La ministre de l'éducation nationale a annoncé le 19 novembre une série de mesures pour faire face aux difficultés de recrutement de professeurs des écoles en Seine-Saint-Denis. Dans quelle mesure apportent-elles des solutions réelles à un département où il manque au moins 500 postes de professeurs des écoles ? Le 20 novembre, la majorité des écoles du département sont en grève.
Un département hors norme
"Longtemps on s'est battu pour des créations de postes, là on se trouve face à quelque chose de désarmant les postes ne sont pas pourvus", nous confiait le 9 novembre Nathalie Steinfeld, secrétaire départementale "écoles" du Se-Unsa 93. Selon ce syndicat il manque 450 enseignants pour le seul 1er degré dans le département soit 5% des effectifs. Au même moment, le ministère estimait que "la situation est en amélioration" puisque de 263 postes restés non pourvus au concours de professeur des écoles en 2013 on est passé à "seulement" 53 en 2014. Entre temps le nombre d'élèves n'a cessé d'augmenter dans le département le plus jeune de France. On compte 20 000 élèves en plus en 10 ans, près de 3000 à cette rentrée. Alors, le manque d'enseignants est partiellement couvert par le recrutement de contractuels. 322 ont été recrutés depuis la rentrée. Dernier élément du tableau : dans ce département où la moitié des écoles et établissements sont prioritaires, enseigner demande un sacré engagement et le département est très peu attractif. Une quarantaine d'enseignants auraient démissionné depuis la rentrée. Un enseignant sur trois demande à quitter le département chaque année.
Un concours exceptionnel
Le 19 novembre, N Vallaud-Belkacem a présenté 9 mesures spécifiques pour ce département. La plus importante est la création de 500 postes dans le premier degré. Le ministère va les inscrire aux concours ordinaires de 2015 à 2017. Mais il crée aussi un concours particulier national et exceptionnel pour la Seine Saint-Denis proposant 500 postes. Le concours aura lieu les 19 et 20 mai pour les épreuves d'amissibilité et les inscriptions seront ouvertes le 3 février. Le ministère souhaite attirer par ce concours les candidats de qualité qui n'ont pas été retenus dans des académies excédentaires comme Bordeaux ou Toulouse. En cumulant les deux mesures, hausse des postes offerts au concours normal et concours exceptionnel, le ministère souhaite réussir à toucher 500 nouveaux enseignants. Le ministère proposera aussi dès la rentrée 2015 une formation en alternance aux concours de l'enseignement sur les deux années de master. Les étudiants seront rémunérés à hauteur du smic. Enfin le ministère soutiendra davantage les enseignants contractuels. Un concours spécifique sera mis en place à la rentrée 2016 "reconnaissant l'expérience des contractuels" grâce à des épreuves adaptées. En attendant le rectorat de Créteil met en place des formations spécifiques pour les contractuels à raison de 6 sessions de formation d'une demi-journée par an. Les prochaines années les contractuels seront recrutés dès juin juillet et une formation leur sera donnée avant la rentrée , promet le ministère.
Mieux affecter les titulaires ?
Pour lutter contre la fuite des zones les plus difficiles du département, le ministère s'engage vers une modification des procédures d'affectation. "Pour les professeurs des écoles stagiaires, les lieux de stage seront définis avant que les mouvements des titulaires ne s’effectuent", annonce le ministère. "Les autorités académiques veilleront à ce que les lieux de stage soient adaptés à la prise en charge d’une première classe (les classes de CP par exemple seront évitées) et que la présence d’un tuteur expérimenté soit assurée (professeur des écoles maître formateur, maître d’accueil)". Pour les titulaires, "les opérations de mouvement de titulaires devront dans le département veiller à ce que des secteurs géographiques ne se retrouvent pas « dégarnis » et de fait à ce que le recours à des contractuels ne se concentre pas dans certaines écoles. Le calendrier et les règles du mouvement devront donc être retravaillés en conséquence". Voilà qui risque de créer de nouveaux mécontents...
Les syndicats insatisfaits
C'est justement les titulaires qui sont oubliés selon le Se-Unsa. Le syndicat demande des mesures permettant de quitter le département plus facilement. Actuellement il faut parfois attendre 27 ans pour pouvoir obtenir une mutation dans un autre département. Le Snuipp 93 partage cette analyse et demande de la reconnaissance pour les enseignants du département. Pour lui "la question de postes à créer est sous estimée". Le Snuipp 93 demande 4 100 créations de postes. Pour lui les 500 postes ne permettront pas à la fois de faire face à la croissance démographique et au besoin de maitres surnuméraires.
François Jarraud