Le milliard des enseignants 

Au bout du "chantier des métiers" qu'ont gagné et qu'ont perdu les enseignants ? La réponse n'est pas simple même si les désillusions sont la trace la plus visible de ces deux années de négociations.

 

"On a amélioré la condition d'exercice des personnels avec plus d'un milliard d'euros en plus pour les personnels". Ces propos de N Vallaud-Belkacem tenus le 13 novembre à l'issue des "chantiers métiers" laissent songeurs. Un milliard pour les enseignants, vraiment ? Cela ferait quand même 1000 euros par professeur. On les aurait vu passer ! Certes il y a eu un effort financier pour les enseignants. L'ISAE des professeurs des écoles c'est 130 millions. La réforme du prioritaire c'est 87 millions de primes en plus pour les enseignants concernés (ils sont 119 000). Mais on a eu beau reprendre tous les chiffres... Impossible de savoir comment la ministre arrive à ce chiffre hautement médiatique du milliard. Ou alors la ministre confond l'augmentation de son budget avec la revalorisation des enseignants ?

 

Peut-être ce nombre n'est -il là que pour occulter le grand loupé des chantiers métiers : la revalorisation salariale des enseignants. Évidemment les enseignants partagent avec les autres agents de l’État le gel des salaires, c'est-à-dire la baisse en euros et en évolution du pouvoir d'achat depuis 5 ans. Bien des enseignants m'ont confié ne plus lire leur feuille de  paye pour ne pas marquer leur déception. La réalité vécue des professeurs c'est cela, et non le milliard.

 

Un apport positif des chantiers métiers, c'est le dépoussiérage des décrets 1950. Le nouveau texte est simple, cohérent. Il fixe des principes simples à appliquer. Et il n'était pas évident d'y arriver tant la crispation était forte sur les décrets fondateurs. Il reste quand même à rester fidèles aux engagements sur les mesures indemnitaires. Ça va être le chantier de 2015 et il va se dérouler dans une situation économique et politique différente de 2012 ou 2014. Le ministère pourra-t-il résister à la tentation ou au besoin de prélever quelques millions sur ce qui devrait être un jeu à somme nulle ?

 

Les enseignants attendaient du nouveau pouvoir plus que la revalorisation salariale. Ils voulaient de meilleures conditions de travail passant par une révision des programmes. Ils souhaitaient un autre management et plus de considération. Force est de reconnaitre que sur tous ces points les espoirs sont déçus. Les conditions de travail se sont plutôt dégradées. Les nouveaux professeurs qui devaient apporter de l'air sont toujours attendus. Et ne parlons pas des rythmes... La tension avec la hiérarchie a atteint un niveau inouï selon plusieurs enquêtes syndicales publiées à la fin de l'année scolaire dernière et confirmées par l'OCDE. Le management de l’Éducation nationale est en panne complète ce qui n'empêche pas la machine de faire "comme si"... Même la révision des programmes se fait attendre.

 

Alors plutôt qu'afficher un improbable milliard on mesure le travail à faire sur 2015. La question des programmes peut y trouver une solution. Les sorties des enseignants en formation, des mesures pour augmenter leur nombre rapidement là où ce n'est plus possible de tenir sont aussi possibles à court terme. Après les chantiers métiers, ouvrons les solutions métiers...

 

François Jarraud

 

Par fjarraud , le vendredi 14 novembre 2014.

Commentaires

  • IdentRemo, le 15/11/2014 à 10:00
    Une des inégalités de traitement entre les enseignants du premier et du second degré réside dans le fait que ces derniers puissent faire valoir leur droit à la retraite au jour de leur anniversaire et non comme dans le primaire à la fin de l'année scolaire. 
    Cela peut paraître insignifiant mais si l'on met en regard la somme attribuée au titre de  l'ISAE et les mois supplémentaires  effectués, c'est plus parlant : un enseignant né début janvier effectuera 6 mois supplémentaires que son collègue du second degré. Chaque mois de salaire équivaut à 5 ou 6 annuités de ISAE. Ces 6 mois équivalent une carrière d'ISAE ! 
    Cette ISAE peut être perçue comme une illustration du storytelling : on annonce une somme, perçue comme forcément insuffisante, mais dans la situation actuelle apparaissant comme un effort important, Somme qui sera augmentée... les enseignants du primaire ne pouvant ainsi plus dire qu'ils ne touchent pas de prime ...
    Autre illustration de ce storytelling : le plan numérique qui permet de communiquer.
    En y réfléchissant : ce qui fera  la réussite d'un  tel plan, c'est la formation des personnels. Or rien, ne nous montre que ce processus soit engagé : formation de formateurs, prévisions de moyens de remplacement ...

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