Par quel bout de la lorgnette fait-il regarder l'Ecole ? Le 5 mars 2015, la Commission d'enquête "Service public de l'éducation, repères républicains et difficultés des enseignants" du Sénat entend sous serment l'inspecteur général Jean-Pierre Obin et l'ancien recteur et président du CSP Alain Boissinot. Et, dans la même journée, ce sont deux visions opposées de l'Ecole qui sont proposées aux sénateurs.
"On a disqualifié la sanction", expose Jean-Pierre Obin. Les résultats ne se sont pas faits attendre. Il évoque les manquements à la minute de silence de janvier dernier. De là on passe à "la surenchère de groupes qui travaillent les élèves d'origine musulmane" et une jeunesse "qui fait sécession de la nation française". Jean-Pierre Obin présente aux sénateurs une jeunesse prête à en venir aux mains entre les jeunes fondamentalistes musulmans et "la moitié des jeunes acquis aux idées du Front national". Pour lui la situation s'est fortement aggravée depuis son rapport publié en 2006. Jean-Pierre Obin fait devant les sénateurs comme dans ce rapport. Il distille de menus faits, le témoignage de tel principal dans telle académie, et leur donne valeur de réalité nationale. Alimentant ses cauchemars, il dénonce le déclin de l'autorité, responsable de la guerre civile en gestation.
Sans le savoir, c'est Alain Boissinot qui lui répond quelques minutes plus tard devant la même commission. Pour lui, "la société projette ses doutes sur l'Ecole". Revenant sur les incidents qui ont accompagné la minute de silence de janvier dernier, il remarque que "compte tenu de la masse des élèves concernés" et aussi du caractère des adolescents, "ce qui serait surprenant c'est qu'il n'y ait pas eu d'incidents". Pour lui la minute de silence est une erreur. "Les valeurs républicaines ne sont pas données d'avance. Elles sont à construire" et la minute de silence est inadaptée. Avec elle, "on provoque des incidents". L'Ecole ne souffre pas de manque d'autorité mais de manque d'éducation. L'Ecole française est historiquement orientée vers l'instruction. "Il faut réinvestir l'éducation". Si l'école doit contribuer aux valeurs républicaines, "ce n'est pas par une minute de silence mais par une mission éducative".
Entre ces deux visions, la nouvelle majorité de droite du Sénat semble avoir tranché en accordant un exposé d'une heure à JP Obin et quelques minutes à A Boissinot.
François Jarraud
Au Sénat