Enseignantes : Comment se fabrique l'inégalité au sein de l'institution scolaire 

Peut-on avoir des femmes à la tête du ministère de l'Education nationale et des inégalités entre les genres à sa base ? De nouvelles sources éclairent les mécanismes de discrimination envers les enseignantes dans l'institution scolaire. Les stéréotypes de genre les alimentent pour faire que la carrière d'une professeure ne ressemble pas au final à celle d'un professeur. C'est ce que montre le colloque organisé par le groupe femmes du Snes le 26 mars et la toute nouvelle édition du Bilan social du ministère.

 

Les femmes entre plein temps enseignante et plein temps maman

 

"Dans l'éducation nationale, l'organisation du travail est souvent pensée comme favorable aux femmes. Mais elle a des effets pervers". Julie Jarty est sociologue, maitresse de conférences à l'université de Toulouse Mirail. Elle présente le 26 mars, devant le groupe femmes du Snes, les résultats d'une enquête qualitative auprès d'une centaine d'enseignantes. Son travail montre comment se créent des inégalités de carrière entre professeurs hommes et femmes alors même que la profession est très largement féminisée.

 

Dans une profession où l'identité professionnelle se fonde sur l'autonomie du temps, les femmes apparaissent comme prises dans une gestion du temps beaucoup plus serrée que les hommes du fait des tâches familiales. Elles doivent en plus du métier d'enseignante faire celui de mère. Cela les met en état de vulnérabilité envers les directions, explique Julie Jarty. Cela crée aussi un sentiment de débordement et de mal faire. Les femmes sont plus que les hommes tout le temps au travail et dans l'urgence.

 

De ce fait, les femmes ont moins le temps de travailler à leur carrière. Elles se présentent moins à l'agrégation. Elles demandent moins des inspections et donc sont moins inspectées que les hommes. Elles avancent moins vite et sont moins repérées par les inspecteurs.

 

Le coût des "emplois du temps maman"

 

Leurs besoin d'un emploi du temps qui libère des tranches pour la vie familiale les met en situation de dépendance envers la direction. Mais ça peut amener les directions à "naturaliser" leur rôle, à les renvoyer systématiquement à des stéréotypes non professionnels.

 

Pour Dominique Cau Bareille, ergonome, maitresse de conférence à l'Université de Lyon 2, les femmes s(adaptent moins à l'évolution du métier vers un surengagement. A coté des heures de cours, on demande de plus en plus aux enseignants de s'engager dans la vie de l'établissement et dans de nouvelles taches (coordination, tutorat, relations avec l'environnement de l'établissement). Or cela entre en conflit avec les tâches familiales qui retombent sur les enseignantes. D'autres éléments pénalisent leur carrière : les femmes sont davantage que les femmes en  temps partiel. On leur confie des classes moins intéressantes et leur emploi du temps est souvent moins bon. La notation administrative pénalise les périodes de maternité.

 

Un écart de rémunération qui atteint encore 8%

 

Cette vision est-elle confirmée par des données statistiques ? L'édition 2015 du Bilan social du ministère de l'éducation nationale n'apporte pas des réponses à toutes nos questions. Mais le Bilan établit nettement les inégalités entre les genres chez les enseignants dans une profession où les femmes sont majoritaires (52% des agrégés, 62% des certifié, 82% des professeurs des écoles).

 

L'écart de rémunération entre professeurs hommes et femmes est de 8% (au bénéfice des hommes). Ainsi en moyenne une femme gagne 2154 euros par mois dans le premier degré et un homme 2723. Dans le second degré, une femme gagne en moyenne 2651 euros, un homme 2853.

 

Des inégalités particulièrement nettes dans le premier degré

 

Cela s'explique à la fois par l'avancement, qui est plus rapide chez les hommes et par l'engagement dans le métier qui est plus important chez les hommes, générant des primes plus importantes chez eux. En général les hommes perçoivent 30% de primes de plus que les femmes. C'est chez les professeurs des écoles que l'écart est le plus important : 64%. Cela s'explique par exemple par le fait que les hommes sont surreprésentés chez les directeurs. Chez les certifiés l'écart de prime est de 24%.

 

L'écart existe aussi dans les promotions. Et là aussi la situation est nettement moins bonne pour les femmes dans le premier degré. Le taux de promotion par liste d'aptitude est de 68% pour les Professeurs des Ecoles (PE) femmes quand elles représentent 82% de l'ensemble de la profession. Pour l'accès à la hors classe le taux pour les femmes PE est de 69%. Dans le second degré il n'y a pas de différence de genre.

 

Il reste donc bien du travail à faire pour assurer l'égalité entre les genres dans l'Education nationale. Le colloque du Snes a relevé également le maintien de phénomènes de harcèlement particulièrement entre directions et enseignantes.

 

François Jarraud

 

Bilan social 2015

 

 

Par fjarraud , le vendredi 27 mars 2015.

Commentaires

  • amorin, le 27/03/2015 à 17:03
    "De nouvelles sources éclairent les mécanismes de discrimination envers les enseignantes dans l'institution scolaire."  Elément n°1 : "Elles doivent en plus du métier d'enseignante faire celui de mère. "
    Cet argument est d'ordre totalement privé. Je ne vois pas en quoi il s'agit d'un mécanisme de discrimination. L'institution scolaire n'est en rien responsable et/ou coupable des décisions des couples.
    Je ne sais pas si les reste de l'étude est aussi sérieux que le premier élément présenté mais je crains le militantisme malhonnête. Et une fois encore, on essaie de mettre sur le dos de l'Education Nationale des choses qui ne relève pas d'elle.
    • amalric, le 27/03/2015 à 19:44
      Personne n'oblige qui que ce soit à enfanter....un demi siècle de contraception plutôt fiable donne aux femmes et aux hommes  le libre choix (respectable) d'être parent.

      Après si on peine à assumer...
  • David_M, le 27/03/2015 à 10:16
    On peut aussi se poser la question de savoir si le niveau de salaire d'un professeur, un des plus bas de l'OCDE, est lié au fait que c'est un métier fortement "féminin".
Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces