Education prioritaire : Les écoles sanctionnées ont-elles démérité ?  

"Quel manque de reconnaissance !" Sylvie Sonnier a 37 ans de carrière et a connu l'époque d'avant l'éducation prioritaire. Elle vit comme un véritable déni l'annonce de la sortie de son école maternelle d'un Réseau d'éducation prioritaire (Rep) de Paris 19ème. A l'autre bout de la ville, rue Küss , même mauvaise nouvelle pour des écoles élémentaire et maternelle. Réformée dans un souci de plus grande justice sociale, la nouvelle carte de l'éducation prioritaire va-t-elle se construire sur de nouvelles inégalités ? Que vont devenir leurs élèves ?

 

"La nouvelle éducation prioritaire, c’est une nouvelle carte des réseaux pour que ce soient les territoires qui en ont le plus besoin qui bénéficient de cette mobilisation exceptionnelle. La nouvelle éducation prioritaire, c’est plus de justice sociale". Ces propos de Najat Vallaud-Belkacem, le 23 septembre 2014, font mal au ventre rue Küss ou rue de Romainville à Paris. L'application des nouveaux critères administratifs pour appartenir à un Réseau d'éducation prioritaire (Rep) menace de faire sortir ces écoles du réseau alors qu'elles ont réellement besoin des moyens attachés aux Rep.

 

A la limite de Paris, le groupe scolaire de la rue Küss, un joli bâtiment des années 1930, borde une grande cité HBM. Il fait partie du RRS Evariste Galois, un réseau d'éducation prioritaire. Mais les deux écoles maternelle et élémentaire, viennent d'apprendre qu'à la rentrée elles seront rattachées à un autre collège qui n'est pas en éducation prioritaire. Pour les écoles cela veut dire leur sortie de l'éducation prioritaire. Rue de Romainville, la situation est différente : c'est le collège de rattachement qui sort des critères de l'éducation prioritaire, entraînant avec lui les écoles qui lui sont rattachées. Enfin à Toulouse, dans le quartier de l'Empalot, les écoles prioritaires alimentent des collèges dont aucun n'est prioritaire et sont de ce fait elles aussi condamnées.

 

Rue Küss on est pourtant certain de remplir les critères sociaux mis en avant par la ministre. "On compte 44% d'élèves bénéficiant des tarifs T1 à T3 pour la cantine scolaire, 81% pour les tarifs T1 à T4", nous confie, le 10 novembre, Pierrick Busseuil, directeur de l'école maternelle. Le tarif T3 correspond à un quotient familial inférieur à 548€. S Sonnier compte 38% d'élèves sur les tarifs T1 à T3. Dans ces deux cas on est bien dans des établissements populaires. Pour autant, dans les deux écoles, on se flatte d'une certaine réussite. "J'ai vu l'impact des formations sur le climat scolaire", explique P Busseuil, formations obtenues parce que l'école est en éducation prioritaire. Pierre Bertrand, président de la Fcpe locale, confirme les progrès réalisés dans l'école depuis une dizaine d'années. "C'est une bonne école mais fragile", nous confie-t-il. L'école s'est beaucoup investie sur les questions de justice scolaire et y consacre l'essentiel des heures d'APC. Le développement d'un jardin, sur les temps scolaire et périscolaire, permet d'avoir un lieu de refuge qui aide à faire face aux enfants qui "explosent" en classe. L'école maternelle rue de Romainville s'enorgueillit de son projet Louvre : l'école accueille des oeuvres du musée. Surtout les enfants y exposent et l'an dernier 83% des parents sont allés au Louvre voir les réalisations des enfants. "On est au front mais ça donne du sens à ce qu'on fait", explique P Busseuil.

 

C'est tout cela qui est menacé par la sortie de l'éducation prioritaire. Les directeurs redoutent de voir leur école entrer dans une spirale négative. Quitter l'éducation prioritaire c'est perdre les aides municipales spécifiques qui permettent de faire des sorties, comme au Louvre pour la rue de Romainville ou au théâtre pour la rue Küss. C'est la remise en question des projets pédagogiques. C'est aussi voir le nombre d'élèves par classe augmenter. Rue Küss on craint de passer de 24 à 30 élèves en élémentaire, de 22 à 28 en maternelle avec les conséquences en fermetures de classe. C'est aussi la perte de l'indemnité spéciale versée aux enseignants (90€ par mois) et des heures supplémentaires. Avec ces effets en cascade, les directeurs  craignent le départ des enseignants. S Sonnier comme P Busseuil ont connu l'époque du grand turn over.  Ils se félicitent d'avoir réussi à stabiliser les équipes enseignantes et savent que c'est la condition pour faire du travail utile dans leur école.

 

En septembre 2014, la ministre avait présenté la réforme de la carte de l'éducation prioritaire comme un modèle de justice sociale. "Une seule ambition a guidé l’élaboration de la nouvelle carte", disait-on au ministère, "aller vers plus de justice sociale. La répartition des réseaux d’éducation prioritaire entre les académies a été construite sur la base de critères objectifs pour que l’éducation prioritaire soit fondée sur un périmètre cohérent avec la difficulté sociale et scolaire. C’est l’indice social créé par la DEPP qui est utilisé. Il est calculé sur la base de 4 paramètres de difficulté sociale dont on sait qu’ils impactent la réussite scolaire : taux de PCS défavorisées, taux de boursiers, taux d’élèves résidant en zone urbaine sensible, taux d’élèves en retard à l’entrée en 6e. Il permet ainsi de classer l’ensemble des collèges sur une échelle de difficulté sociale".

 

Les écoles découvrent un nouveau paramètre : les routines administratives. Puisque les collèges sont tête de réseau d'éducation prioritaire, les écoles suivent le sort du collège ce qui semble commode pour gérer les Rep mais éloigné de la justice sociale sur le terrain. "Pourtant les réalités locales ça compte" estime P. Bertrand. Il y a un autre paramètre qui joue c'est la règle des 1082 réseaux. Ce nombre a été présenté comme un invariant par le ministère avant toute discussion. Comme il n'a pas été trouvé au hasard, on peut penser que les spécialistes des rectorats ont déjà réparti les établissements cet été avant l'annonce du plan et le lancement des discussions.

 

Le ministère est-il prêt à remettre en question la règle des 1082 réseaux ? C'est ce que Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp, a demandé dans une lettre à la ministre le 14 octobre. " Nous regrettons que cette recomposition se fasse sur la base d'une enveloppe fermée de 1 082 réseaux", écrivait-il. Le Snuipp pose aussi la question de la cohérence de la carte qui ne devrait pas être "un agrégat de cartes académiques". Et pour vérifier la cohérence de la carte de l'éducation prioritaire il demande la tenue d'un comité technique ministériel. Le Se -Unsa demande que "les moyens des établissements sortants ne chutent pas brutalement. Les recteurs devront mettre en place des DGH différenciées en fonction des difficultés constatées. Quant aux personnels, ils doivent bénéficier de mesures transitoires".

 

Pour les parents des écoles concernées il est indispensable de rester en éducation prioritaire. Rue Küss comme rue de Romainville ils ont voté l'occupation des locaux jusqu'au 20 novembre. Ce jour là on saura si local compte encore.

 

François Jarraud

 

La nouvelle carte de l'éducation prioritaire

 

 

Par fjarraud , le mercredi 12 novembre 2014.

Commentaires

  • eplantier, le 12/11/2014 à 20:13
    Comment ça, "des écoles sanctionnées" ?

    1/ Il n'y a pas que des écoles, vous oubliez les établissements du second degré ?

    2/ Sanctionnées ? Ah bon, c'est plus qu'une punition ? Je vous invite à mieux choisir votre vocabulaire.

    Il m'apparaît que la question est l'écart entre les élus et ceux qui ne le sont pas. Certains auraient pu l'être et ne sont pas retenus.... Certains ne sont pas loin... Des frustrés par manque de moyens permettant de faire face à la difficulté scolaire. Car, même si on annonce recruter des profs supplémentaires, la situation est tellement noire qu'on en est à 30 par classe hors éducation prioritaire au collège. C'est devenu ingérable, gare à l'explosion !
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