Evaluation : Qui a peur du grand méchant math ? 

Alors que le ministère de l'éducation nationale s'apprête à rendre son verdict sur les modes d'évaluation, l'équipe de Pisa, l'évaluation internationale de l'OCDE, publie une analyse sur l'évaluation en math qui montre la place des facteurs psychologiques et du contexte de l'épreuve  dans la réussite. Est-ce à dire qu'un exercice de maths évalue autre chose que des connaissances ? Comment dans ce cas préparer les élèves à le réussir si le contexte, quelque chose qui dépasse le savoir disciplinaire, a sa place dans ce qui est évalué ?

 

Le rôle du stress dans la réussite

 

"Selon les résultats de l’enquête PISA 2012, les pays et économies où les élèves tendent à faire état de niveaux plus élevés d’anxiété vis-à-vis des mathématiques sont aussi ceux où ils tendent à obtenir de moins bons résultats dans cette matière", annonce Pisa à la loupe n°48, une publication de l'OCDE. Pisa permet d'établir cette corrélation entre le niveau des élèves et l'anxiété déclarée par les élèves en maths. En Finlande  en Suisse, aux Pays-Bas, en Allemagne, les élèves ont un taux de stress très faible envers les maths et ils ont un taux de succès au plus haut. Inversement en Argentine, au Brésil, au Mexique, les maths terrorisent les élèves et leurs résultats sont très faibles. Evidemment cette corrélation n'explique pas tout. Par exemple les jeunes Singapouriens ou les élèves de Shanghai ont un taux de stress moyen mais leurs résultats ne le sont pas. En France d'ailleurs on se sort plutôt bien d'un niveau de stress élevé. Pisa interroge les élèves sur ce qu'ils ressentent face aux maths. Et là les notes apparaissent comme le premier facteur de stress. "Je m'inquiète à l'idée d'avoir de mauvaises notes". Ajoutons que ce stress est particulièrement ressenti par les filles et qu'il contribue à leur échec.

 

 

 

La culture scolaire contre la réussite de tous ?

 



Plus intéressant, Pisa permet d'observer l'influence de l'environnement scolaire. Par exemple, le classement. " Les élèves obtenant de bons résultats en mathématiques, mais fréquentant un établissement où les autres élèves obtiennent de meilleurs résultats qu’eux, tendent, en moyenne, à faire état d’une plus grande anxiété vis-à-vis des mathématiques que les élèves affichant un niveau de performance similaire, mais fréquentant un établissement où les autres élèves obtiennent de moins bon résultats qu’eux. Dans certains systèmes d’éducation, la réussite des élèves se mesure en fonction de leur capacité à faire mieux que leurs pairs, l’éducation apparaissant alors comme un jeu à somme nulle", écrit l'OCDE. Et là la FRance se classe dans les pus mauvais systèmes. L'anxiété des élèvs fra,çais est parmi les plus fortes lorsque leurs pair obtiennent de meilleurs résultats.

 

Pisa 2009 avait souligné l'importance du stress dans les résultats des élèves français, lisible dans la masse des questions non répondues. Mais déjà en 2005, Emmanuelle Neuville et Jean-Claude Croizet attiraient l'attention dans le Café pédagogique sur l'importance du contexte scolaire dans la production intellectuelle. " Il semble que, au delà des capacités intrinsèques de l'élève, le contexte de la classe et les réputations qu'il véhicule apparaissent comme de puissants régulateurs de la performance scolaire", écrivaient-ils. "Ici, la peur de ne pas paraître « intelligent » ou celle de confirmer une mauvaise réputation pourrait donc contribuer à la production intellectuelle en l'altérant". Un exemple frappant est donné à travers les résultats à un exercice, largement mauvais quand on le présente comme de la géométrie et largement bons quand on le présente comme du dessin.

 

Que peuvent faire les profs ?

 

" Les professionnels de l’éducation devraient se préoccuper du fait que la majorité des élèves éprouvent de l’anxiété vis-à-vis des mathématiques. Les enseignants qui utilisent des méthodes pédagogiques formatives avec leurs élèves, en leur indiquant par exemple s’ils travaillent bien en mathématiques, quels sont leurs points forts et leurs points faibles, et/ou ce qu’ils doivent faire pour progresser, les aident à faire diminuer leur niveau d’anxiété", explique l'OCDE. L'organisation nous invite donc à prendre en compte le statut de l'évaluation et sa forme. Deux préoccupations qui sont au coeur de la démarche engagée par le ministère sur l'évaluation.

 

Comment est-il possible de remédier à de tels effets ? Même si l'approche psycho-sociale que nous proposons ne constitue pas l'unique explication à certains problèmes scolaires, elle a l'avantage de situer le problème dans le contexte classe plutôt que dans le manque de capacités intellectuelles des élèves. Il est dès lors plus facile pour l'enseignant de changer des éléments de ce contexte afin d'aider ses élèves en difficulté. En 2005, Emmanuelle Neuville et Jean-Claude Croizet posaient des pistes. "Cela peut se traduire, par exemple, par un moindre recours aux oppositions garçons / filles au sein de la classe pour éviter de rendre une identité de genre (et les réputations associées à cette identité) plus saillante qu'elle ne l'est déjà. Cela peut également se traduire par une action sur la situation en elle-même, pour la rendre moins évaluative. Bien qu'il semble difficile de faire croire aux élèves que certains examens (brevet, baccalauréat) n'ont pas pour objectif d'évaluer leurs compétences, l'enseignant dispose tout de même d'une marge de manoeuvre pour manipuler l'habillage des exercices (rappelons nous que la simple étiquette géométrie ou dessin change la performance d'un élève réputé négativement sur le plan intellectuel). Ainsi présenter les activités scolaires comme finalisées par un but qui n'est pas l'évaluation des compétences des élèves mais plutôt comme un projet de classe... pourrait alors avoir des effets bénéfiques sur une performance très dépendante du contexte social dans lequel elle est produite". Tout était déjà dit.

 

François Jarraud

 

Pisa à la loupe

Neuville et Croizet

Pisa 2009

La conférence sur l'évaluation

LPC ou pas ? Quelle évaluation ?

 

 

Par fjarraud , le vendredi 13 février 2015.

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