Quand le collège passe au "sans note" : épisode 4 : Après le dégonflage du débat sur l'évaluation 

Quel impact a eu le crash de la conférence sur l'évaluation sur l'expérience de classe sans note suivie par Frédéric Jovi ? Depuis la rentrée, nous suivons grâce à Frédéric Jovi, professeur de technologie, les étapes de la mise en place d'une nouvelle évaluation par compétences dans ce collège. Vous retrouverez régulièrement le récit de cette expérience dans Le Café pédagogique.

 

Trois conclusions

 

Depuis ce début d'année scolaire, je participe à une expérimentation sur la disparition de la note pour deux classes de 6ème dans mon collège. Enthousiaste à l'idée d'un changement et souhaitant faire évoluer mes pratiques dans l'évaluation des élèves, je me suis impliqué très activement. Tout d'abord en acceptant de recevoir une formation ou plutôt participer à une réflexion sur le sujet, mais aussi en trouvant une solution pour un outil de suivi numérique "maison". Je peux dire aujourd'hui que le temps passé dans ces deux situations est excessif... Et j'ai huit autres classes... Après deux trimestres je peux tirer trois conclusions sur la formation, le débat note / pas note et le suivi de l'évaluation.

 

La Formation

●         Aucune formation ou information collégiale ni même une réflexion générale ne sera assez fournie, ou répondra suffisamment au besoin de chaque discipline.

●         Les connaissances  pré-requises de chaque enseignant dans ce domaine sont bien trop insuffisantes pour espérer évoluer rapidement dans ce domaine et mettre en oeuvre l’expérimentation dès la rentrée. Il faut donc penser bien en amont à une formation sur les connaissances nécessaires  ("qu'est ce qu'une compétence, une tâche complexe etc. ?") et à une application disciplinaire pointue. Les enseignants ont tendance à rester campé sur leurs positions, en tout cas celles qui connaissent et maîtrisent, et ont du mal

 

Le débat "Notes, pas notes..." :

●         Dire qu'il faut supprimer les notes me semble faux. Supprimer les moyennes est plus judicieux.

●         Il ne faut pas se tromper et dire que l'on évalue que des compétences. Les savoirs et savoir-faire sont évalués (peut-être avec des notes...)

●         Les programmes actuels (2008 concernant ma discipline) ne sont pas forcément bien écrits pour permettre un choix dans les critères d'évaluation ou des niveaux d'exigence. Il faut donc redonner du sens à l'évaluation des savoirs et savoir-faire en définissant comme objectif les compétences qui doivent être acquises. Les programmes doivent donner des recommandations sur les niveaux d'exigence et définir des compétences. La moyenne reste à mon sens inutile mais la notation peut permettre l'évaluation des savoirs et savoir-faire. Les compétences quant à elles seront acquises ou non, ce qui n'empêche pas la prise en compte des notes des savoirs. Les compétences sont le niveau ultime de maîtrise.

 

L'outil numérique de suivi

●         Après de longues recherches et des tests sur plusieurs solutions, SACOCHE apporte tout ce dont un établissement a besoin dans le suivi et le bilan du niveau des élèves. Petit bémol, la prise en main n'est pas forcément facile et nécessite une formation pour que l'ensemble des enseignants soit opérationnel rapidement.

●         Avoir conçu notre propre bulletin et notre outil de saisie partagée a permis d'en simplifier la présentation et son accessibilité (Cloud avec accès nominatif + publipostage des bulletins) mais a compliqué sa mise en route et sa maintenance à moyens termes. Il n'existe pas d'outil totalement parfait et la mise en oeuvre ou paramétrage restent délicats.

 

Il y a une forte nécessité d'un outil numérique donné (gratuit) par le ministère et commun à tous les établissements pour permettre une prise en main rapide (formation intégrée au cursus de l'enseignant) et une maintenance efficace et rapide. Un véritable suivi entre cycle, établissement ou académie peut alors être enfin existant. Il faut arrêter de s'appuyer uniquement sur les compétences et le "dépatouillage" local.

 

La réforme, un nouvel espoir ?

 

Une impression de Pschiiiiiit..... Le ballon de baudruche.... Après les déclaration de la Ministre, force est de constater que tout le travail engagé par les commissions, groupes de travail et expérimentations de terrain a été mis de coté sans état d'âme. Pour ne citer que lui, Pierre Merle a présenté les résultats d'études psycho-sociologiques qui montrent à quel point il est nécessaire de changer notre système d'évaluation.  De mon coté je ne serai pas si accablant concernant les notes, mais les moyennes me dérangent depuis que j'enseigne (15 années). Comment peut-on suivre une progression alors même que les moyennes les linéarisent ? Une des dérives dans l'interprétation des moyennes est de comparer entre eux les résultats trimestriels d'un élève : "Le second trimestre doit être meilleur que le premier...." Oui à condition que ce soit les mêmes savoirs, savoir-faire ou compétences qui sont évalués ! On appellerai ça alors une progression ! La moyenne représente donc pour le système éducatif un outil de statistique qui fausse les résultats réels des élèves... Combien de fois ai-je entendu "passage sous réserve d'un 3eme trimestre meilleur" ? Cette dernière phrase pourrait prêter à polémique...

 

Ma conclusion sur ce dispositif

 

Mais comment faire pour synthétiser la réalité et la complexité du niveau d'un élève ?  La réponse est: "Nous n'évaluons pas des paquets de lessive !" Je pense que nous sommes obligés de passer forcément par un document détaillé, lisible par les familles faisant apparaître les niveaux de connaissances et de savoir-faire et que le document de synthèse (le bulletin trimestriel) ne doit être que le bilan de compétences acquises ou non.

 

Autrement dit, un suivi en deux temps:

●         Un suivi régulier sur "l'état" des savoirs et savoir-faire

●         Un bilan sur la capacité à les mettre en oeuvre dans des tâches de plus en plus complexes. Les documents que j'ai pu créés et les recherches faites en amont pour trouver un système d'évaluation efficace, lisible et suffisamment précis, doivent encore évoluer. (voir articles précédents et documents à télécharger)

 

Ce dispositif nous fait nous poser de bonnes questions sur nos pratiques, sur le but de l'évaluation et surtout sur la façon dont on doit mesurer une progression d'élève.

 

Frédéric Jovi

Enseignant de Technologie

 

Episode 3

Episode 2

Episode 1

 

Par fjarraud , le mercredi 04 mars 2015.

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