Redoublement : Oser affronter les tensions 

Depuis des années l'institution scolaire est entrée en guerre avec le redoublement. On attend d'ailleurs dans les semaines à venir un nouveau décret qui le rendra de fait rarissime. Or ces campagnes n'ont pas fait reculer les croyances des parents et des enseignants dans les vertus du redoublement. Et par suite elles ont relativement échoué à sortir le système éducatif de sa situation particulière de 'champion" du redoublement. Gageons qu'on ne règlera pas plus le problème avec un nouveau décret. On prendra juste le risque d'une mobilisation des enseignants passablement excédés en ce moment.

 

Si le recul du redoublement s'apparente à un défi c'est que le sujet n'est aps que scientifique ou administratif. Le redoublement est une pratique sociale qui se noue autour de tensions. L'institution scolaire aurait intérêt à oser affronter réellement ces tensions plutôt qu'à les gérer à coup de texte réglementaires.

 

La première tension c'est que le redoublement est aussi une pratique de gestion de la classe. C'est aussi par la menace du redoublement que l'ordre scolaire, qui est indispensable à la réussite éducative, est maintenu. Si on supprime le redoublement sans prendre en compte cette dimension on déséquilibre le système éducatif, on rend le métier enseignant encore plus difficile et on aggrave notablement les tensions dans le système. La réponse c'est le travail surla gestion de la classe. C'est d'ailleurs ce qui se pratique dans les 4 collèges parisiens présentés par le Cnesco. Evidemment cela suppose un accompagnement et une formation des enseignants.

 

Une autre tension est chez les parents. Le redoublement est un outil pour éviter une réorientation vers la voie professionnelle. On peut y remédier en expliquant aux familles que la voie professionnelle peut être une voie de réussite. Encore faut-il être crédible. On trouve d'excellents lycées professionnels où les élèves se forment et s'épanouissent. Ceux là d'ailleurs sont bien repérés par les familles et cela se répercute sur l'orientation en fin de 3ème. On trouve aussi des voies professionnelles ghettoïsées et sans perspectives. Pour lutter contre le redoublement il est impératif d'investir réellement dans cette voie et de lutter contre la dégradation de filières ou d'établissements.

 

Pourquoi rappeler tout cela ? Parce que la motivation de l'institution pour faire baisser le taux de redoublement ces dernières années ne vise pas uniquement la réussite éducative de tous ou la lutte contre le décrochage mais aussi les énormes économies que permet la réduction du redoublement. Si l'on vise la fin de cette pratique néfaste, la réussite et l'épanouissement des enfants, il va falloir réinvestir les gains financiers vers ces élèves et leurs professeurs. C'est la seule façon de rendre le redoublement inutile et de réduire les tensions qui lui permettent encore aujourd'hui d'être indispensable. A défaut, comme le montre une étude de la Depp, la baisse du taux de redoublement ne profitera qu'aux classes moyennes.

 

François Jarraud

 

La baisse de redoublement et les enfants de cadres

 

 

Par fjarraud , le mardi 27 janvier 2015.

Commentaires

  • Franck059, le 27/01/2015 à 11:51
    Je ne cesserai jamais de le répéter :

    Le fait de passer de classe en classe, c'est à dire de changer de niveau, automatiquement envoie le message suivant : tu peux ne pas travailler, ne pas faire d'effort, de toute façon tu passeras dans le niveau supérieur.
    Niveau supérieur dans lequel tu finiras bien sûr par ne plus rien comprendre et où tu développeras ton sentiment d'exclusion.
    Qui plus est, tu apprendras beaucoup plus tard, avec une extrême violence que le fait de ne pas travailler n'aboutit à rien. Mais il sera trop tard (c'est en cela que c'est violent) on t'aura menti pendant de nombreuses années, on t'aura fait croire que tout était facile... Quand tu découvriras le pot aux roses, il sera trop tard, il te restera un goût amer de l'école...
    • Viviane Micaud, le 27/01/2015 à 15:25
      En effet, Frank vous avez raison. La question est bien d'inciter les enfants à s'investir dans l'effort scolaire sans avoir l'outil de la "menace du redoublement".  
      Cependant vous savez aussi bien que moi que cet outil s'adresse aux élèves moyens, les élèves en grandes difficultés sont évacués vers le haut. Ce qui crée des malentendus et des frustrations. 
      Comme par ailleurs, les intégristes de la suppression des notes empêchent tout débat constructif sur l'évaluation, je comprends le désarroi des enseignants. (La suppression de toute notation n'est pas possible après la 5ème, sauf dans le cadre d'une expérimentation, sauf sur un public choisi).
      Personnellement, je pense qu'il faut être clair sur ceci :"Le niveau acquis sur chacune des compétences en fin de 3ème détermine les parcours qui seront possibles ou impossibles après la 3ème.".Aussi, cela vaut toujours la peine de faire des efforts. 
  • Viviane Micaud, le 27/01/2015 à 10:30
    Je trouve cet article extrêmement pertinent. Par contre, je ne comprends pas la nécessité d'un nouveau décret à court terme. Le redoublement a déjà été banni jusqu'en fin de 3ème. Tant que l'affectation en filière de professionnel par un logiciel aveugle n'est pas supprimée, il n'est pas souhaitable d'aller plus loin que le précédent décret pour le palier d'orientation de fin de 3ème.

    Ces deux phrases sont d'une extrême pertinence. "C'est aussi par la menace du redoublement que l'ordre scolaire, qui est indispensable à la réussite éducative, est maintenu. Si on supprime le redoublement sans prendre en comte cette dimension on déséquilibre le système éducatif, on rend le métier enseignant encore plus difficile et on aggrave notamment les tensions dans le système.". En effet, la suppression du redoublement, doit être accompagné par un soutien aux enseignants pour changer les pratiques de gestion de classe. C'est là où se trouve la clé de la réussite pour la suppression du redoublement jusqu'en fin de 3ème.

    Sur l'orientation vers le professionnel, j'ai l'impression que l'éducation nationale est toujours dans le refus de voir que le principal problème est l'affectation par un logiciel aveugle qui ne prend pas en compte la motivation et qui ne permet pas à l'élève de se projeter dans un métier futur. C'est bien cela qui crée la hiérarchie des filières et la ghettoisation de certains établissements. 
    Il faut mieux une sélection par des humains motivés pour faire réussir les jeunes, qu'une sélection par un logiciel aveugle qui utilise principalement des notes. Bien sûr, il y aura des biais en fonction du ressenti des personnes qui feront la sélection, mais ils seront infiniment moins catastrophiques que ceux du processus actuels qui éliminent les élèves motivés pour un métier qui ont toutes les compétences pour réussir, pour celui qui ne sait pas ce qu'il veut faire mais qui a eu un demi-point supplémentaire sur une matière à fort coefficient.
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