une pédagogie  de projet autour de 8 thèmes définis.  La réforme met en place également des heures d'accompagnement et de travail en petits groupes de façon à ce que les élèves soient mieux accompagnés. Les thèmes des EPI, les volumes d'heures d'accompagnement sont gérés localement par le chef d'établissement à travers le conseil pédagogique et le CA. Le ministère est allé un pas plus loin vers l'autonomie en donnant la capacité à l'établissement de pondérer les enseignements comme il l'entend à condition de s'en tenir aux volumes horaires sur le cycle 4. Enfin la réforme s'en prend aux outils de la ségrégation sociale au collège en supprimant les dispositifs utilisés par les familles privilégiées pour naviguer dans le collège unique : classes européennes, bilangues, option latin grec.

 

Deux camps opposés

 

Cette mesure a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase des opposants à la réforme. Les ennemis de la réforme se sont regroupés en intersyndicale réunissant le Snes, le Snalc, FO, la CGT, et Sud. Il refusent "l’autonomie des établissements et la multiplication des hiérarchies intermédiaires sous l’autorité du chef d’établissement". Pour eux la réforme "institutionnaliserait le principe de mise en concurrence entre les disciplines, entre les enseignants et entre les établissements, fragiliserait la structuration disciplinaire du collège et engendrerait toujours plus d’inégalités entre les élèves". Constituée tardivement début avril, l'intersyndicale a réussi le 9 avril à mobiliser entre 16% (ministère) et 34% (syndicats) des professeurs de collège.

 

Face à eux, le camp réformiste s'est constitué autour du Se-Unsa, du Sgen, de la Fcpe, de l'Unl et de mouvements pédagogiques. Ils appellent la ministre " à ne pas dévier de la voie choisie dans la loi de refondation de l'Ecole". Pour eux, la réforme du collège doit garder ses deux objectifs ambitieux : faire acquérir à tous les élèves le socle commun de connaissance, de compétence et de culture grâce à une diversité de pratiques pédagogiques" et " redistribuer les moyens pédagogiques jusque-là réservés à des options et dispositifs ségrégatifs".

 

Le CSE et après..

 

Le problème de la ministre c'est que chaque camp est majoritaire dans son domaine. Le camp réformiste peut espérer une majorité au CSE. Mais les adversaires de la réforme sont majoritaires chez les enseignants. Ils ont la capacité de bloquer la réforme dans les établissements d'autant qu'ils peuvent aussi mobiliser chez les parents.

 

C'est sur le terrain aussi que va se jouer l'avenir de la réforme. Dans le camp réformiste le Sgen l'a compris en demandant de garantir réellement l'enseignement de l'allemand en le poussant au primaire et en revoyant les textes sur la gouvernance des collèges pour assurer une autonomie d'établissement et non l'autorité du chef d'établissement. La ministre fait des efforts depuis deux semaines pour répondre aux critiques des enseignants sur les moyens apportés à la réforme. Elle a ainsi cédé une heure hebdomadaire aux enseignants d'anglais, relevé l'enseignement de LV2 et réinventé une option langues anciennes passée à la trappe. Mais ses opposants ont un dernier allié puissant : le temps joue pour eux.

 

François Jarraud

 

Réforme du collège : le DOSSIER

Réforme et langues anciennes

Réforme et langues

Les dernières grilles

 

 

Par fjarraud , le vendredi 10 avril 2015.

Commentaires

  • Rosie, le 14/04/2015 à 11:31
    Je relève : « [la ministre] a cédé une heure hebdomadaire aux enseignants d'anglais » (comprendre qu'elle a dit qu'elle proposerait de remettre 4 heures de LV1 anglais en sixième à la place des 3 initialement prévues dans la réforme).

     On voit ici la confusion qui s'est installée chez beaucoup de gens entre LV1 et anglais.
     La LV1 en sixième, doit être, et a toujours été, la langue apprise en primaire et cette langue n'est pas obligatoirement l'anglais. Les programmes de langues vivantes en primaire concernent : l'allemand, l'anglais, l'arabe, le chinois, l'espagnol, l'italien, le portugais et le russe. Une langue vivante est enseignée en primaire depuis près de 20 ans, à partir du CE1 depuis 2007 et à partir du CP depuis 2013 (ce n'est donc pas une nouveauté comme semble le présenter la ministre en ce moment). Cet enseignement est de 54 h/année sur les cinq années du primaire.

    Ce qui fait confondre à tort LV1 et anglais c'est que l'anglais est  souvent imposé en primaire. Ceci est tout à fait regrettable, car c'est, parmi les langues proposées en primaire, une des plus difficiles à apprendre pour un Français ; et c'est celle qui y est le moins bien enseignée car les professeurs des écoles qui enseignent une autre langue que l'anglais sont des enseignants qui ont effectivement étudié cette autre langue et qui sont compétents pour l'enseigner. Encore faut-il que les professeurs des écoles qui ont un master d'allemand ou d'espagnol - ou autre  - ne soient pas obligés d'enseigner l'anglais, ce qui est malheureusement souvent le cas.

    Les professeurs d'allemand (rejoints par les professeurs de russe et d'italien chacun dans la défense de sa langue) se battent en ce moment pour défendre leur langue en collège, mais pourquoi ont-ils donc lâché l'allemand en primaire ? Ils ont quand même un argument de poids : l'allemand est plus facile à apprendre que l’anglais, surtout pour des élèves ayant des difficultés en lecture ou qui sont dyslexiques. Un des buts affichés de la réforme est d'aller vers un enseignement plus démocratique et de tenir compte des individus, alors pourquoi ne pas donner leur chance aux élèves qui ont ce genre de difficultés en leur permettant d'apprendre une langue plus facile que l'anglais en primaire de façon à ce qu'ils prennent confiance en eux ?
    Tout le monde y serait gagnant : la diversité linguistique nécessaire à l'économie de notre pays, et l'enseignement de l'anglais qui est pour l'instant la langue la plus mal enseignée en primaire,  et ceci alors que tout le monde relève le mauvais niveau des Français en langues. À souligner aussi que dans cette critique faite aux Français « langues » est aussi confondu avec « anglais », car dans les autres langues les Français ne font pas plus mal que les autres Européens.
    • Delafontorse, le 13/04/2015 à 01:46
      A l'heure où la grammaire n'est plus enseignée du tout, il n'y a pas de langue facile, pas même le français (en perdition, il suffit de corriger n'importe quelle copie de baccalauréat pour s'en apercevoir).
      Les langues à déclinaison étaient un bon moyen de continuer à apprendre la grammaire aux élèves. La réforme du collège veut les tuer. Les gouvernants ne veulent plus de citoyens en état de réfléchir sur la langue. Des citoyens capables de réfléchir sur la langue, ce sont des citoyens capables de démasquer la langue de bois des gouvernants. 
      • Rosie, le 14/04/2015 à 11:33
        Enseigner et apprendre « la grammaire » n'est qu'un des aspects de l'enseignement-apprentissage des langues vivantes qui n'est central ni à l'école ni au collège. Depuis  plusieurs décennies l'apprentissage des langues vivantes est axée sur la communication (orale et écrite). Plus les élèves vont avancer dans l'apprentissage de la langue, plus ils « feront de la grammaire » mais ça ne sera la priorité ni à l'école, ni au collège. Et pour la réflexion sur la langue, il n'est pas besoin d'une langue à déclinaison, la réflexion sur la langue est une étape d'apprentissage qui peut inclure des éléments grammaticaux, mais pas exclusivement, et c'est donc distinct de la grammaire ; et cet apprentissage  se fait à partir de n'importe quelle langue, pas besoin que ce soit une langue à déclinaison. Il n'y a aucune raison de donner plus d'importance aux déclinaisons, que par exemple (parmi d'autres) la notion d'aspect ou bien la concordance des temps.

        Par ailleurs la difficulté d'entrée dans l'apprentissage d'une langue ne s'évalue par rapport à sa grammaire mais, d'une part dans le rapport graphie /phonie de la langue enseignée (le français étant lui-même une langue avec un rapport graphie phonie faible, cela complique l’apprentissage d'une langue étrangère qui a aussi un rapport graphie phonie faible comme l'anglais) ;  d'autre part dans l'étendue respective des fréquences de la langue maternelle et de la langue en apprentissage (celles de l'anglais commence où s'arrête le français). Il est aussi important de penser la difficulté en termes de handicap et de différence entre les individus.

        Quant à la grammaire, ce qu'il faudrait peut-être aussi se demander c'est à partir de quel niveau de formation et dans quelles circonstances il faut l'appliquer de façon « stricte »*. Que faut-il privilégier et à quelles étapes de la formation de l'individu ? 
        Faire rentrer l'expression dans un cadre purement grammatical dès le plus jeune âge peut faire aussi des individus bornés avec des ornières et peu de sens critique.

        * J'emploie le mot « stricte » tout en sachant, bien sûr, qu'une langue est une matière vivante en constante évolution. La langue n'est pas faite (que) par les grammairiens et les académiciens.
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