Meirieu et Gauchet : Ne pas réduire l’éducation aux compétences 

« De même qu'aucun métier ne se réduit à la somme des compétences nécessaires pour l'exercer, aucun savoir ne se réduit à la somme des compétences nécessaires pour le maîtriser. Les compétences graphiques, scripturales, orthographiques, grammaticales suffisent-elles pour entrer dans une culture lettrée ? Je n'en crois rien, car entrer dans l'écrit, c'est être capable de transformer les contraintes de la langue en ressources pour la pensée… Ce jeu entre contraintes et ressources relève d'un travail pédagogique irréductible à l'accumulation de savoir-faire et à la pratique d'exercices mécaniques. Il renvoie à la capacité à inventer des situations génératrices de sens, qui articulent étroitement découverte et formalisation. Or, nous nous éloignons aujourd'hui à grands pas de cela avec des livrets de compétences qui juxtaposent des compétences aussi différentes que "savoir faire preuve de créativité" et "savoir attacher une pièce jointe à un courriel" », écrit Philippe Meirieu dans un échange avec Marcel Gauchet publié par Le Monde .

 

« A l'heure actuelle, l'essentiel est d'inventer une école qui soit délibérément un espace de décélération, un lieu d'apprentissage de la pensée et d'expérience d'un travail collectif solidaire. Or, sur ces questions, le patrimoine pédagogique m'apparaît d'une extrême richesse. Le clivage politique, quant à lui, se situe entre ceux qui chargent l'école de transmettre une somme de savoirs techniques garantissant à terme l'employabilité du sujet, et ceux pour qui l'école a une vocation culturelle qui dépasse la somme des compétences techniques qu'elle permet d'acquérir. C'est là une question de société qui appelle un véritable débat démocratique », conclue P Meirieu.

 

Dans Le Monde

Par fjarraud , le mardi 29 juillet 2014.

Commentaires

  • Viviane Micaud, le 29/07/2014 à 10:19
    N'oublions pas la cause de la mise dans la spirale de l'échec et de la perte de l'estime de soi de enfants qui ont de fortes lacunes en lecture et en expression à l'entrée du collège, ainsi que la cause de mise en échec des surdoués, bloqués devant les exercices visiblement idiots et qui n'ont pas de "parents qui ont les codes" pour les soutenir (50% d'un eux avec un fort biais social). 
    A partir de la 4ème, les contrôles imposés sont des trucs sans valeur pédagogique où l'enfant doit s'exprimer en disant si une courbe descend ou monte, ou trouver des trucs correspondants à une caractéristique. Ce qui exclut les enfants en difficulté et les enfants trop logiques qui trouvent, à juste titre car cela ne correspond à aucune réalité, l'exercice nul. 
    Oui, il faut donner les clés à tous les enfants pour construire du sens et de la réflexion. Mais, il n'existe pas de contrôle permettant de le faire au niveau collège. Il est nécessaire de recourir à un autre mode d'évaluation si on veut pas perdre de l'énergie sur des exercices sans vraie valeur ajoutée pédagogique et de plus exclus 25% des élèves avec des biais sociaux énormes.
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