L'autisme entre école et famille : Soutenir et agir autrement 

Au cours de la dernière décennie, les questions complexes relatives au développement des personnes ayant un trouble du spectre de l’autisme ont retenu l’attention des chercheurs, des intervenants et des familles. Plusieurs travaux publiés témoignent de la croissance continue des préoccupations des uns et des autres, aussi bien dans l’espace nord-américain qu’en Europe. C’est dans ce sens que des chercheurs issus des domaines variés (éducation, psychologie, psychoéducation) se sont réunis afin de fournir une analyse commune des écrits portant spécifiquement sur le vécu de la famille de la personne ayant un TSA. Telle est l’orientation principale de ce livre.

 

Céline Chatenoud, vous avez dirigé la publication du livre « La famille et la personne ayant un trouble du spectre de l’autisme : comprendre, soutenir et agir autrement», qu’est-ce que le lecteur va trouver dans cet ouvrage ?

 

On y trouve une analyse de tous les articles scientifiques publiés entre 2001 et 2011 portant sur le vécu des familles que nous avons recensés à l’aide des bases de données des revues scientifiques. Il s’agissait pour nous de faire l’état de tout ce qui a été écrit au sujet du vécu des familles du point de vue par exemple de leurs caractéristiques particulières, de leurs stratégies d’adaptation, de leur qualité de vie, de la résilience… Nous avons posé un regard sur ces écrits en inscrivant notre analyse dans le courant de l’analyse systémique déjà bien développée en ce qui concerne la déficience intellectuelle. On propose au lecteur une réflexion sur ces différents éléments issus de la recherche dans une perspective systémique qui considère que chaque famille est unique et qu’il faut être très réservé sur les généralisations. Nous voulions proposer une lecture dynamique de cette revue de littérature, non pas pour dire « le vécu des familles, c’est ça » même s’il y a des éléments communs qui apparaissent mais montrer surtout une dynamique qui est présentée dès le premier chapitre par la professeure Turnbull qui a beaucoup travaillé auprès de familles depuis de nombreuses années.

 

Qu’entend-on par approche systémique ?

 

Il s’agit de situer le vécu unique de la personne ayant un trouble du spectre de l’autisme au sein d’une dynamique familiale qui est elle aussi unique, y compris par sa manière de s’inscrire et d’évoluer dans son milieu social, son environnement de la petite enfance à l’âge adulte.

 

A qui est destiné cet ouvrage au-delà d’un lectorat universitaire ?

 

Il est le fruit du travail de douze chercheurs venant de diverses universités françaises, québécoises et des Etats-Unis. Nous sommes partis d’une première sélection de 4000 articles environ parmi lesquels nous avons sélectionné ceux qui évoquaient des recherches auxquelles les familles avaient elles-mêmes participé. Cette sélection nous a très rapidement amené à avoir une visée de formation des intervenants – enseignants, éducateurs, travailleurs sociaux… - afin qu’ils prennent connaissance de l’expression du vécu des familles et que l’on contribue à sortir d’un schéma d’intervention qui ne se centre que sur l’enfant dans un modèle d’expertise et de prescription du type « éducation parentale ». Les milieux de formation sont donc le premier lectorat visé, nous proposons une ressource en formation pour ceux qui se demandent comment soutenir les familles et les personnes ayant un trouble du spectre de l’autisme. Et puis, évidemment, cela s’adresse aux parents eux-mêmes, aux familles, pour les aider à réfléchir sur le soutien qu’ils peuvent rechercher tant auprès de leurs réseaux informels que des réseaux formels de services.

 

En quoi le milieu scolaire peut-il se sentir particulièrement concerné ?

 

A elle seule, l’école ne peut pas tout pour l’éducation des enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme, mais comme pour tous les autres intervenants, ces enfants sont des élèves qui amènent des défis qu’elle doit affronter en collaboration avec les parents, et en soutien à ces derniers.  La question se pose donc pour chaque enseignant de savoir comment il peut aider la famille et comment la famille peut l’aider pour réussir ensemble la meilleure réussite scolaire de l’élève. Nous avons tenté de montrer comment enrichir la relation école-famille qui nous semble un enjeu important. Ici, à l’UQAM, nous utilisons d’ores et déjà les résultats de la recherche et le livre dans la formation initiale et continue des enseignants en adaptation scolaire pour lesquels la collaboration école-famille est si importante.

 

Quels sont pour vous personnellement les points forts que vous retenez de cette recherche et de la publication?

 

Ce que j’ai trouvé passionnant, c’est d’avoir un regard multiple sur ces études-là et qu’on parviennent ainsi à sortir du seul point de vue descriptif et statique habituel. Au-delà des données, il faut une grille de lecture pour aller plus loin, réhabiliter notre ancrage de chercheurs dans un courant de pensée qui est celle du soutien aux familles dans une perspective qui nous est antérieure. L’autre chose que je trouve vraiment passionnante c’est qu’il y a, dans les recherches qu’on a explorées, vraiment un mouvement : dans les années 2000 à 2005 on se limitait à décrire les difficultés de ces familles en terme de stress, d’anxiété, se penchant avec condescendance sur cette fameuse mère qui n’arrive pas à répondre aux besoins de ses enfants etc. et on voit maintenant, à partir de 2005-2006 des études qui s’intéressent à la notion d’adaptation, de qualité de vie, de résilience familiale, des choses qui donnent plus d’espoir, qui portent moins sur la description des caractéristiques que sur les manières d’agir des personnes, leur expression de besoins de soutien. Et ce qu’elles disent, c’est surtout qu’elles ont besoin d’accéder à des services d’éducation de qualité, éventuellement avec un soutien financier mais pas qu’on agisse sur elle ou à leur place.

 

Propos recueillis par Jean Horvais

« La famille et la personne ayant un trouble du spectre de l’autisme : comprendre, soutenir et agir autrement ». Sous la direction de Céline Chatenoud, Jean-Claude Kalubi, Annie Paquet ; préface de Jean-Marie Bouchard. Montréal, Qc : Éditions Nouvelles, [2014]

 

 

Par fjarraud , le jeudi 12 février 2015.

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